Lorsque deux galaxies entrent en collision, leurs trous noirs supermassifs respectifs devraient plonger vers le cœur de la galaxie nouvellement formée pour finir un jour par fusionner. Or, aucun tel trou noir n'a été découvert dans et aux alentours de la galaxie elliptique géante du nom de A2261-BCG. C'est une énigme.


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    Les amas de galaxies sont en quelque sorte les molécules du fluide galactique qui composent les filaments des grandes structures dans le cosmoscosmos observable. Un célèbre catalogue contenant les références de plus de 4.000 amas riches en galaxies a été publié par l'astronomeastronome états-unien George Abell (1927-1983). Initialement, en 1958, il ne comportait que des amas visibles dans l'hémisphère Nordhémisphère Nord puis, avec des collègues, George Abell l'a étendu avec des amas dans l'hémisphère Sudhémisphère Sud jusqu'à sa mort.

    Une publication disponible sur arXiv fait référence à un amas d'Abell portant le numéro 2261. Les astronomes l'étudient depuis des décennies, notamment avec les télescopes HubbleHubble et Subaru, dans le visible, mais aussi avec le télescope ChandraChandra dans le domaine des rayons X.

    On observe au centre des amas du genre d'Abell 2261 de grandes galaxies elliptiques, pauvres en gazgaz et en poussières, figurant parmi les plus massives et les plus lumineuses. Celle qui dépasse toutes ses compagnes est nommée Brightest cluster galaxy (BCGBCG). Or, comme l'expliquent les chercheurs, ils sont tombés sur une énigme avec A2261-BCG.

    Un trou noir devrait se trouver dans l'énorme galaxie au centre de l'amas de galaxies Abell 2261, situé à environ 2,7 milliards d'années-lumière de la Voie lactée. Cette image composite d'Abell 2261 contient des données dans le visible, prise par Hubble et le télescope Subaru, montrant des galaxies dans l'amas en arrière-plan, et des données en rayons X de Chandra montrant des gaz chauds (de couleur rose) envahissant l'amas. Au centre de l'image, on voit la grande galaxie elliptique au centre de l'amas. © Nasa
    Un trou noir devrait se trouver dans l'énorme galaxie au centre de l'amas de galaxies Abell 2261, situé à environ 2,7 milliards d'années-lumière de la Voie lactée. Cette image composite d'Abell 2261 contient des données dans le visible, prise par Hubble et le télescope Subaru, montrant des galaxies dans l'amas en arrière-plan, et des données en rayons X de Chandra montrant des gaz chauds (de couleur rose) envahissant l'amas. Au centre de l'image, on voit la grande galaxie elliptique au centre de l'amas. © Nasa

    On observe très généralement le même rapport entre la massemasse du trou noir supermassiftrou noir supermassif dans une galaxie et la masse de cette galaxie (environ 1.000 fois plus massive), ce qui indique que les deux croissent ensemble et qu'il doit aussi exister des rétroactionsrétroactions de l'une sur l'autre.

    Des trous noirs propulsés par des ondes gravitationnelles

    On observe parfois deux trous noirs supermassifs dans une même galaxie, ce qui indique qu'au moins un des modes de croissance de ces objets est une collision galactique géante suivie de fusionfusion (on sait maintenant que le mode essentiel fait intervenir des courants froids de matière). Or, selon la fameuse formule dite de « friction dynamique » du grand astrophysicienastrophysicien indien et prix Nobel de physiquephysique Chandrasekhar, décrivant la perte d'énergieénergie d'un corps céleste massif - comme une étoileétoile ou un trou noir - en mouvementmouvement dans le gaz autogravitant d'étoiles dans une galaxie, ces trous noirs ont la possibilité de chuter vers le centre de la galaxie nouvellement formée où ils vont fusionner à leur tour.

    Vers la fin de ce processus, des émissionsémissions copieuses d'ondes gravitationnellesondes gravitationnelles se produiront et on se propose justement de les observer avec eLisa.

    Remarquablement, des modélisationsmodélisations de la fusion des trous noirs nous indiquent que l'émission de ces ondes peut être très asymétriqueasymétrique, emportant de l'énergie et surtout de l'impulsion comme le ferait le gaz éjecté par une fuséefusée. Il n'est donc pas impossible que le trou noir nouvellement formé soit éjecté en direction de l'espace intergalactique, propulsé initialement par une telle émission d'ondes gravitationnelles.


    Une présentation de l'énigme avec A2261-BCG. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Chandra X-ray Observatory

    Or, voilà le problème, vu sa taille, A2261-BCG devrait contenir un trou noir supermassif d'au moins trois milliards de masses solaires et probablement beaucoup plus (rappelons que celui de notre Voie lactéeVoie lactée n'en contient que 4 millions environ). S'il accrète de la matièrematière, il devrait donc être visible dans le domaine des rayons X et donc par le satellite Chandra.

    À ce jour, aucune trace de ce trou noir dans A2261-BCG, ce qui pourrait donc laisser penser qu'il a été éjecté mais, dans ce cas-là, on devrait le voir pas très loin de sa galaxie hôte. Jusqu'à présent, les astrophysiciens l'ont cherché en vain, ce qui est très étonnant.

    C'est comme s'il avait totalement disparu pour une raison inconnue.

    Pourtant les télescopes Hubble et Subaru ont bien fourni des indications laissant penser que A2261-BCG est bien le produit d'une fusion récente entre deux galaxies, ce qui est confirmé par des observations radio avec le Karl G. Jansky Very Large Array qui voit les effets indirects de ce qui devait être un noyau actif de galaxiesnoyau actif de galaxies il y a seulement 50 millions d'années. Noyau qui devait être alimenté en énergie par un trou noir supermassif accrétant de la matière.

    Le télescope James-Webb arrivera peut-être à débusquer indirectement le trou noir supermassif qui a probablement été éjecté d'A2261-BCG... mais il faut encore attendre son lancement.