Des passionnés sont venus des Etats-Unis pour retrouver en France le plus vieil enregistrement sonore du monde, réalisé en 1860 par un Français, Edouard-Léon Scott de Martinville. Sur du papier couvert de noir de fumée est immortalisé un tube éternel : Au clair de la Lune. Des techniques numériques ont permis à cette voix de se faire entendre pour la première fois.

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    Le phonautographe de Edouard-Léon Scott de Martinville, modèle 1859 © Franz Josef Pisko, Die neuere Apparate der Akustik (Vienne, 1865)

    Le phonautographe de Edouard-Léon Scott de Martinville, modèle 1859 © Franz Josef Pisko, Die neuere Apparate der Akustik (Vienne, 1865)

    L'enregistrement est bref, dix secondes seulement. La voix féminine est déformée et très parasitée mais la chanson reste parfaitement reconnaissable. On entend distinctement un couplet : « Au clair de la LuneLune, Pierrot répondit... ». La voix vient du dix-neuvième siècle et même, précisément, selon ses découvreurs, du 9 avril 1860.

    Enregistrement à écouter

    David Giovannoni et Patrick Feaster ont créé aux Etats-Unis en 2007 une association, First sounds, pour récupérer les plus anciens enregistrements sonores. En décembre dernier, ils apprennent l'existence de demandes de brevets déposées en France à l'INPI (Institut national de la propriété intellectuelle), datant de 1857 et 1859. D'autres documents existent également à l'Institut de France. L'invention est celle du phonautogramme, par Edouard-Léon Scott de Martinville. Son appareil permet d'enregistrer un son sur une bande de papier recouverte de noir de fumée, fixée sur un cylindre en rotation lente. Un cornet constitue un résonateur et fait vibrer un stylet appuyé contre le papier. Le résultat est un phonautographe, une ligne blanche ondulant sur le papier noirci. Thomas EdisonEdison ne présentera son phonogramme qu'en 1877.

    Le lecteur enfin au point

    L'engin ne peut qu'enregistrer le son. L'instrument pour lire ces phonautographes restait encore à inventer... C'est désormais chose faite, un siècle et demi plus tard ! Les deux Américains ont pu accéder aux dossiers de demandes de brevets, dans lesquels figuraient plusieurs phonautographes, qui ont été scannés avec une grande précision. Ces images ont été confiées à  Earl Cornell et Carl Haber, deux scientifiques du Berkeley Lab.

    Pour lire cet enregistrement, les chercheurs ont employé une technique mise point par Carl Haber et Vitaliy Fadeyev pour les disques anciens, consistant à analyser, à l'aide d'un laserlaser, la forme du sillon. Celle-ci est semblable, ou analogue (d'où le mot analogiqueanalogique), au signal sonore initial. Appelé Irene, l'appareil mettant en œuvre cette technique a été conçu pour récupérer d'anciens enregistrements sur disques 78 tours, en collaboration avec la Bibliothèque du Congrès des Etats-Unis.

    Cette technique peut aussi être appliquée à cette ligne blanche inscrite il y a cent cinquante ans. L'équipe a dû l'adapter et, comme pour tout transfert d'un signal analogique à une information numérique, en profiter pour nettoyer quelques parasitesparasites et autres défauts. On peut donc désormais écouter ce phonautographe, émouvant témoignage sonore...

    Edouard-Léon Scott de Martinville avait réalisé plusieurs phonautographes, dont le son d'un diapason, qui ont pu être ainsi écoutés pour la première fois. L'événement, annoncé par le New York Times, sera présenté lors d'une assemblée à l'université de Stanford.