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    Planck affirme une seconde vérité qui certifie qu'en aucun cas il n'est possible de prédire exactement un phénomène physique. En effet, la théorie de l'induction, selon Popper, n'est pas viable car elle n'apporte pas la certitude logique qui justifie l'enchaînement des événements, mais elle repose sur l'observation d'une régularité qui n'assure en rien sa pérennité. Donc, PlanckPlanck part de deux idées fondamentales pour sauver le déterminisme causal :

     Un événement est conditionné causalement quand il peut être prédit avec certitude.
     En aucun cas, il n'est possible de prédire exactement un phénomène physique.

    Ou bien l'on maintient ces deux vérités, et alors il n'y a pas dans la nature un seul cas où l'on puisse affirmer l'existence d'un lien causal, et il en résulte un indéterminisme causal. Ou bien, on maintient la causalité stricte et il devient nécessaire de modifier d'une manière ou d'une autre la première proposition.

    Si l'on désire modifier la première vérité, le seul terme sur lequel on peut jouer, est celui d'événement. En effet, un événement est un certain phénomène purement imaginaire ayant a lieu dans un monde, qui tient lieu de monde sensible tel que nous le font connaître directement les organes de nos sens, aidés, au besoin et perfectionnés par l'usage des instruments de mesure. Ce monde est le modèle idéalisé qui a été crée dans le but d'éliminer l'incertitude inhérente à toute mesure réelle et de n'opérer que sur des concepts définis avec une netteté absolue. Planck distingue donc le monde réel du monde représenté par la science. Il en résulte que toute grandeur mesurable a une double signification, selon qu'on la considère comme étant le résultat immédiat d'une mesure ou qu'on la suppose se rapporter à ce modèle. Dans la première acceptation, une grandeur doit toujours être considérée comme étant définie d'une manière imprécise ; dans la seconde acceptation, une grandeur est au contraire un symbole mathématique déterminé sur lequel on opère en observant des règles d'une rigueur absolue. En résumé, la prévision des événements du monde sensible, qui pour Planck est le monde réel, est toujours plus ou moins entachée d'incertitude, alors que les lois qui régissent l'image représentative physique de l'univers, c'est à dire le modèle, sont toujours déterminées par une causalité stricte.

    Une telle division entre le monde sensible et le monde représentatif de la science portait en elle l'espoir que les différences iraient en s'atténuant en raison de leur perfectionnement incessant apporté aux méthodes de mesure. Or la physique quantique a ruiné cette espérance. En effet, à partir du moment où Heisenberg formula ses incertitudes, constatant l'impossibilité de déterminer précisément la vitesse et la position d'un électron, l'établissement d'une physique strictement causale soulève des difficultés. Pour résoudre ce problème, l'école de Copenhague affirme que la détermination simultanée des coordonnées et de la vitesse d'un point matériel n'a aucun sens physique dans l'univers subatomique. Cette échappatoire, comme le fait remarquer Planck, ne permet pas de nier la causalité stricte car elle ne peut être responsable de l'impossibilité qu'il y a de donner une réponse à une question qui n'a pas de sens. Ainsi, pour préserver la causalité, on peut dire que l'influence causale est exercée par l'instrument de mesure, ce qui signifie que l'indétermination provient, pour une part, de ce que entre la grandeur à mesurer et la façon de mesurer, il y a une interdépendance réglée par des lois. Le problème, dès lors, est de savoir si l'hypothèse d'une action causale de l'instrument de mesure apporte une explication vraisemblable car nous ne connaissons un phénomène qu'autant que nous le mesurons et toutes nouvelles mesures, en physique quantique, est une nouvelle perturbation. Ce qui revient à dire qu'il est impossible d'isoler l'indétermination afin d'en extraire les causes. Dès lors l'incertitude, qui règne au sujet de la prédiction des événements ayant lieu dans le monde sensible, est ramenée à l'impossibilité d'établir une correspondance précise entre l'image représentative de la physique et du monde réel. L'univers de la physique quantique est bien plus éloigné du monde sensible que celui de la physique classique et il est incomparablement plus difficile, en physique quantique qu'en physique classique, de transposer dans le monde représentatif un événement du monde sensible. Par exemple, le nom d'onde, dans la conception classique, signifiait soit un mouvementmouvement perceptible à nos sens, que l'on retrouve dans les phénomènes liquidesliquides, soit dans un champ électriquechamp électrique pouvant être mesuré directement. Dans la physique quantique, ce mot ne désigne plus que la probabilité d'existence d'un certain état. Cela a fait naître une conception indéterministe selon laquelle il faut oublier la causalité car de toutes les mesures que l'on peut effectuer, jamais on ne peut déduire plus qu'une fonction d'onde à signification purement statistique.

    L'impossibilité de faire coïncider le monde sensible et l'image représentative qu'en a donné la science ne permet pas de légitimer le principe de causalité. Dès lors, Planck n'a d'autre moyen, pour sauver le déterminisme causal, de chercher si le principe de causalité n'aurait pas une signification plus immédiate et plus profonde grâce à laquelle il deviendrait indépendant de l'introduction d'une constructionconstruction artificielle et s'appliquerait, non plus à l'univers purement représentatif des physiciensphysiciens, mais aux événements du monde sensible. En ce sens, Planck ne modifie plus la notion d' " événement " mais s'intéresse à l'observateur, c'est à dire à celui qui fait la mesure, car toute prédiction suppose un objet sur lequel repose la prédiction et un sujet qui prédit. On laisse donc à l'objet de la prédiction son caractère d'être constitué par les événements du monde sensible et on s'intéresse au sujet dans son acte de prédiction. Planck constate que la certitude de la prédiction dépend dans une large mesure de l'individualité de celui qui l'a faite. Dans ces conditions, il est donc tout naturel de penser, qu'un esprit idéal qui connaîtrait tous les phénomènes physiques d'aujourd'hui jusque dans leurs moindres détails, pourrait prophétiser avec une certitude absolue. Grâce à cette hypothèse, Planck en conclut que le principe de causalité ne peut pas plus être prouvé qu'il ne peut être réfuté. Il n'est donc, à proprement parlé, ni vrai ni faux. C'est un principe heuristiqueheuristique, un guide, le guide le plus précieux pour nous indiquer la voie dans laquelle la recherche scientifique doit s'avancer pour arriver à des résultats féconds.