En dotant un robot de cet organe sensoriel remarquable, des roboticiens s'inspirent des souris, des rats et des chats…


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    Miriam Fend, étudiante au Laboratoire d'intelligence de Zurich, prépare un PhD en collant des moustaches.

    Miriam Fend, étudiante au Laboratoire d'intelligence de Zurich, prépare un PhD en collant des moustaches.

    Comme les chats, les souris et les rats utilisent abondamment leurs moustachesmoustaches, un organe d'une sensibilité extraordinaire. Au moindre souffle, elles s'agitent, indiquant par exemple la proximité immédiate d'un obstacle, ce qui permet à ces animaux de se mouvoir dans l'obscurité. Mais elles doivent aussi servir au sens du toucher. C'est ce qu'ont voulu vérifier des chercheurs suisses engagés dans l'original programme européen appelé "Amouse", pour Artificial Mouse, souris artificielle.

    Il roule, ne voit rien… mais ses moustaches sont aussi sensibles que celles d'un rat. D'ailleurs, CE SONT des moustaches de rats !
    Il roule, ne voit rien… mais ses moustaches sont aussi sensibles que celles d'un rat. D'ailleurs, CE SONT des moustaches de rats !

    A l'Artificial IntelligenceIntelligence Lab, de l'université de Zurich, les chercheurs ont donc doté un robot mobilemobile d'une belle paire de moustaches prélevées... sur un rat. Chaque poil a été collé sur la surface d'un microphone à condensateur et constitue un senseur à lui tout seul. Les données sont expédiées à un banal ordinateur.

    Première question : un tel capteur peut-il reconnaître une surface au toucher ? "Oui mais l'animal doit marcher", affirme Miriam Fend, l'une des chercheuses de l'équipe. La vibrationvibration du poil qui glisse sur une surface produit des signaux différents selon la rugosité de l'objet effleuré. Pour que ce sens du toucher fonctionne correctement, il faut que l'animal se déplace et prenne en compte ce mouvementmouvement. Cette analyse multisensorielle passionne les scientifiques car elle est justement au cœur du projet Amouse.

    Le chat : "A vue de nez, ça rentre"

    Deuxième question : ces moustaches peuvent-elles servir pour explorer un environnement ? Miriam Fend prend l'exemple du chat qui doit passer dans un trou : "avec ses moustaches, qui débordent largement sur les côtés, il peut mesurer qu'il pourra se glisser dans une ouverture".

    Le problème n'est donc pas seulement d'avoir ou non des moustaches, mais aussi de les avoir au bon endroit. La jeune chercheuse a testé différentes configurations avant de lancer son robot explorer son petit monde, une arènearène de quelques décimètres carrés contenant trois obstacles.

    Pour construire un robot sensible, collez les moustaches au bon endroit. Ici, le robot est vu de dessus. Devinez la meilleure position…
    Pour construire un robot sensible, collez les moustaches au bon endroit. Ici, le robot est vu de dessus. Devinez la meilleure position…

    Résultat : pour bien explorer un environnement, les moustaches doivent être situées latéralement et pointées vers l'avant (schéma B sur la figure). On peut remarquer que cette disposition ressemble assez aux véritables moustaches des souris et des rats, mais pas à celles des chats, qui serait plus proche du schéma F.

    Instinct artificiel ?

    Mais quel est le but de ce travail étrange ? Construire une souris-robot ou bien comprendre comment les rongeursrongeurs, les félinsfélins et les canidéscanidés perçoivent leur environnement ? Les deux à la fois !

    Le projet Amouse, qui fait partie du programme européen ISTIST (Information Society Technologies), réunit des roboticiens et des biologistes. Le but de l'expérience relatée ici est de comprendre l'interaction entre les informations visuelle et sensorielle.

    L'idée est d'imiter les animaux, au moins dans leurs comportements les plus simples, notamment l'exploration de l'environnement. Derrière les capteurs, la cybernétique utilise les réseaux neuronaux, ce mode de programmation inspiré des systèmes nerveux animaux et capable de comportements non prévus au départ.

    Depuis une décennie, cette approche modeste de l'intelligence artificielle occupe des chercheurs de plus en plus nombreux, particulièrement aux Etats-Unis et en Europe. En France, le laboratoire Animatlab (voir ce dossier  ) poursuit le même chemin, notamment avec Psykharpax, un rat artificiel. Les Japonais, eux, s'intéressent davantage aux robots anthropoïdesanthropoïdes. Mais les deux voies sont complémentaires et destinées à se rencontrer.