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    Une observation fondamentale de la cosmologie est que l'Univers est en expansion. La quête de la matière noirematière noire est un sujet d'étude essentiel pour comprendre l'apparition des galaxies et la formation de leur structure.

    La cosmologie a recours à la relativité générale. © alex_aldo, Adobe Stock
    La cosmologie a recours à la relativité générale. © alex_aldo, Adobe Stock

    La géométrie de l'Univers

    La gravitation est aujourd'hui décrite par la relativité générale, selon laquelle les massesmasses (ou plus exactement l'énergieénergie et les flots d'énergie) courbent l'espace-tempsespace-temps (sous cette simplicité déconcertante se cachent un certain nombre de subtilités. L'Univers contenant une multitude de masses, l'espace-temps a une forme très irrégulière. Cependant, à très grande échelle, il semble que l'Univers soit très homogène (un peu comme une tôle de métalmétal peut apparaître assez plane vue de loin, même si elle est toute cabossée vue de près). On peut alors se poser la question de la géométrie globale de l'espace-temps. C'est une question expérimentale, qui peut être tranchée par des observations astronomiques. En effet, la propagation des rayons lumineux est sensible à la courbure globale de l'espace-temps, et l'observation d'objets lointains permet de la déterminer. On trouve alors que l'espace est plat, c'est-à-dire que la courbure globale de l'Univers est nulle.

    Voir aussi

    Relativité générale : comment l'espace-temps devint dynamique

    De façon théorique, il se trouve que cette courbure est reliée à la densité totale de matière et d'énergie. La platitude de l'espace-temps permet de chiffrer avec une bonne précision la densité de masse-énergie de l'Univers : elle correspond à 5,7 atomesatomes d'hydrogènehydrogène par m3. La densité qui rend l'espace plat est appelée densité critiquedensité critique, et l'Univers a donc une densité égale à la densité critique, aux erreurs de mesure près.

    Or, si l'on comptabilise ce que l'on voit effectivement dans l'Univers, on obtient une densité bien inférieure, environ 1 % de la densité critique : la densité de l'Univers est plus grande que celle que l'on observe.

    Deux tableaux de Vermeer, l'astronome et le géomètre, peints la même année. L'astronome a toujours été un géomètre, mais les connexions sont devenues encore plus importantes au XX<sup>e</sup> siècle, où l'on a découvert que même la cosmologie était affaire de géométrie.
    Deux tableaux de Vermeer, l'astronome et le géomètre, peints la même année. L'astronome a toujours été un géomètre, mais les connexions sont devenues encore plus importantes au XXe siècle, où l'on a découvert que même la cosmologie était affaire de géométrie.

    La nucléosynthèse primordiale

    L'Univers est en expansion. Ceci implique que la densité de l'Univers était plus forte dans le passé qu'elle ne l'est aujourd'hui. En extrapolant vers le passé cette augmentation de densité, on obtient le modèle du Big Bang chaud, selon lequel l'Univers serait passé par des phases très chaudes et très denses, son histoire pouvant se résumer à un refroidissement rapide. Au cours de ce refroidissement, de nombreux phénomènes physiquesphysiques importants ont pris place, et nous n'allons ici signaler que deux d'entre eux. Le second correspond à la formation du rayonnement de fond cosmologique et nous y reviendrons en détail plus loin. Le premier est la condensationcondensation des protonsprotons et neutronsneutrons en noyaux légers, appelée nucléosynthèsenucléosynthèse primordiale. Avant cet événement, la température était suffisamment haute pour que l'Univers contienne beaucoup de photonsphotons de haute énergie, capable de dissocier les noyaux atomiques en protons et neutrons. Ces noyaux pouvaient se former par réactions nucléairesréactions nucléaires entre les protons et neutrons présents, mais ils étaient aussitôt photodissociés. La nucléosynthèse a lieu au moment où la température est devenue assez basse pour que la photodissociation que nous venons d'évoquer devienne inefficace.

    Les calculs indiquent que la quantité des différents noyaux légers ainsi produits ne dépend que de trois paramètres, dont les deux premiers semblent maintenant bien connus :

    • le temps de vie du neutron, maintenant assez bien mesuré (environ 886 secondes dans le vide) ;
    • le nombre de familles de neutrinosneutrinos (trois selon le modèle standardmodèle standard de la physique des particules : électronique, muonique et tauique) ;
    • le nombre de photons par nucléonnucléon dans l'Univers (qui reste quasiment constant après la recombinaisonrecombinaison). En effet, la discussion qui précède permet de comprendre que plus ce nombre est élevé, plus le phénomène de photodissociation est important.

    En pratique, la comparaison entre l'abondance des éléments légers dans l'Univers et l'abondance prédite par la cosmologie est un test puissant de notre compréhension de cette dernière. En effet, on arrive à expliquer les abondances d'au moins quatre éléments (le deuterium, l'helium 3, l'helium 4, lithiumlithium 7) en choisissant une valeur adéquate du seul paramètre inconnu a priori, le nombre de photons par nucléon. Finalement, c'est une mesure de ce paramètre que fournit la comparaison des abondances, et on trouve que l'Univers contient 1,64 milliard de photons par nucléon.

    Or, la densité de photons dans l'Univers est extrêmement bien mesurée. La plupart de ces photons appartiennent au rayonnement de fond cosmologique que nous allons décrire plus bas, dont les mesures indiquent une densité de photons de 410 photons/cm3.

    On dispose donc de la densité de photons ainsi que du nombre de nucléons par photon... En mettant les deux dernières valeurs ensemble, on peut en déduire la densité de nucléons dans l'Univers ! On trouve que la densité de nucléons vaut environ 4,4 % de la densité critique.

    Rappelons que la densité de l'Univers est égale à la densité critique... Il s'ensuit que 95,6 % de la densité de l'Univers est constituée d'autre chose que de nucléons...

    Dans la suite, la matière qui se présente sous la forme de matière ordinaire sera appelée matière baryonique, pour se conformer à l'usage général.

    Le rayonnement de fond cosmologique

    Un autre pilier de la cosmologie moderne est le rayonnement de fond cosmologique. Nous n'allons pas revenir ici sur l'histoire de sa découverte, intimement liée à celle de la cosmologie. Notons simplement qu'il marque un autre événement important dans l'histoire de l'Univers : la recombinaison, le nom consacré pour désigner l'association des électronsélectrons et des noyaux pour former des atomes. L'équivalent atomique de la nucléosynthèse, en quelque sorte. Avant cet événement, la température était suffisamment haute pour que l'Univers contienne beaucoup de photons assez énergétiques pour dissocier les atomes en noyaux et électrons. Les atomes pouvaient se former lorsqu'un électron rencontrait un noyau présent dans les parages, mais ils étaient aussitôt photodissociés. La recombinaison a lieu au moment où la température est devenue assez basse pour que cette photodissociation devienne inefficace.

    À ce moment, les conditions de propagation de la lumièrelumière changent radicalement : avant, le milieu était sous forme de plasma, et la lumière ne pouvait parcourir que de très faibles distances avant d'être absorbée puis réémise dans une autre direction ; après, le milieu est sous forme neutre et la lumière peut alors se propager librement. L'Univers est passé de l'état de brouillardbrouillard à un état transparenttransparent. La lumière libérée à cet instant a pu se propager librement et nous continuons à la détecter. Sa longueur d'ondelongueur d'onde a été très décalée vers le rouge à cause de l'expansion de l'Univers. Emis dans le domaine des ultravioletsultraviolets, ce rayonnement est aujourd'hui observable principalement dans le domaine des micro-ondes. On l'appelle « rayonnement de fond cosmologique », ou parfois CMBCMB selon l'acronyme anglo-saxon Cosmic Microwave Background.

    Le point qui nous intéresse ici est que ce rayonnement porteporte les traces de l'état du milieu au moment où il a été émis. L'Univers n'était pas tout à fait homogène à ce moment-là : certaines zones étaient plus denses et d'autres moins. Ce sont les inhomogénéités qui vont ensuite s'effondrer gravitationnellement sous leur propre poids, pour donner naissance aux grandes structures qui composent l'Univers : les galaxies et les amas de galaxiesamas de galaxies. On soupçonne fortement que ces inhomogénéités sont elles-mêmes issues de fluctuations d'origine quantique dans l'Univers primordial (engendrées dans une phase d'expansion rapide appelée inflation), dont les propriétés ne dépendent que de grandeurs fondamentales. En analysant les observations du CMB avec cet a priori théorique (lui-même fortement appuyé par plusieurs observations), on peut en déduire de façon assez précise les caractéristiques de l'Univers dans lequel nous vivons, au point que certains cosmologistes n'hésitent pas à parler d'une entrée dans l'ère de la cosmologie de précision.

    Il est vrai que les résultats sont impressionnants : l'étude du CMB permet de conforter l'hypothèse de l'inflation, de mesurer le taux d'expansion de l'Univers, mais aussi, entre autres, la densité de baryonsbaryons, la densité de matière noire et la géométrie de l'Univers. Tous les résultats sont compatibles avec ceux des autres indicateurs que nous avons mentionnés plus haut, avec une précision parfois meilleure. On peut résumer ces résultats ainsi :

    • l'Univers est plat, la densité totale est égale à la densité critique ;
    • les baryons contribuent pour 4,4 % de la densité critique ;
    • la matière (matière noire plus matière) contribue pour 27 % à cette densité critique (ce chiffre contient donc les 4,4 % de baryons) ;
    • la densité est dominée par une nouvelle composante, parfois appelée énergie noireénergie noire, qui constitue 73 % de la densité critique.

    Notons tout de même que la précision de ces résultats s'appuie sur certains a priori théoriques, certes très raisonnables et naturels, mais que les futures expériences se doivent de vérifier, ou sur les résultats provenant d'autres types d'expériences, comme les grands relevés de galaxies, qui fournissent aussi des informations cruciales sur la cosmologie.

    Distribution dans le ciel du rayonnement de fond cosmologique, tel qu'observé par le satellite WMAP.
    Distribution dans le ciel du rayonnement de fond cosmologique, tel qu'observé par le satellite WMAP.

    La formation des structures

    Les grandes structures qui composent notre Univers sont issues de l'effondrementeffondrement gravitationnel d'inhomogénéités ayant les mêmes propriétés que celles qu'on mesure dans le CMB. En comparant les premières aux secondes, on peut aussi tirer des conclusions sur le contenu de l'Univers. En particulier, si on fait l'hypothèse que l'Univers est constitué uniquement de la matière qu'on voit, alors on trouve qu'il ne s'est pas écoulé assez de temps entre la recombinaison et aujourd'hui pour que les fluctuations du CMB aient pu s'effondrer et donner des galaxies. Il faut nécessairement que l'Univers contienne un autre type de matière, qui a pu commencer à s'effondrer avant la recombinaison et « préparer le terrain », creuser les puits de potentiel gravitationnel dans lesquels les atomes pourront aller s'effondrer. Cet autre type de matière doit être électriquement neutre (pour ne pas interagir avec les photons, car ceux-ci empêchent l'effondrement des particules chargées), ce doit donc être un type de particule nouveau, non baryonique (car tous les baryons connus sont chargés).

    Pour comprendre la formation des structures, il faut supposer que 30 % environ de la densité de l'univers est faite de matière noire.