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    Pour analyser finement la pyramide de Khéops, outre les robotsrobots comme Djedi (voir page précédente), les chercheurs disposent d'analyses spectroscopiques et de l'analyse microgravimétrique. Jean-Pierre Houdin explique leur usage dans le cadre de ses recherches.

    La spectrométrie et la microgravimétrie peuvent-elles révéler les secrets des pyramides ? Ici, la pyramide de Khéops vue de nuit. © Williamsjonathan69, CC by-nc 2.0
    La spectrométrie et la microgravimétrie peuvent-elles révéler les secrets des pyramides ? Ici, la pyramide de Khéops vue de nuit. © Williamsjonathan69, CC by-nc 2.0

    Avec le procédé de microgravimétrie, en relevant l'intensité de force engendrée dans deux portions similaires mais à des endroits différents de la pyramide, il est possible de repérer des anomaliesanomalies dans la masse et, de ce fait, d'en déduire la présence d'une cavité, d'une chambre, d'un couloir...

    Dans le livre Le Secret de la grande pyramide, écrit par Jean-Pierre Houdin et Bob Brier, les auteurs expliquent que « toute masse exerce une force d'attraction ; on peut mesurer la valeur de l'attraction exercée par des blocs de la pyramide en se servant d'un appareil très sensible appelé microgravimètre. Son principe : détecter de minuscules anomalies gravitationnelles dans la pyramide pour y découvrir des espaces cachés éventuels ».

    Mickaël Bagot : Pour vérifier vos hypothèses, une autre technique existe, celle de l'analyse spectroscopique. En quoi consiste cette technique ?

    Jean-Pierre Houdin : Pour moi, un spectroscope permet d'avoir un spectre de quelque chose de thermique par exemple, ou en couleur...

    Mickaël Bagot : L'analyse infrarouge thermique dite « vision infrarouge multipolaire » est à l'étude à l'université Laval, à Québec. Pouvez-vous nous en dire deux mots ? Les chercheurs ont-ils rencontré des problèmes ? Ont-ils trouvé un moyen efficace pour analyser une masse aussi énorme que celle d'une pyramide ?

    Jean-Pierre Houdin : Pour l'instant, je ne peux pas parler à la place de Laval. Les choses sont en cours.

    À gauche, des simulations thermiques montrent une pyramide pleine (en haut) et une pyramide qui contient une rampe intérieure (en bas). Pour Xavier Maldague (à droite), titulaire de la chaire de recherche en vision infrarouge multipolaire à l’université Laval, <em>« les techniques que nous utiliserons pour sonder l’intérieur de la pyramide sont non destructives »</em>. © Dassault Systèmes, DR
    À gauche, des simulations thermiques montrent une pyramide pleine (en haut) et une pyramide qui contient une rampe intérieure (en bas). Pour Xavier Maldague (à droite), titulaire de la chaire de recherche en vision infrarouge multipolaire à l’université Laval, « les techniques que nous utiliserons pour sonder l’intérieur de la pyramide sont non destructives ». © Dassault Systèmes, DR

    Mickaël Bagot : Des analyses microgravimétriques effectuées dans les années 1980 par EDF ont relevé des anomalies (peut-être une rampe). De nouveaux tests seront-ils d'une meilleure qualité ?

    Jean-Pierre Houdin : Les nouveaux tests seront de bien meilleure qualité ; ils viendront confirmer par une seconde technique non invasive ce qu'une première a montré avec les différences de température sur une longue période de temps.

    Mickaël Bagot : Existe-t-il d'autres techniques adaptées à cette étude ? Sont-elles en cours d'utilisation, et où ?

    Jean-Pierre Houdin : Oui, une technique qui permettrait de visionner tous les éléments, rampe intérieure et antichambres, en une seule fois. Je travaille dessus depuis plus de six mois mais c'est ultraconfidentiel.

    La première section de la rampe (en bleu) est parallèle à la face est, et monte jusqu’à la première chambre que Bob Brier a explorée dans le coin nord-est. La deuxième section et la troisième section (en blanc) montent en biais, car elles épousent la pente de la pyramide inclinée vers l'intérieur. La quatrième section, située à 43 m de hauteur (en jaune), est horizontale et parallèle à la face sud. Les 14 sections suivantes (en blanc) montent en biais jusqu'au sommet. La chambre que Bob Brier a explorée est entourée d'un cercle jaune. © Jean-Pierre Houdin, fondation EDF
    La première section de la rampe (en bleu) est parallèle à la face est, et monte jusqu’à la première chambre que Bob Brier a explorée dans le coin nord-est. La deuxième section et la troisième section (en blanc) montent en biais, car elles épousent la pente de la pyramide inclinée vers l'intérieur. La quatrième section, située à 43 m de hauteur (en jaune), est horizontale et parallèle à la face sud. Les 14 sections suivantes (en blanc) montent en biais jusqu'au sommet. La chambre que Bob Brier a explorée est entourée d'un cercle jaune. © Jean-Pierre Houdin, fondation EDF

    Mickaël Bagot : Les analyses spectroscopiques testées sur un modèle semblable aux pyramides ont-elles contribué à revoir des bases de conception au bureau d'études (amélioration physiquephysique, électronique, etc.) ? Si oui, lesquelles ? Le modèle utilisé pour les essais a-t-il une différence majeure avec la pyramide ?

    Jean-Pierre Houdin : On a appris de nouvelles choses liées à la « masse ». Des essais faits en laboratoire ne peuvent pas refléter la réalité à cause de l'effet de masse d'une pyramide. Les simulations numériques peuvent être plus instructives que des essais en laboratoire sur des maquettes à petite échelle ; le facteur échelle peut avoir une forte importance pour l'infrarouge par exemple.

    Mickaël Bagot : Les nouvelles techniques de détection non invasives se trouvent aussi dans les satellites. Un œilœil stationnant à 700 km de haut permet de repérer des objets de moins d'un mètre de diamètre, et surtout de faire de l'analyse d'imagerie infrarouge. Sarah Parcak, de l'université de l'Alabama, à Birmingham, a découvert ainsi plus de 1.000 tombes et 3.000 sites de monuments antiques (à noter une cinquantaine de bateaux trouvés par Diego Baratono et le professeur Paolo Trivero par cette méthode).

    Jean-Pierre Houdin : C'est un problème d'échelle ; la résolutionrésolution des satellites infrarouges (civils) n'est pas suffisante dans le cas de la pyramide. Sarah Parcak et Diego Baratono « découvrent » des masses de matériaux différents du sol qui sont déjà conséquentes.

    Mickaël Bagot : D'où ma question, la science peut-elle détecter une rampe intérieure dans une pyramide à partir d'une analyse d'imagerie infrarouge prise par satellite ? 

    Jean-Pierre Houdin : Non, cela est impossible.