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    Notre Univers serait un « univers sombre », majoritairement dominé (environ 70 % du contenu global) par « l'énergie noire » et la « matière noire » (environ 25 %). La quête de la matière noire, ou matière sombre, a déjà commencé. Mais de quoi s'agit-il exactement ?

    Nous avons vu, dans les pages précédentes de ce dossier, que le contenu de l'Univers ne se limitait pas à ce que l'œilœil ou le télescope nous révèle immédiatement (des planètes, des étoilesétoiles, des galaxiesgalaxies...). Tous ces objets astronomiques sont constitués de « matière visible ». Mais nous savons désormais que cette matière visible n'est qu'une faible fraction de la matière requise pour expliquer aussi bien la formation des grandes structures de l'Univers (galaxies, amas...) que leur dynamique.

    Le télescope Antares a pour but de détecter des neutrinos, des candidats potentiels pour la matière noire. Il est immergé en Méditerranée, près de Toulon. © François Montanet, CC by-sa 2.0
    Le télescope Antares a pour but de détecter des neutrinos, des candidats potentiels pour la matière noire. Il est immergé en Méditerranée, près de Toulon. © François Montanet, CC by-sa 2.0

    Par ailleurs, la découverte de l'accélération de l'expansion de l'Universaccélération de l'expansion de l'Univers exigerait l'existence d'une « énergie noire », possible résidu fossilefossile des phases quantiques de l'Univers.

    Un univers sombre dominé à 25 % par la matière noire

    Les astronomesastronomes ont pour objectif permanent de recenser de la manière la plus précise ces diverses contributions. L'image que dévoile ce bilan exhaustif du contenu cosmique « Matière-Énergie » est celle d'un « univers sombre », majoritairement dominé (environ 70 % du contenu global) par « l'énergie noire » et la « matière noire » (environ 25 %), (voir le schéma ci-dessous).

    Bilan du contenu « Énergie-Matière » de l'Univers. Ce contenu est dominé à 70 % par « l'énergie noire ». La composante « matière » est dominée par la « matière noire ». La matière visible (gaz, étoiles, galaxies…) ne contribue, avec le rayonnement, qu'à hauteur d'environ 5 %. © DR
    Bilan du contenu « Énergie-Matière » de l'Univers. Ce contenu est dominé à 70 % par « l'énergie noire ». La composante « matière » est dominée par la « matière noire ». La matière visible (gaz, étoiles, galaxies…) ne contribue, avec le rayonnement, qu'à hauteur d'environ 5 %. © DR

    On arrive donc à la stupéfiante conclusion que l'univers sensible à nos sens directs n'est qu'une infime part (5 %) de l'univers réel et que la matière dont nous sommes constitués n'est que « l'écumeécume » d'un « océan noir » dont les propriétés précises sont encore à découvrir.

    Quelle est alors la nature de cette matière noire, ou matière sombre ? La première idée fut, bien sûr, d'imaginer qu'il pouvait s'agir de matière « ordinaire » (celle qui constitue les étoiles, les galaxies, la vie...) mais sous une forme où elle n'émettrait peu ou pas de rayonnement, sinon elle aurait été détectée par les instruments existants. Cette matière « noire ordinaire » doit donc être très froide (par exemple de l'hydrogènehydrogène moléculaire) ou sous forme d'objets stellaires quasi ou totalement invisibles (comme des trous noirstrous noirs ou des « étoiles ratées »).

    Naines brunes : de la matière noire sous l'apparence de Macho ?

    Des efforts considérables, sur le plan observationnel, ont été développés dans les années 1990 pour déterminer la quantité de « matière noire » qui se cacherait sous la forme la plus probable, celle de naines brunesnaines brunes - aussi appelées Macho (massive astronomical compact halo objects). Ces naines brunes sont des étoiles très froides, voire des étoiles « ratées », c'est-à-dire trop peu massives pour déclencher des réactions nucléairesréactions nucléaires en leur sein.

    Ces dernières pourraient par exemple peupler en grand nombre le halo des galaxies. Dans ce cas, elles devraient être à l'origine d'effets de (micro-)lentilles gravitationnelleslentilles gravitationnelles, amplifiant l'éclat des étoiles ordinaires du halo au cours de leur ronde mutuelle incessante dans la galaxie.

    Comme l'effet d'amplification créé par un Macho est très faible et fugace, il faut, pour avoir une chance de le détecter, observer des millions d'étoiles normales pendant une longue duréedurée. C'est ce qui a été fait en braquant des télescopes pendant des années, soit vers le centre de la Voie lactéeVoie lactée, soit vers les nuages de Magellan, soit vers Andromède.

    Ces campagnes d'observation ont, en dépit de leur difficulté, été menées à terme et ont confirmé que la contribution des naines brunes à la massemasse du halo restait faible (quelques pour cent) et insuffisante pour rendre compte par exemple de la courbe de rotation des spirales.

    Les Wimp et les neutrinos

    Force est donc de se tourner vers un autre type de matière noire, les WimpWimp (pour Weakly Interacting Particles). C'est-à-dire, envisager des particules non ordinaires et neutres comme les particules prédites par les extensions du modèle standardmodèle standard de la physiquephysique des particules.

    Le neutrino, s'il était massif, constituerait un excellent candidat, ayant le bon goût d'être une particule dont l'existence est avérée, puisque détecté dans les accélérateurs. Mais il est désormais hors de course, à la fois via l'aspect physique des particules (avec une masse mesurée nulle ou très faible) et via l'aspect cosmologique car exclu par son incapacité à assurer la bonne chronologie dans le mécanisme de formation de galaxies.

    Les contraintes fournies par la théorie sur les caractéristiques (masse, capacité d'interaction) de ces Wimp sont encore peu sévères. Tenter de détecter de telles particules reste donc une gageure expérimentale extraordinaire. Pourtant, seule une détection effective sera la preuve indiscutable de l'existence d'une telle matière et permettra, par là même, d'en connaître la nature.

    Une méthode dite directe, consiste à tenter de capter ces particules en laboratoire, avec un détecteur approprié. Une difficulté provient du fait que, par définition, elles sont neutres et très peu interactives. Une autre difficulté encore une fois est que les domaines d'exploration de leurs caractéristiques, prédites par les modèles théoriques, sont immenses.

    En conséquence, bien qu'a priori très nombreuses dans le « halo noir » de notre galaxie, la Voie lactée (de quelques centaines à plusieurs dizaines de milliers par cm3, selon leur masse), au sein duquel ces Wimp transiteraient à environ 300 km/s, le nombre d'interactions qu'elles auraient avec un détecteur approprié placé sur Terre se limite à quelques unités par jour pour 1 kgkg de ce détecteur.

    Par ailleurs, ces éventuels évènements sont cachés parmi les « parasitesparasites » créés par les interactions d'autres particules existantes (comme les rayons cosmiquesrayons cosmiques constitués de protonsprotons ou de noyaux atomiques présents dans le milieu intergalactique) avec les instruments. Il faut alors construire de gros instruments pour augmenter la chance d'avoir une détection et placer ces détecteurs de matière noire au sein de mines, de tunnels profonds, voire au fond de la mer.

    Le neutralino, candidat favori pour la matière noire

    Le candidat actuellement « favori » pour la matière noire est le neutralinoneutralino, la particule la plus légère prévue par les modèles de physique des particules dits « modèles super-symétriques ». Ces modèles vont au-delà du modèle standard en simplifiant la vision de notre monde physique au prix de la présence de nombreuses nouvelles particules associées à celles déjà connues.

    Ces nouvelles particules, si elles existent réellement, pourraient être piégées au centre des objets célestes massifs comme la Terre ou le SoleilSoleil. Si, au sein de ces astresastres, leur densité est suffisante, ces particules pourraient alors s'annihiler entre elles (l'anti-particuleanti-particule du neutralino est le neutralino lui-même), donnant naissance à d'autres particules énergétiques dont des neutrinosneutrinos.

    Ces neutrinos, en provenance du centre de la Terre ou du Soleil, pourraient être détectés par un télescope spécialisé baptisé Antares qui, placé au fond de la mer, « regarde » vers le centre de la Terre.

    Antares est un télescope à neutrinos situé à 2.400 mètres de fond. Il occupe une surface d'environ un dixième de km<sup>2.</sup> Dans le futur il sera remplacé par un détecteur de taille kilométrique en Méditerranée. Le schéma montre les 12 lignes de photomultiplicateurs (PMT) déployées à 40 kilomètres de la côte. © CPPM
    Antares est un télescope à neutrinos situé à 2.400 mètres de fond. Il occupe une surface d'environ un dixième de km2. Dans le futur il sera remplacé par un détecteur de taille kilométrique en Méditerranée. Le schéma montre les 12 lignes de photomultiplicateurs (PMT) déployées à 40 kilomètres de la côte. © CPPM

    Antares, un télescope à neutrino sous-marin

    Antares est en effet un télescope à neutrino sous-marinsous-marin en cours d'exploitation au large de Toulon, à 2.400 mètres de profondeur. Il détectera des neutrinos produits soit par des astres très énergétiques comme les microquasars, les restes de supernovaesupernovae ou les noyaux actifs de galaxiesnoyaux actifs de galaxies ou des évènements issus de l'interaction de neutrinos très énergétiques provenant de l'annihilation de la matière noire formée de neutralinos.

    L'unité de base du détecteur est un module optique constitué d'un photomultiplicateur, de divers appareils et de l'électronique associée. L'ensemble est installé dans des sphères de verre résistant à la pression (250 bars). © DR
    L'unité de base du détecteur est un module optique constitué d'un photomultiplicateur, de divers appareils et de l'électronique associée. L'ensemble est installé dans des sphères de verre résistant à la pression (250 bars). © DR

    Pour détecter la matière noire, ce n'est pas le neutrino résultant de l'annihilation qui est directement détecté. Ce neutrino ayant traversé la terre interagit avec la matière en produisant une autre particule (le muonmuon). Ce dernier produit, lors de sa propagation dans l'eau, un rayonnement lumineux CerenkovCerenkov mesuré par les photomultiplicateurs.

    NB : le Centre de Physique des Particules de Marseille (CPPM) joue un rôle moteur dans l'émergenceémergence d'une nouvelle astronomie. Le LAMLAM participe de son côté aux campagnes d'observation.