L'adage est connu : tout le monde sait ce qu'il faisait ce jour-là, lorsque l'humanité marchait, via Neil Armstrong et Buzz Aldrin, sur la Lune pour la première fois. Et ce jour-là, plus de 800 millions de personnes regardaient un écran de télévision.

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    L'équipage d'Apollo 11. De gauche à droite : Neil Armstrong, Michael Collins et Buzz Aldrin.© Photo Nasa

    L'équipage d'Apollo 11. De gauche à droite : Neil Armstrong, Michael Collins et Buzz Aldrin.© Photo Nasa

    35 ans après, l'affrontement de la Guerre Froide s'étant écroulé tout comme le murmur de Berlin, il reste un exploit dont on mesure encore mal les effets. Depuis la nuit des temps la Lune était le symbole de l'inaccessible : il demande la Lune signifiait il veut l'impossible. Or, ce 20-21 juillet 1969 (si l'heure du premier pas est notée en heure américaine nous étions le 20 juillet, alors qu'en Temps Universel c'était aux premières heures du 21 juillet), la Lune perdait instantanément ce statut d'inaccessible et devenait l'exemple du génie humain porté à son pinaclepinacle.

    À l'occasion de ce 35ème anniversaire, les deux premiers marcheurs lunaires ont accepté de répondre aux questions d'Espace-Magazine.

    En voici quelques extraits.

    Une des plus célèbres photo de la conquête spatiale : Buzz Aldrin sur la Lune, photographié par Neil Armstrong. <br />&copy; Photo Nasa - (en poster dans ESPACE Magazine n°7)

    Une des plus célèbres photo de la conquête spatiale : Buzz Aldrin sur la Lune, photographié par Neil Armstrong.
    © Photo Nasa - (en poster dans ESPACE Magazine n°7)

    Neil ArmstrongNeil Armstrong

    Commandant d'Apollo 11Apollo 11 et premier homme à avoir foulé le sol sélène, Neil Armstrong souligne l'importance des équipes au sol et souhaite un nouvel élanélan de l'exploration spatiale.

    ESPACE Magazine : Vous affirmez toujours que les vrais héros sont les 400.000 personnes qui travaillaient sur le programme Apollo. Pouvez-vous nous en dire plus ?

    Neil Armstrong : Les engins spatiaux sont des machines très complexes, constituées de plusieurs milliers d'éléments. (...) Bien que les vols normaux aient pu avoir une centaine ou plus de dysfonctionnements, il s'agissait d'un nombre de pannes inférieur à ce qui était statistiquement prédit. À mon avis, cette amélioration était due au soin particulier qu'apportaient ceux qui concevaient, construisaient et inspectaient le vaisseau spatial. Et ceux qui le préparaient pour le vol. On ne félicitera jamais assez ces gens remarquables.

    ESPACE Magazine : Quelle est votre analyse et quelles sont vos idées pour initier à nouveau un soutien public pour le spatial ?

    Neil Armstrong : (...) Toute extension de la présence de l'homme dans le système solaire - comme placer un avant-poste sur la Lune et explorer Mars - engendrera un profond intérêt dans les esprits d'une fraction substantielle de la population mondiale. La première exploration de la Lune était une conséquence de la compétition de la Guerre Froide. J'espère que nous n'aurons pas à en arriver à cet extrême afin d'initier la prochaine ère de l'exploration spatiale humaine.

    Buzz Aldrin

    Pilote du module lunaire et auteur de la célèbre phrase «splendide désolation» une fois sur la Lune, Buzz AldrinBuzz Aldrin reconnaît qu'avec le temps son souvenir d'Apollo s'estompe.

    ESPACE Magazine : Après une telle aventure, marcher sur la Lune, quels autres défis ou rêves pouviez-vous avoir ?

    Buzz Aldrin : (...) Je savais que, pour le restant de ma vie, je devrais répondre à «que ressentiez-vous ?» Or, il existe des enregistreurs pour le son ou l'image, mais pas pour les émotions ! Je dois me rappeler, mais, lorsque vous vieillissez, votre mémoire n'est plus aussi bonne. Principalement, vous vous rappelez la dernière fois que avez décrit ce quelque chose. Ainsi fonctionne votre mémoire, car à chaque fois que vous décrivez un événement vous tendez à le retranscrire en tant que vécu, et la fois suivante ce sera pareil... mais un petit peu différemment !

    ESPACE Magazine : Quel est le décalage le plus flagrant entre ce que vous avez vécu et la façon dont cela a été présenté ?

    Buzz Aldrin : (...) En réalité, j'ai du développer une expertise sur le transport, soit comment nous allons d'un endroit à un autre. Mais décider pourquoi nous le faisions relevait d'une autre personne. Pourtant, en tant qu'équipage, nous étions considérés comme les experts sur ce pourquoi. Nous pensions juste que nous devions le faire car tel était notre devoir.

    Infatigable avocatavocat d'une exploration spatiale ambitieuse, Buzz Aldrin a aussi évoqué le prochain retour sur la Lune et les voyages vers Mars. Pour lui, il faut remettre en service un lanceur lourd capable d'envoyer le futur CEV (Crew Exploration Vehicule) vers notre satellite naturel sans recourir à un rendez-vous intermédiaire sur orbite. Il défend aussi l'idée d'affecter les deux pas de tir de la navette (39 A et B) aux futures missions lunaires et martiennes et même d'en activer un troisième ! À propos de Mars, Buzz Aldrin est conscient de l'effort à fournir et prévient que «ce sera très différent des 8 jours d'Apollo».

    35 ans après : tout reste à faire !

    Dans les cartons, et même au sein d'études poussées internes à la NASANASA, on trouvait une extension des technologies développées spécifiquement pour Apollo afin d'atteindre Mars ou d'installer une base sur la Lune. L'élan fut coupé net par un Congrès américain satisfait de cette victoire sur le système soviétique dans le cadre de la Guerre Froide. Souvent interprétée comme un aveu d'inutilité de l'exploration spatiale, cette décision est surtout la marque d'une vision politique à court terme, voire d'un manque total de vision d'avenir.

    Ce n'est donc pas étonnant si, 35 ans plus tard, les objectifs restent les mêmes : revenir sur la Lune et aller sur Mars. Avant même Apollo, ces deux destinations étaient déjà identifiées comme les étapes indispensables au futur de l'humanité hors de son berceau.

    En 1994, en plein 25ème anniversaire des premiers pas sur la Lune, l'astronomeastronome américain Carl SaganCarl Sagan ne se trompait pas et disait clairement dans son livre Pale Blue Dot, en conclusion au chapitre intitulé The gift of Apollo (le cadeau d'Apollo) : «It's time to hit the road again» (il est temps de reprendre la route) !

    Retrouvez l'intégralité des interviews de Neil Armstrong et Buzz Aldrin dans ESPACE Magazine n°7, actuellement en kiosquekiosque.