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    Découvrez comment faire du fer soi-même, de la constructionconstruction du bas fourneau à l'ouverture du four.

    Quelques jours avant la fabrication dans le bas fourneau, il faut faire les briques en terre mélangée à du sablesable et du foin et les tuyères pour que l'argileargile sèche un peu...

     Bas fourneau à usage unique à Étouars, en Dordogne. © Traumrune CC BY 3.0

     Bas fourneau à usage unique à Étouars, en Dordogne. © Traumrune CC BY 3.0

    Construction du bas fourneau (jour 1)

    Jour 1 : construire le bas fourneau et préparer le mineraiminerai. Pour préparer le minerai on le grille, puis on le concasse en petits morceaux de diamètre inférieur à 1 cm.

    Briques et tuyères.

    Briques et tuyères.

    Pour que la réduction soit possible, il faut une colonne de four d'au moins 1,2 m de haut, c'est pourquoi la construction va mesurer 1,5 m en tout.

    • Étape 1 : choix de l'emplacement :

    Le bas fourneau doit être construit à l'abri de la pluie, la porteporte face au ventvent dominant. Marquer sur le sol une forme de huit, mouiller légèrement le bord du creux du four et le crépir grossièrement avec de la barbotine. Poser les premières briques en biais sur la pente et dans le sens de la circonférence et les maçonner avec de la barbotine. Poser une deuxième couche de brique et une troisième couche en arrière dans le même sens mais en quinconce. Maçonner soigneusement le tout avec de la barbotine et veiller à ce que le diamètre intérieur soit de 30-35 cm. Bien lisser l'intérieur et bien arrondir le fond. L'épaisseur de la paroi, au fond fait environ 25 cm.

    Soubassement.

    Soubassement.

    • Étape 2 : pose de la tuyère :

    À la cinquième couche de briques, laisser libre le milieu face à la porte pour poser la tuyère n° 1. Poser la tuyère dans l'espace réservé et orienter le tube en PVCPVC pour que son prolongement arrive exactement en face de l'entrée du four un petit peu en arrière de celle-ci, de manière que le point le plus chaud se trouve légèrement en avant du milieu du four pour faciliter la coulée des scoriesscories.

    Mise en place de la tuyère n° 1.

    Mise en place de la tuyère n° 1.

    À la 8e rangée laisser un espace pour la 2e tuyère comme on l'a fait précédemment. À l'avant du four, placer maintenant une brique en long de chaque côté de manière à former un couloir de chauffe. Maçonner très soigneusement et monter en joints croisés jusqu'à la hauteur de la 8e couche. Prendre garde à la largeur de l'entrée : on doit pouvoir passer une pelle... Positionner la 2e tuyère avec les mêmes exigences que pour la 1ère, elle sera donc plus inclinée pour que le souffle arrive au même endroit. On a donc un trou de tuyère à 25 cm de haut et le 2e à 35 cm de haut environ, les 2 souffles arrivant au même endroit du four. Ce point est appelé point chaudpoint chaud du four et on doit y maintenir une température de 1250 degrés au moins pour liquéfier la scorie sans ré-oxyder le fer.

    On a maintenant un four qui fait 40 cm de hauteur à l'extérieur et 50 à l'intérieur, avec un diamètre de 25-30 toujours. On place maintenant en arrière de la porte deux branches de boisbois vert - qui servent de linteaulinteau - que l'on enveloppe généreusement de barbotine. Veiller à la planéité de la surface de travail et mettre en place une cheminée de 25 cm de diamètre. Monter la cheminée à 1 m de haut soit une hauteur totale de 1,5 m pour le four qui fera ainsi 80 litres de capacité. Pour la cheminée bien tasser les briques entre elles et contre le gabarit pour que ça tienne au feu.

    • Étape 4 : brancher les soufflets :

    Faire un tout petit muretmuret près du four - en surépaisseur - pour brancher les soufflets dans la tuyère basse en les posant sur leurs supports et en les fixant bien.

    Boîte à vent.

    Boîte à vent.

    Rôle du souffleur

    Veiller à ce que le branchement soit solide, les soufflets travaillent beaucoup, la structure souffre à cet endroit. La partie inférieure des soufflets doit rester fixe - elle est attachée à des piquets plantés dans le sol un peu en arrière du soufflet lui-même. L'ouverture circulaire d'entrée d'airair du soufflet est positionnée dessous ici - ça s'ouvre en montant - de manière à ce que l'on n'aspire pas les gazgaz du four. La partie supérieure des soufflets est prolongée par des barres en bois qui permettent de s'asseoir à une certaine distance et d'allonger les jambes. Il faut que l'on puisse surveiller ce qui se passe dans le four par le trou de la tuyère. Le rôle du souffleur est capital, c'est lui qui surveille le feu...

    Allumer un petit feu en avant de l'ouverture et quand le tirage est bien en place pousser doucement les braises dans le four pour sécher un peu la structure. Faire un feu doux et pendant 1 heure environ et laisser mourir le feu.

    Mise à feu.

    Mise à feu.

    La réduction (jour 2)

    Vers 9 heures du matin, allumer devant le four un petit feu que l'on maintient un moment puis faire un bon feu pour monter jusqu'à 900 degrés pour vitrifiervitrifier l'intérieur du four en poussant le feu dans le petit couloir. Souffler et chauffer au moins 40 minutes. Attention de manipuler les soufflets alternativement pour que le flux d'air soit continu. Ensuite enlever les cendres et les braises et réserver ces dernières...

    Puis fermer la porte du four de manière hermétique - au fond du petit couloir de manière à avoir un foyerfoyer plus ou moins sphérique - avec des petites briques et de la barbotine, en prenant soin de ménager un trou de coulée à 15 cm de haut, pour évacuer les scories, que l'on bouche avec un morceau de bois vert avant de colmater le tout. Attention c'est chaud ! Remettre les braises - 2 à 3 pelles - et ajouter du charboncharbon de bois doucement en actionnant les soufflets. Garder pour le moment la tuyère du haut bouchée avec son bouchon d'argile, on n'en a pas besoin.

    Ce passage est très délicat car il ne faut pas que le feu crève sous le charbon de bois qu'on ajoute par paquetspaquets de 4 kgkg à la fois, donc le souffleur doit régler son débitdébit pour toujours voir du feu. On peut « touiller » un peu avec la barre de fer en passant par la tuyère mais attention la tuyère est très fragile... Si le feu crève il faut tout re-démonter !

    Une fois que le feu a bien pris on remplit le four jusqu'en haut avec du charbon de bois et on souffle lentement mais fort, en continu, de manière à ce que la colonne de charbon prenne feu en entier. Au bout d'un moment on aperçoit la flamme bleue de CO au sommet du four (450 degrés, température à partir de laquelle on n'a que du CO stable) l'équilibre d'oxydationoxydation du CO étant complètement déplacé vers la gauche à ces températures. À ce moment le bas du four doit être blanc brillant à l'intérieur (1.300 degrés env.).

    Une fois le charbon allumé en haut du four on recharge avec 8 litres et on attend environ 8-10 minutes pour que ça descende de 10 cm. Cette vitessevitesse est à maintenir tout au long de la réduction et le souffleur doit régler son activité en conséquence. Injecter l'air de façon régulière mais pas trop à la fois - ça refroidit l'intérieur du four, mais oui ! - mais quand même assez pour que ça reste blanc à l'intérieur. Quand on aura du fer sur le feu, la production de fer étant exothermiqueexothermique, on gagnera environ 200 degrés et le souffleur pourra se calmer un peu !

    Quand c'est descendu de 10 cm pour la 2e ou 3e fois on met le minerai (2 kg à la fois, plutôt du côté opposé à la tuyère mais réparti quand même) et on attend 3-4 minutes pour bien le sécher et le préchauffer - avant de recouvrir de 8 litres de charbon de bois. La flamme du haut doit toujours restée allumée et en bas ça doit rester blanc à l'intérieur. S'il y a une fuite, une flamme apparaît et il faut colmater avec de la barbotine tout de suite. Dans ce cas, et parce qu'on a construit le four la veille, il « fume » sa vapeur d'eau abondamment, c'est tout à fait normal même si c'est impressionnant !

    Fonte des scories

    Quand on voit fondre les scories et que celles-ci commencent à obstruer systématiquement la tuyère - on voit bouillir le liquideliquide au fond du four - il est temps d'envisager le changement de tuyère, moment délicat et stressant ! Déboucher la tuyère du haut, boucher la tuyère du bas avec un bout de bois. Remonter les soufflets bien les fixer - en effet, la barbotine reste mouillée et se démonte facilement, il faut donc un effort minimum sur celle-ci - et refaire un emplâtreemplâtre d'argile tout autour.
    Il peut arriver que la scorie soit vraiment épaisse et ne s'écoule pas du tout par le trou de la porte avant, maintenant débouché. On doit donc employer les grands moyens si on veut finir la réduction. On démolit donc toute la porte et on fouille avec une barre de fer pour faire descendre la scorie puis on referme la porte - chaud ! - et répéter si nécessaire.

    Ouverture du four

    Quand on a passé 30 kg de minerai, on peut envisager l'ouverture du four.

    Sortie du bloc.

    Sortie du bloc.

    On nettoie bien autour du four pour ne pas salir le fer. Ouvrir la porte comme précédemment et sortir un maximum de scories puis le charbon de bois restant. Utiliser la pelle pour vider le bas du four mais ne pas oublier de la tremper dans l'eau entre deux - pas qu'elle fonde ! - les barres en fer et la pince sont aussi utiles ici. Le fer se trouve le long de la paroi du four, au-dessus des scories. Il peut arriver que l'on doive démolir le four pour sortir le fer...

    Bloc incandescent.

    Bloc incandescent.

    En résumé on est parti de 150 kg de limonite, pour avoir 60 kg de minerai grillé. On a chargé 30 kg et on obtient 10 kg d'éponge de fer... environ ! Ce qui est brillant, c'est la scorie, le fer lui-même est mat. Attention le massiot est très fragile... et il est 17 heures !

    Pour faire un lingot il faut corroyer le fer ce qui représente encore 12 à 16 heures de travail ...et après il faudra le forger... Les mesures de duretédureté montrent que le métalmétal obtenu est constitué de ferrite et de perliteperlite (voir page sur l'acieracier) et contient peu de carbonecarbone dissout dans la structure (contrairement au haut fourneau).

    Fer coupé et poli.

    Fer coupé et poli.

    Sur le schéma qui suit, dessiné par M. Jean-Claude Leblanc, chercheur en paléosidérurgie, associé à l'UMR 5608, CNRS, UTAH, Université de Toulouse II, vous avez toutes les réactions chimiquesréactions chimiques qui se passent dans le bas-fourneau ainsi que les endroits et les conditions dans lesquelles elles se déroulent en principe.

    Schéma. © J.C. Leblanc

    Schéma. © J.C. Leblanc

    Et pour terminer ce paragraphe un petit croquis représentant l'évolution de l'architecture des bas-fourneau au cours de l'histoire, du début des âges du fer au XIXe qui a vu naître la métallurgie industrielle dont nous allons parler page suivante.

    Évolution de l'architecture des fours d'après Pleiner 1958.

    Évolution de l'architecture des fours d'après Pleiner 1958.