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    L'olfactionolfaction est un des cinq sens des êtres vivants. Les molécules odorantes à l'état de gaz, soit quand nous respirons par le neznez, soit lorsque nous mâchons un aliment, atteignent l'épithéliumépithélium olfactif qui se trouve au fond des fosses nasales. Ce tissu, d'une surface de 3 à 4 cm2, est recouvert d'un mucusmucus de 30 microns d'épaisseur (30 millièmes de mm). 

    Grains de poivre. © Congerdesign, Pixabay, DP
    Grains de poivre. © Congerdesign, Pixabay, DP

    La vésicule olfactive

    C'est une cellule comportant une vingtaine de cilscils de 20 microns (20 millièmes de mm) de long et de 0,1 micron de diamètre, flottant à l'intérieur d'un mucus. À la surface de chacun de ces cils se trouvent des récepteurs. Ce sont des protéinesprotéines dont le nombre est voisin d'un millier par micron au carré. Par rapport à la surface de l'épithélium olfactif, la surface totale des cils est cent fois plus grande. Ces récepteurs font partie intégrante d'un neuroneneurone.

    Ainsi lorsqu'une molécule odorante arrive au fond des fosses nasales, elle se dissout dans le mucus et va former une association avec des protéines réceptrices pendant un temps très court, de l'ordre de quelques millisecondes. Au cours de cette association, un message électrique est transmis au cerveau.

    La transmission du message olfactif

    Lorsque la molécule odorante s'associe au récepteur, il se produit une cascade de réactions de transfert d'énergie. Cette énergie est transmise à un canal ionique par l'intermédiaire d'un transporteur d'énergie dont la structure dérive de l'acide ribonucléiqueacide ribonucléique ; ce qui induit un changement de conformationconformation du canal ionique dont l'ouverture laisse passer une dizaine de milliers de charges électriques. Plusieurs canaux (anioniques et/ou cationiques plus ou moins sélectifs) sont reliés à un même récepteur. Nous possédons environ 50 millions de détecteurs capables de répondre à une molécule odorante. À ce niveau, la sensibilité est déjà multipliée par un facteur de l'ordre de 10.000, et nous pouvons dire qu'il n'existe pas de détecteur plus sensible que le nez humain.

    Représentation du bulbe olfactif et des nerfs olfactifs humains (en jaune). © Patrick J. Lynch, Medical illustrator, <em>wikimedia commons</em>, CC 2.5
    Représentation du bulbe olfactif et des nerfs olfactifs humains (en jaune). © Patrick J. Lynch, Medical illustrator, wikimedia commons, CC 2.5

    L'Homme est doté d'une machinerie olfactive remarquable et peu d'animaux sont plus performants. Si nos performances demeurent limitées, c'est que nous ne cultivons pas ce fabuleux potentiel. À part la sphère alimentaire où l'odorat est capital et même vital (car il nous permet d'éviter bien des intoxications), ce sens joue un rôle moins important dans les liens sociaux qui sont essentiellement supportés par la vue et l'ouïe, sens non tactiles (à distance). Quoique... Quoique, dans nos relations femmes-hommes, les parfums et autres senteurs jouent une fonction attractive ou répulsive non négligeable. Si l'odorat est moins essentiel pour notre survie, il n'en est pas moins indispensable pour nos plaisirs. Et quel dommage que nous n'utilisions pas plus toutes nos capacités olfactives.

    Le traitement du message électrique

    Les impulsions électriques générées par les canaux ioniquescanaux ioniques, sortes de photomultiplicateurs à deux étages qui amplifient le message d'un facteur de l'ordre de 106, sont envoyées au cerveaucerveau par l'intermédiaire d'axones.

    Ce message électrique est traité pour permettre d'obtenir deux informations :

    • une information sur l'intensité de l'odeur perçue,
    • et une information permettant la reconnaissance de cette odeur. Elle va faire appel à la mémoire.

    Le codage de l'intensité

    L'intensité, c'est-à-dire la puissance de l'odeur, est codée par la fréquence des impulsions électriques transmises au cerveau. En d'autres termes, plus le nombre de molécules est grand et plus la fréquence des impulsions sera élevée et plus la perception de l'odeur sera forte.

    Le codage de la qualité

    Tous les récepteurs olfactifs ne répondent pas de la même manière aux odeurs, cependant un même récepteur peut très bien répondre à plusieurs odeurs. On considère que nous possédons de l'ordre de 200 types de récepteurs différents, qui sont reliés au bulbe olfactif par l'intermédiaire de fibres nerveusesfibres nerveuses, les axones. Chaque vésicule olfactive est reliée à une fibre nerveuse (axone). Au total, nous possédons environ 10 millions de fibres nerveuses, soit environ cent fois plus que le nombre de pixelspixels d'un écran de télévision. Entre les récepteurs et le bulbe, les signaux électriques sont traités pour donner à l'intérieur du bulbe une image topographique spécifique d'un individu. Dans le bulbe, deux traitements du message électrique sont effectués : l'extraction d'une image en noir et blanc nette à partir d'un message flou et le renforcement des contours de l'image grâce à un réseau de neurones à l'intérieur du bulbe. À ce niveau, si nous voulons faire un parallélisme entre la vision et l'olfaction, on peut considérer que le bulbe olfactif chez l'homme et les animaux correspond à la rétinerétine de l'œilœil. L'image d'une odeur sur le bulbe olfactif est comparable à l'image d'un objet qui s'inscrit sur la rétine.

    La partie périphérique du cerveau a écrit le message, la partie centrale va le lire (Figure 6). Pour ce faire, l'information est envoyée au cortexcortex piriforme où elle est encore transformée afin de transmettre un message simplifié qui pourra être traité plus facilement et plus rapidement par le cerveau. Ce traitement consiste à réduire les images inscrites dans le bulbe à leurs contours. On diminue ainsi la confusion entre différentes formes, car les parties communes aux surfaces des deux images différentes sont maintenant limitées aux points d'intersection des contours. Cette opération de réduction est extrêmement performante pour discriminer deux odeurs voisines dont le recouvrement des images, au niveau du bulbe olfactif, est important. Comme en vision, il est possible d'identifier facilement une odeur à partir de sa caricature. Mais en olfaction, chaque personne est unique.

    Zones du cerveau impliquées dans l'olfaction
    Zones du cerveau impliquées dans l'olfaction
    Image du site Futura Sciences

    Les mécanismes du plaisir

    Une odeur n'existe pas en soi, ce qui est réel c'est l'évènement qui a permis la rencontre d'une molécule et d'un récepteur. Ainsi les caractéristiques et les propriétés d'une odeur dépendent autant de l'observant (la personne) que de l'observé (la molécule), tandis que le plaisir ou le déplaisir dépendent uniquement de l'observant (Figure 7).

    Image du site Futura Sciences

    L'image simplifiée formée dans le cortex piriforme est ensuite envoyée vers d'autres régions du cerveau, dont :

    • une zone (Lobe temporaltemporal) où elle est inscrite en mémoire et comparée de façon inconsciente aux informations antérieurement stockées par ordre chronologique. Cette comparaison donnera naissance à un message de reconnaissance conscient ;
    • une autre zone (HypothalamusHypothalamus latéral lointain) répondant à toutes les sollicitations et reliée à toutes les autres parties du cerveau génère un message de plaisir. Ce message est une étiquette hédonique qui apparaît au cours d'une expérience olfactive. Il n'est pas lié à l'odeur mais à l'environnement dans lequel nous vivons. Il est donc éminemment subjectif.

    À l'extrémité du cortex périphérique, se produit une synthèse des différentes images sensorielles (vue, goût, odeur, texturetexture). Le résultat correspond à une image sensorielle unique de l'objet. Cette réduction synthétique est à l'origine des confusions tant dans le langage que dans les perceptions. On dit facilement qu'un plat n'a pas de goût alors qu'il manque d'arôme. Bien souvent, il suffit de le saler pour augmenter la concentration des molécules odorantes dans l'atmosphèreatmosphère gazeuse environnante et permettre ainsi la perception de son arôme.

    L'olfaction : des différences de sensibilité entre les individus

    Pour déceler la présence d'un composé volatil, les personnes les plus sensibles ont besoin de 1.000 fois moins de molécules que les personnes les moins sensibles. Ce caractère est héréditaire et ne dépend que de la substance considérée. Ainsi, un individu peut être 100 fois plus sensible qu'un autre à l'odeur d'anis et le contraire pourra s'observer pour une autre substance. En fait, nous sommes tous différents et uniques, ce qui rend la communication particulièrement riche mais difficile en matièrematière d'odeurs et d'arômes. Pour une odeur donnée, les images réalisées à l'intérieur de notre cerveau ne sont pas perceptibles par une autre personne. Ce qui explique qu'il est difficile de mettre un nom précis sur certaines odeurs. Il faut apprendre à dialoguer pour se rejoindre quand on parle d'odeurs et d'arômes. On y parvient progressivement en construisant un vocabulaire à partir d'expériences olfactives communes. C'est tout l'apprentissage des odeurs que la société ne fait pas et qui est laissé à l'initiative de la famille et des professionnels.

    La répartition des individus les uns par rapport aux autres suit une courbe de Gauss. La partie de la population la plus sensible, c'est-à-dire celle qui décèle de plus petites quantités trouvera par exemple l'atmosphère irrespirable. Elle aura atteint son seuil de saturation, alors que la partie de la population la moins sensible n'est toujours pas en mesure de détecter l'odeur car cette dernière se trouve encore en dessous du seuil de détection (Tableau 1). Entre les individus les plus sensibles et les moins sensibles, un facteur 1.000 est observé.

    De plus, il existe des cas où la population se partage en deux groupes distincts vis-à-vis d'une odeur. L'exemple le plus classique est celui de la perception de l'acide butyrique. Environ 6% des individus reconnaissent cette odeur comme proche de l'odeur de vinaigre, alors que le reste de la population considère que ce composé a un parfum nauséabond rappelant le Camembert.

    Seuils de détection (ppm) de quelques constituants d'arômes (Eau, 20°C) - D'après Belitz et Grosch, 1987.
    Seuils de détection (ppm) de quelques constituants d'arômes (Eau, 20°C) - D'après Belitz et Grosch, 1987.

    Au seuil de détection, il n'est pas possible d'identifier la substance. Pour pouvoir le faire, il est nécessaire que la concentration de la substance dans l'environnement gazeux soit bien plus importante, environ 100 fois.