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    Vie sur Mars : un mythe ou une réalité ?

    Vie sur Mars : un mythe ou une réalité ?

    Le géologuegéologue Charles FrankelCharles Frankel répond aux questions de Futura-Sciences sur la vie sur Mars. Dans cette première partie d'interview, il est question du mythe des petits Hommes verts et de la représentation plus générale des extraterrestres martiens.

    Futura-sciences : À votre avis, d'où provient le mythe des petits Hommes verts ?

    Charles Frankel : C'est l'essor de l'astronomie qui nous a fait fantasmer. Lorsque les astronomesastronomes ont cru voir des canaux à la surface de Mars, dans les années 1870, la théorie d'une civilisation martienne est venue hanter les esprits. H.-G. Wells a écrit La Guerre des Mondes dans la foulée. Et puis il y a eu les bandes dessinées des années 1930, des dessins en couleurs, et le vert a eu beaucoup de succès. Ça fait très « reptilien ».

    Pensez-vous que les descriptions de martiens faites dans les ouvrages ou les films de science-fiction sont plausibles ? Sinon pourquoi ?

    Charles Frankel : Les dessins et les descriptions sont sortis tout droit de l'imaginaire des Hommes. Dès que l'on n'a pas de contraintes, tout est possible. Mais remarquez tout de même combien les Martiens nous ressemblent ! Quadrupèdes, quoique un peu verts ou gris. C'est un peu nombriliste! Pourquoi pas un être intelligent qui ressemblerait à une chauve-souris ou à une pieuvre ?

    « Cydonia Face » : en 1976, la sonde Viking prend un cliché de ce relief martien qui semble représenter un visage... © Nasa

    « Cydonia Face » : en 1976, la sonde Viking prend un cliché de ce relief martien qui semble représenter un visage... © Nasa

    Selon vous pourquoi la Planète rouge et la possibilité de l'existence d'une vie à sa surface a-t-elle toujours suscité autant de passion dans l'imaginaire des Hommes ?

    Charles Frankel : Depuis que l'on sait qu'il y a d'autres planètes et d'autres soleils, répétés à l'infini, on se pose la question de savoir si l'on est seuls, ou si la vie existe ailleurs. Mars est la planète la plus proche (à égalité avec VénusVénus), à portée de fuséefusée. Elle a une atmosphèreatmosphère, aussi ténue soit-elle. Elle a des saisonssaisons. Des nuagesnuages. Des calottes polairescalottes polaires. Mars ne pouvait que servir de décor à notre imaginaire !

    On sait que Mars était le dieu de la Guerre chez les romains. Pourquoi avoir attribué ce Dieu à cette planète ?

    Charles Frankel : La Planète rouge a inspiré la crainte chez les premières peuplades. Parce qu'elle est rouge, couleur du feu et du sang. Parce qu'elle décrit une trajectoire hésitante dans le ciel (à un moment, à cause de la perspective due au mouvement des planètes), on dirait qu'elle hésite et qu'elle recule. Tout comme les armées et le sort incertain d'une bataille. Pas étonnant que les Grecs, puis les Romains lui ont associé leur dieu de la guerre : Ares, puis Mars.

    On parle beaucoup d'une forme de vie sur Mars. Quelles sont à l'heure actuelle, les certitudes dont nous disposons ?

    Charles Frankel : S'il y a une vie sur Mars, elle est de toute façon bien discrète. Il n'y a aucune trace visible de vie (ni depuis l'orbite, ni depuis nos sondes au sol) et aucun déséquilibre chimique de l'atmosphère qui trahirait un processus vivant. En revanche, deux sondes ont atterri pour chercher la vie sur Mars avec des instruments automatiques. Ces sondes Vikingsondes Viking de 1976 ont donné des résultats controversés. Globalement négatifs, mais avec un résultat curieux d'un instrument en particulier.

    Le sol martien a-t-il abrité de la vie ? © Nasa

    Le sol martien a-t-il abrité de la vie ? © Nasa

    Si des traces de vie ont été retrouvées, comment se présentent-elles ? Sont-elles semblables à la vie terrienne ?

    Charles Frankel : L'un des instruments du Viking a détecté un « métabolismemétabolisme » du sol martien, lorsqu'il est aspergé d'eau contenant des moléculesmolécules organiques (des « aliments »). Le signal chimique correspond au métabolisme de bactériesbactéries ou de lichens. Si l'on trouve de la vie sur Mars, on s'attend à ce qu'elle ne soit pas plus complexe que cela. Et sans doute encore plus primitive...

    Pourquoi ce mythe de la vie existe t-il seulement pour la planète Mars et non pas pour d'autres planètes ?

    Charles Frankel : Vénus aussi a eu pas mal de succès dans la science-fiction. Mais c'est vrai que Mars a toujours eu une meilleure cote. Au moins on voit sa surface, ce qui n'est pas le cas de Vénus, couverte de nuages. Et puis c'est beaucoup plus facile et joli de dire « Martien » plutôt que « Vénusien » ou « JovienJovien » (pour JupiterJupiter). De toute façon, une fois que le favoritisme était lancé, mettant Mars en première ligne, il n'a fait que s'accroître.

    Viking avait pour but de détecter des traces de vie sur Mars. © Nasa

    Viking avait pour but de détecter des traces de vie sur Mars. © Nasa

    La sonde Viking a fait des expériences pour savoir s'il y avait de la vie sur Mars, les résultats étaient négatifs pour certaines expériences et positifs pour d'autres... Est-ce qu'aujourd'hui des problèmes de ce type pourraient se reproduire ?

    Charles Frankel : Les quatre expériences Viking ont donné en effet des résultats contradictoires. Mais ces instruments posaient des questions différentes : y a-t-il de la matièrematière organique, y a-t-il des réactions chimiquesréactions chimiques en présence d'eau, y a-t-il de la photosynthèsephotosynthèse, y a-t-il du métabolisme. Les trois premiers ont donné, d'après leurs concepteurs, des résultats négatifs et le quatrième, d'après son concepteur Gilbert Levin, un résultat positif. Ce dernier a en effet donné des résultats fort étonnants, s'apparentant à un métabolisme biologique. À confirmer. Mais de toute façon, comme on recherche quelque chose que l'on ne connaît pas (une étrange forme de vie martienne), on risque toujours d'avoir des résultats bizarres. Cela me rappelle un dessin humoristique où l'on voit un appareil sur Mars qui cherche la vie. Le sol lui répond : pourriez-vous poser la question différemment ? NDLRNDLR : la recherche de traces de vie sur Mars se poursuit avec l'atterrissage en août 2012 du rover Curiosity dont la mission est de détecter des traces de vie passée en étudiant essentiellement le mont Sharp.]

    Viking Lancer. Les engins sur Mars se suivent pour trouver des traces de vie. Le dernier en date est le rover Curiosity, qui a atterri en août 2012 sur la Planète rouge. © Nasa

    Viking Lancer. Les engins sur Mars se suivent pour trouver des traces de vie. Le dernier en date est le rover Curiosity, qui a atterri en août 2012 sur la Planète rouge. © Nasa

    Les sondes qui ont été envoyées vers Mars dans le passé nous ont-elles apporté des informations satisfaisantes relatives à la vie martienne ?

    Charles Frankel : Il n'y a donc eu que les deux sondes Viking qui étaient équipées pour chercher la vie. En outre, certains de leurs instruments, comme le spectromètrespectromètre de massemasse, n'ont probablement pas bien fonctionné. C'est tout à fait insuffisant. On n'a fait rien d'autre depuis, pour pousser l'enquête plus avant. C'est frustrant et il est temps que l'on récolte de nouvelles données. J'espère que la sonde Beagle-2 arrivera à se poser sur Mars et à faire ses manips ! [NDLR : Beagle-2 n'a plus donné signe de vie après s'être détaché de Mars ExpressMars Express.]

    Il y a quelques années, la NasaNasa annonçait avoir trouvé de la vie sur une météoritemétéorite martienne : ALH84041. Puis il a été prouvé que la météorite avait été contaminée par des formes de vie terrestres. Quel enseignement a-t-on tiré de cela ?

    Charles Frankel : En fait, ce n'est pas la Nasa mais une équipe de chercheurs (dont deux font partie de la Nasa) qui a publié une hypothèse en 1996, où elle croyait avoir trouvé des fossilesfossiles de bactéries. On pense aujourd'hui qu'il s'agit plutôt de bactéries terrestres qui se sont infiltrées dans la météorite martienne avant qu'on la ramasse dans l'AntarctiqueAntarctique. Quoi qu'il en soit, le débat nous a beaucoup appris sur les formes de vie microscopiques que l'on trouve sur Terre, et il nous a orientés sur le type d'indices qu'il faut chercher sur Mars. Cela étant, je ne suis pas si sûr que les indices d'activité biologique dans la météorite soient tous d'origine terrestre. Le débat n'est pas clos.

    Pouvez-vous nous dire à quoi étaient dus les canaux à la surface martienne que certains astronomes auraient découverts lors de leur observation ?

    Charles Frankel : Les fameux canaux martiens étaient une illusion d'optique. L'image de Mars est minuscule, même dans les plus grands télescopestélescopes. De vaguesvagues taches, des changements de nuance. Le cerveaucerveau s'escrime à donner un sens à tout cela et perçoit des traits à la frontière de ces changements de teinte. Ajoutez à cela l'espoir de découvrir une autre civilisation... Mais de grands astronomes comme Antoniadi, à l'observatoire de Meudonobservatoire de Meudon, annoncent dès 1907 qu'ils ne voient pas ces fameux canaux. Les canaux disparaissent. Les Martiens, eux, sont restés !

    Trente-deux sondes ont été lancées vers Mars, 12 ont tenté d'atterrir, et seulement 3 ont réussi [NDLR : une réussite de plus en août 2012 avec CuriosityCuriosity]. Est-ce si difficile d'aller sur Mars ?

    Charles Frankel : C'est très difficile d'atterrir sur Mars ! Les sondes doivent d'abord passer 6 mois dans l'espace glacial, puis réduire leur vitessevitesse avec une rétrofusée, larguer un parachuteparachute qui ne fonctionne pas bien parce que l'atmosphère est tellement fine, freiner un dernier coup près du sol, tout cela automatiquement ! Et puis espérer qu'il n'y a pas trop de ventvent qui emmêle le parachute, et pas un gros rocher pointu qui attend la sonde ! Les Russes ont été très malchanceux, surtout à cause d'une électronique trop rudimentaire qui tombait souvent en panne. Les Américains ont eu beaucoup plus de succès : sur quatre tentatives d'atterrissage, ils ont réussi trois fois : Viking 1Viking 1, Viking 2Viking 2 et Pathfinder. Il n'y a que Polar LanderLander, en 1999, qui a échoué. Espérons que leurs deux sondes Mer, Spirit et Opportunity, vont renouer avec le succès [NDLR : en 2012, les deux sondes sont toujours sur Mars].

    Cet été nous avons pu observer Mars. Qu'est qui lui donne cette couleur rouge-orangé si caractéristique ?

    Charles Frankel : La couleur rouge est due à de l'oxyde de ferfer, tout simplement. Le sol de Mars est principalement volcanique, riche en fer. Il y a aussi beaucoup d'eau dans le sol de Mars. Par réaction, on obtient une « rouillerouille » d'hématitehématite (Fe2O3), de couleur rouge. Là où il y a beaucoup de poussière d'hématite, Mars est rouge. Là où les roches sont à nu, on a des régions plutôt bleu sombre.