Des chercheurs américains ont mimé l'auto-réplication de l'ADN avec quelques morceaux de plastique, un peu d'électronique… et de l'huile de coude. La promesse, sans doute, de machines futures qui fonctionneront avec un minimum d'assistance humaine.

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    Sur une table à rebords sont posés en vrac d'étranges objets de plastiqueplastique, vaguement carrés, munis d'un crochet mobilemobile et d'un circuit électronique assez sommaire. Certains sont assemblés pour former une longue structure. L'ensemble évoque un jeu de constructionconstruction. D'ailleurs, ces petits objets sont appelés "blocks", c'est-à-dire cubes de jeu de construction, par leurs inventeurs, Saul Griffith, Dan Goldwater et Joseph M. Jacobson, chercheurs au Center for Bits and Atoms, du Media Laboratory, au MIT (Massachusetts Institute of Technology).

    Ceci est un robot ! La puce électronique, au centre, perçoit la proximité de voisins éventuels par un contact radio et peut lever ou baisser un grappin, de couleur orange.

    Ceci est un robot ! La puce électronique, au centre, perçoit la proximité de voisins éventuels par un contact radio et peut lever ou baisser un grappin, de couleur orange.

    Il est 16 heures 23. L'expérimentateur s'appuie sur le bord de la table, se penche et, vigoureusement, brasse les objets. Ceux qui viennent à se toucher deux à deux se mettent à bouger. Leurs crochets se lèvent et s'abaissent pour finir par agripper le voisin. Mais la position est si inconfortable que les deux partenaires abandonnent leur étreinte. D'autres cubes, que le mouvementmouvement de brassage à amener près de la longue structure, tentent de s'accrocher à elle. Mais, dans la plupart des cas, l'effet est le même et le cube lâche prise. Quand plus rien ne bouge, le brasseur se penche sur la table et mélange ce petit peuple pour une nouvelle danse. Près d'un quart d'heure se passe ainsi, entre brassage, étreintes et séparationsséparations.

    Une demi-heure pour des quadruplés

    A 16 heures 37, un phénomène merveilleux se produit : la longue structure a agglutiné une série de cubes identique à celle dont elle est elle-même constituée. Elle vient de se dédoubler. A 16 heures 38, les deux jumeaux se détachent l'un de l'autre : la structure s'est répliquée. A 16 heures 52, une nouvelle duplication a lieu, générant deux structures identiques une minute plus tard. A 16 heures 56, une troisième réplicationréplication se produit. L'expérience est stoppée à 16 heures 58. Au milieu des cubes, quatre longues structures existent là où il y en avait une seule une demi-heure plus tôt.

    Les mini-robots, brassés comme des molécules en milieu liquide, viennent à se toucher, s'agrippent et, progressivement, les longues structures catalysent leur propre réplication.

    Les mini-robots, brassés comme des molécules en milieu liquide, viennent à se toucher, s'agrippent et, progressivement, les longues structures catalysent leur propre réplication.

    Jeu de gamin ? Pas du tout. Avec des structures très simples, les chercheurs ont reproduit le phénomène de l'autoréplication de l'ADNADN. Les cubes obéissent à quelques règles d'appariement et les font jouer en deux phases : la première pour s'agripper (comme les liaisons chimiquesliaisons chimiques s'établissant entre les bases nucléiques qui cherchent à former un ADN), la seconde pour corriger les erreurs, en se détachant si la position n'est pas bonne. Le brasseur joue le rôle du mouvement brownien, qui secoue le monde entier à l'échelle des atomesatomes et des moléculesmolécules. La première structure, fabriquée de main d'homme, agit comme un catalyseurcatalyseur, en favorisant les unions qui conduisent à la réplication.

    Robot, débrouille-toi

    Ici, c'est donc le hasard qui joue. Dans ce travail, qui vient d'être publié par la revue Nature, les scientifiques démontrent qu'un système peut s'autorépliquer avec un minimum de structures et de règles. D'autres expériences de réplication de structures artificielles ont déjà été présentées. Mais jusque là, le comportement était programmé à l'avance et les robots ne faisaient donc que suivre un plan préétabli.

    Pas de programme, les robots se débrouillent seuls : cette approche, consistant à concevoir des robots autonomes, capables d'apprendre par eux-mêmes, est actuellement en vogue. Lâchés sur la planète Mars ou dans le corps humain, de tels mini-robots pourront un jour multiplier leur nombre si le besoin s'en fait sentir...