Évaluer la qualité des renseignements disponibles sur le Web demande un véritable savoir-faire. Des chercheurs poitevins se penchent sur les compétences nécessaires pour déceler le vrai du faux : la formation s'impose.

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    Internet : vraie ou fausse mine d'or ?

    Internet : vraie ou fausse mine d'or ?

    Avec Internet, on peut tout faire : chercher un itinéraire routier, choisir son programme de ciné, correspondre avec un ami Ouzbek, se documenter sur les mœurs des Indiens d'Amérique... Encore faut-il être sûr des infos que l'on glane sur les pages Web. Et ce n'est pas chose évidente pour tout le monde. C'est pourquoi les chercheurs du projet « Production des connaissances à partir de sources en ligne » (Colin) se sont attelés à identifier les nouvelles compétences, nécessaires et mises en œuvre pour l'utilisation des systèmes d'information en ligne (sites Web, hypertextes). « Dans l'enseignement et les formations, on fait de plus en plus appel à Internet, un peu utilisé comme une caverne d'Ali Baba. Mais les élèves ne sont pas tous capables d'évaluer la pertinence et la qualité des infos. Si on demande à un enfant de 10 ans de faire un exposé sur les Indiens d'Amérique, dès qu'il tombe sur une page où le mot "Indien" est cité, il s'en satisfera. Sans vérifier s'il ne s'agit pas d'un site consacré aux Indiens d'Inde par exemple, explique Jean-François Rouet, psychologue, directeur du projet et du Laboratoire « Langage et CognitionCognition » de Poitiers. Dans cette étude de psychologie cognitive, notre but est de comprendre le mode de raisonnement employé par les utilisateurs. »

    Dans un premier temps, l'équipe a souhaité évaluer le mode d'utilisation du Web par des experts, spécialistes de l'information, comme les journalistes ou les documentalistes. « En fait, il y a très peu d'études sur le comportement des experts, même si elles tendent à se développer. Nous avons donc soumis un questionnaire à 46 étudiants spécialisés en journalisme et en documentation. Nous voulions connaître leurs expériences et fréquences d'utilisation du Web, les types de sources documentaires exploitées, le degré de confiance accordé, leur impression de facilité/difficulté à trouver des informations ainsi que celle d'utilité et de fiabilité des sources. »

    Premiers résultats, ces experts utilisent fréquemment le Web : consultation des e-mails plus d'une fois par jour pour 76 % d'entre eux, navigation sur les sites plus d'une fois par jour pour 36 % et utilisation des moteurs de recherche au moins une fois par jour pour 80 %. Quels sont leurs sites favoris ? Ceux des universités, d'organismes de recherche et les sites gouvernementaux. Les documentalistes et les journalistes sondés les jugent en effet dignes de confiance. « Bien qu'il s'agisse d'un QCM sans justification dans cette partie, à la lueur des autres réponses, cela signifie qu'ils jugent l'auteur du site compétent et que l'objectif d'information est clairement établi. » Cependant les « experts » consultés reconnaissent avoir des difficultés en général à s'assurer de la qualité des renseignements.

    Dans une deuxième partie de l'étude, l'équipe du projet Colin a voulu mettre en évidence l'expertise développée et mise en œuvre par les experts par rapport à des novices, non spécialistes de la recherche d'informations sur le Net. Cette fois, les experts sont exclusivement des documentalistes, « car ils se servent plus d'Internet pour leur recherche, contrairement aux journalistes qui font aussi appel à d'autres sources comme les interviews ». Les participants devaient juger de la qualité et de la crédibilité de vingt-quatre documents Web. Bien que tout le monde ait évalué ces deux paramètres de manière conforme à la réalité, les experts ont fourni des justifications plus détaillées et plus variées. En fait, « les novices tendent à se focaliser sur l'information "brute" apportée par le document, alors que les experts insistent davantage sur les sources et le problème qu'ils sont en train de traiter », précise Jean-François Rouet. Par exemple, les novices apportent des justifications assez sommaires, comme : « c'est un médecin qui écrit », alors que les documentalistes auront identifié qu'il s'agit bien d'un médecin mais que l'information se trouve sur le site d'une clinique privée. Son objectif n'est donc pas forcément uniquement d'informer mais aussi de vendre, de faire la promotion de sa clinique. L'identification de la source leur permet de donner plus ou moins de crédit à l'information brute contenue dans la page.

    Pour Jean-François Rouet, ces premiers résultats mettent en évidence l'acquisition de schémas de connaissance par les experts. « Mais ce n'est pas inné, ces documentalistes ont été formés pour cela. Il est donc important de former les utilisateurs d'Internet, grâce à des travaux dirigés de recherche d'informations plus encadrés, à la fac par exemple.» Un projet dont le psychologue s'occupe activement pour la rentrée.