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    La métallurgie, axée avant tout sur l'armement, le renforcement de la hiérarchie dans la société hallstattienne, avec la domination des « princes » militaires détenteurs de la richesse et donc du pouvoir, tous ces éléments caractérisent cette période.

    Les « princes » entretiennent avec les pays de la Méditerranée, Espagne, Italie et Grèce, des relations étroites. C'est une période où l'urbanisation se développe sous l'influence des civilisations étrusque et grecque, dans le midi de la France comme en Allemagne du Sud. Citons, à titre d'exemple, les sites de la région de Stuttgart (Asperg, Hirschlanden, Ilochdorf), de la vallée du Rhin supérieur (Kappel ars Rhein, Appenwihr près de Coirnar), la Garenne Sainte-Colombe près de Châtillon-sur-Seine), Pertuis sur les bords de la Durance.

    Mobilier funéraire de la tombe princière de Hatten (début V<sup>e</sup> siècle av. J.-C.). © André Beauquel - Tous droits réservés, reproduction interdite
    Mobilier funéraire de la tombe princière de Hatten (début Ve siècle av. J.-C.). © André Beauquel - Tous droits réservés, reproduction interdite
    • Origine : Hatten
    • Date : début Ve siècle av. J.-C.
    • Diamètre du chaudronchaudron 53 cm

    Cette sépulturesépulture est intéressante aussi bien par les objets eux-mêmes que par leur signification. II s'agit avant tout du matériel nécessaire au repas. On sait par Homère qu'offrir un banquet est une des fonctions d'un prince, et les objets sont les insignes de cette fonction. Aussi voit-on ici figurer le grand plat circulaire en bronze, destiné à contenir des victuailles, le chaudron en bronze à poignées de fer qui permet d'apporter le vin qu'on y puisera à l'aide de deux œnochées.

    Ces quatre objets sont d'importation étrusque. Le bandeau d'or a pu être porté par le prince comme ornement d'une coiffure en peau ou en tissu. Mais une autre interprétation est possible, d'après Homère : un rite fréquent, dans l'Antiquité, voulait que l'on couronnât les œnochées lors des festins. Les quatre boutons de bronze sont des éléments de la caisse d'un char à quatre roues qui figurait également dans la tombe.

    Les importations de cette sépulture ont passé par les cols alpestres. Jusqu'ici Marseille et la voie rhodanienne permettaient d'acheminer vers le nord des Alpes les produits de la Méditerranée : on en a une preuve évidente, en ce qui concerne l'Alsace, avec les fragments d'amphore vinaire marseillaise mis au jour à Illfurth, près de Mulhouse. Mais, au début du Ve siècle av. J.-C., les ports du nord de l'Adriatique se développent, et parallèlement l'extraction du fer dans la vallée du Rhin moyen, métal de plus en plus recherché dans le monde celtique. Nous savons qu'un commerce actif s'instaure sur cette base entre les Celtes et les pays de la Méditerranée, la tombe de Hatten en est un témoignage.

    Le premier témoignage, des environs de -650, est certainement donné par la sépulture d'Appenwihr. Si son mobilier atteste la poursuite des relations entre l'Italie et le nord des Alpes, amorcées dès la fin de l'âge du bronze, il marque aussi la continuation d'un itinéraire commercial qui passait par les cols alpestres et qui va se poursuivre longtemps ensuite.

    La coupe cannelée apparaît surtout à Vetulonia en Etrune, et deux exemplaires surmontant un petit char funéraire provenant de Ca'Morta, près du lac de Côme, établissent nettement le trajet par les Alpes du Centre et le col du St. Gothard, dans la première moitié du VIIe siècle. Appenwihr n'est qu'une étape, car il a été trouvé des répliques de cette coupe en Bourgogne et près de Francfort. L'autre élément intéressant de cette sépulture, originaire aussi d'Étrurie, est une pyxide, qui contenait un onguent, dont la restauration a fait apparaître sur le couvercle un décor de lionslions couchés (Musée d'Unterlinden, Colmar).

    Hochet en forme d'oiseau et jatte (Marlenheim-Fessenheim, VII<sup>e</sup> siècle av. J.-C.). © André Beauquel - Tous droits réservés, reproduction interdite 
    Hochet en forme d'oiseau et jatte (Marlenheim-Fessenheim, VIIe siècle av. J.-C.). © André Beauquel - Tous droits réservés, reproduction interdite 
    • Origine : Marlenheim-Fessenheim
    • Date : VIIe s. av. J.-C.
    • Hauteur : 7,4 cm

    Ces hochets figurent parfois dans les tombes d'enfants. Le potier a donné à la céramiquecéramique la forme d'un oiseauoiseau et a placé à l'intérieur des petits cailloux qui font résonner le jouet quand on l'agite. La petite jatte, mesurant 2,7 cm de hauteur et 6,6 cm de diamètre a-t-elle un usage défini (pot à onguent ou à épices), ou était-ce un élément de « dînette » d'enfant. Le Musée de Mulhouse conserve des fibules italiques, mises au jour à Dornach, et qui sont contemporaines.

    Enfin, si l'on tient compte des découvertes d'Asperg, près de Stuttgart, et d'Horgauergreut, près d'Augsbourg, on s'aperçoit même que des objets, comme des trépieds en fer, destinés à supporter des chaudrons, y sont importés en provenance d'ateliers de l'est du Péloponnèse. L'Étrurie est la plateforme à partir de laquelle tous ces objets sont diffusés dans le domaine celtique, au nord et à l'ouest des Alpes. Ainsi apparaît l'importance des relations lointaines qu'entretiennent les « princes » hallstattiens, et c'est dans Homère qu'on trouvera l'atmosphèreatmosphère de cette société celtique à ses débuts.

    Importations étrusques (Appenwihr, milieu VII<sup>e</sup> siècle av. J.-C.). © O. Zimmermann - Tous droits réservés, reproduction interdite 
    Importations étrusques (Appenwihr, milieu VIIe siècle av. J.-C.). © O. Zimmermann - Tous droits réservés, reproduction interdite 

    Date : milieu VIIe siècle av. J.-C.

    La région située entre Colmar et le sud du Kaiserstuhl présente un caractère exceptionnel parce qu'on y a mis au jour des sépultures riches correspondant vraisemblablement au site d'habitat de Vieux-Brisach. Ces tombes, comme celle d'Appenwihr, dont nous présentons ici deux éléments de mobilier, montraient les relations lointaines des princes qui vivaient là. Le couvercle de la pyxide, originaire d'Italie, est décoré de lions couchés. La poignée évoque une fleur, dans laquelle est engagée une anseanse mobilemobile. La coupe cannelée vient du nord de l'Étrurie. Des exemplaires semblables, mis au jour sur les bords du lac de Côme, en Bourgogne et près de Francfort, établissent nettement une voie d'échanges culturels et commerciaux entre le nord et le sud des Alpes, qui passe par l'Alsace.

    Nous savons que la fondation de Marseille (-600) est précédée par l'installation de colonies grecques sur la côte. Les fouilles effectuées autour de l'étang de Berre, à la Couronne, à St. Biaise, et actuellement à Martigues par Ch. H. Lagrand, montrent des importations corinthiennes, rhodiennes et ioniennes effectuées dès le milieu du VIIe siècle av. J.-C. C'est par l'intermédiaire de ces comptoirs que les Grecs commercent avec l'Europe tempérée, et ainsi va être désormais adoptée la voie du Rhône. Les œnochées (cruches à vin) de Kappel am Rhein et de Vilsingen, en Bade, sont d'origine rhodienne.

    Entre -600 et -550, la voie du Rhône se développe, relayée par celle de la Saône ou de l'Ain et du Doubs. Des poteries découvertes à Mundoisheim imitent des modèles languedociens, en même temps que se développe dans la vallée du Rhin entre Lauterbourg et Bâle un type de bracelet tout à fait original et particulier à notre région, dont les prototypes un peu plus anciens, ont été mis au jour dans l'Hérault.

    Des sépultures de plus en plus riches dans la société celtique d'Alsace

    La société celtique d'Alsace, entre -650 et -550, amorce une croissance importante, et toutes les sépultures deviennent de plus en plus riches. L'or, l'ambre, le corailcorail, les perles de verre multicolores sont abondants, à côté des bijoux de bronze à la facture et à la technique plus recherchées.

    Brassard tonneau (forêt de Haguenau, fin VI<sup>e</sup> s. av. J.-C.). © André Beauquel - Tous droits réservés, reproduction interdite
    Brassard tonneau (forêt de Haguenau, fin VIe s. av. J.-C.). © André Beauquel - Tous droits réservés, reproduction interdite
    • Origine Forêt de Haguenau
    • Date : fin VIsiècle av. J.-C.
    • Longueur : 17,6 cm

    Placé autour de l'avant-bras, il illustre également le travail de la tôle de bronze martelée autour d'une pièce de boisbois qui la met en forme. Mais ici, le décor est obtenu à l'aide d'un tour qui permet la régularité des incisions.

    Moins répandus en Alsace qu'en Franche-Comté et surtout en Suisse, ces brassards attestent ainsi une « ouverture » de notre région sur les techniques pratiquées au sud.

    Les techniques de travail du métal progressent également. Un bon exemple nous est fourni par les bracelets évoqués plus haut, dont la technique varie selon qu'on se trouve en Haute ou Basse Alsace. Le nord de notre région, plus sensible aux influences venues de la rive gauche du Danube, où le métal est fondu et coulé, adopte le bracelet à corps massif, alors que le sud préfère la feuille de métal martelée, technique typique de l'Italie du Nord et plus répandue en Suisse et sur la rive droite du Danube : ainsi le corps des bracelets de Haute-Alsace sera formé d'une feuille de bronze légèrement courbée, mais conservera le même aspect que celui de Basse-Alsace.

    Les places fortes des princes sont, ou fondées, ou fortement développées. Citons avant tout le Britzgyberg près d'Ulfurth, au confluent de l'Ill et de la Largue, Vieux-Brisach, Schlatt, le Hexenberg près de Leutenheim. On remarquera cependant que leur puissance ne peut rivaliser avec celle de Bourgogne (MontLassois), du Jura (Château sur Salins) du Wurtemberg (La Heuneburg) ou de Suisse (Buenrain et Sissach). Cette liste est très loin d'être exhaustive, car nous ne faisons allusion qu'aux régions les plus voisines.