Le domaine de la simulation sociale - qui utilise des programmes informatiques pour réaliser des expériences sur des systèmes sociaux - est en développement constant depuis son apparition au début des années 90. Jusqu'à ce jour toutefois, du fait des contraintes liées à l'informatique, la recherche s'est concentrée sur le développement de systèmes sociaux simples.

au sommaire


    La première société basée sur des individus artificiels informatisés ?

    La première société basée sur des individus artificiels informatisés ?

    Cet obstacle est en passe d'être levé grâce à un projet collaboratif international financé par le Sixième programme-cadre (6e PC) de l'UE. Le projet NEW TIES (pour "New and Emergent World models Through Individual, Evolutionary and Social learning", c'est-à-dire: "nouveaux modèles mondiaux émergents via l'apprentissage individuel, évolutif et social") a pour but de développer, pour la première fois au monde, une société complète basée sur des individus artificiels informatisés.

    Le consortium comprend des chercheurs de pointe en intelligence artificielle, en évolution du langage, en simulation en mode agent et en informatique évolutive, issus d'universités des Pays-Bas, du Royaume-Uni et de Hongrie. Leurs trois années de collaboration seront financées à hauteur de 1,55 million d'euros au titre du programme "Technologies pour la société de l'information" (TSITSI) du 6e PC.

    Selon le consortium, les êtres artificiels auront des comportements indépendants au sein de la simulation informatisée globale, de manière très similaire aux personnages des jeux populaires de simulation, tels que SIMS et "Black and White". La différence majeure est que les personnages de NEW TIES seront capables d'apprendre et d'évoluer.

    L'objectif est de faire évoluer une société capable de comprendre et d'explorer son environnement au moyen de la coopération et de l'interaction. Pour parvenir à ce but dans le cadre d'un programme de cette complexité, les êtres artificiels, ou "agents", seront dotés de la capacité de développer un système ou un langage de communication afin de coopérer et de survivre, mais il reviendra aux agents eux-mêmes de développer ce langage particulier.

    En outre, ils développeront d'autres compétences avancées moyennant un apprentissage individuel, un apprentissage évolutif et un apprentissage social. En fait, l'un des nombreux éléments nouveaux du projet est la capacité des agents à pratiquer un apprentissage social consistant à faire passer les connaissances d'un être à l'autre : les "mères", par exemple, transmettent des connaissances à leurs "enfants". L'un des résultats possibles de ce processus d'apprentissage social et qui passionne le plus l'équipe de chercheurs, sera la preuve de l'émergenceémergence d'une culture développée conjointement par les agents du programme.

    Outre l'innovation technologique inhérente au projet, les chercheurs espèrent que leurs travaux auront également des implications plus vastes en matièrematière de conception de technologies de l'information, de systèmes informatiques évolutifs, de programmation informatique en mode agent, d'intelligence artificielle et, surtout, de linguistique. D'après un membre de l'équipe, Nigel Gilbert, de l'université du Surrey (Royaume-Uni): "Ce projet est la prochaine étape de l'étude de l'évolution du langage."

    Le professeur Gilbert explique également que "Jusqu'à ce jour, un projet de ce type était irréaliste et relevait de la science-fiction, et personne ne pensait qu'il serait possible de la réaliser. Mais aujourd'hui, les énormes ressources informatiques nécessaires pour créer une société artificielle sont beaucoup plus accessibles, les travaux sur l'évolution du langage ont progressé et nous sommes maintenant en mesure d'essayer de développer une société artificielle de cette envergure."

    Cependant, même en cas de succès de l'équipe, il y aura encore des défis majeurs à relever, comme le coordinateur du projet, Gusz Eiben, de l'université libre d'Amsterdam, l'explique: "L'un des plus grands défis scientifiques de ce projet ne consiste pas seulement à faire évoluer un langage, mais à le comprendre."

    Le professeur Eiben conclut: "Si l'évolution du langage se développe réellement comme nous l'espérons, comment pourrons-nous comprendre de quoi parlent les individus entre eux? Nous avons l'intention de mettre en place plusieurs contrôleurs qui observeront comment le langage se développe et qui, outre le résultat final, essaieront également d'examiner l'avancement du processus lui-même. De cette manière, nous espérons pouvoir actualiser en permanence notre compréhension de l'évolution du langage."