Titan, le plus gros satellite naturel de Saturne, a dévoilé aux radars et aux caméras de Cassini ses grandes étendues sombres d’hydrocarbures, qui maculent principalement son hémisphère nord. Un réseau de lacs et de rivières liquides que l’on ne retrouve nulle part ailleurs que sur Terre.

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    Mosaïque d'images — en fausses couleurs — de l'hémisphère nord de Titan créée à partir des données acquises entre 2004 et 2013 par le radar de la sonde spatiale Cassini. Mers, lacs et rivières d'hydrocarbures maculent le paysage de taches d'un bleu profond. L'ensemble couvre une surface de 1.800 km sur 900. Chaque petit lac près du pôle s'étend sur environ 50 km de long. © Nasa, JPL-Caltech, ASI, USGS

    Mosaïque d'images — en fausses couleurs — de l'hémisphère nord de Titan créée à partir des données acquises entre 2004 et 2013 par le radar de la sonde spatiale Cassini. Mers, lacs et rivières d'hydrocarbures maculent le paysage de taches d'un bleu profond. L'ensemble couvre une surface de 1.800 km sur 900. Chaque petit lac près du pôle s'étend sur environ 50 km de long. © Nasa, JPL-Caltech, ASI, USGS

    Hormis la Terre, il n'y a guère que Titan qui présente des liquides stables à sa surface dans notre Système solaire. Pourtant, la température est très basse : -180 °C (83 K) en moyenne. Mais en lieu et place de l'eau, il s'agit d'hydrocarbures, principalement du méthane, qui affleurent dans les dépressions de ce satellite naturel de SaturneSaturne, le plus gros (5.150 km de diamètre, plus grand que Mercure) des 53 connus.

    Depuis la découverte de son atmosphèreatmosphère par Gerard Kuiper et son survolsurvol par la sonde spatiale Voyager 1Voyager 1 en 1980, TitanTitan intrigue beaucoup la communauté scientifique par ses caractéristiques évoquant celles qui régnaient sur la Terre primitive. Si bien que son étude approfondie fut d'emblée mise au programme de la mission Cassini (Nasa et Esa) et de son petit module compagnon, Huygens. Ce dernier fut chargé de pénétrer l'atmosphère opaque et brumeuse, dont la pression est 60 % plus élevée que chez nous, au début de l'année 2005, quelques jours après l'arrivée du convoi. Depuis, les survols de cette lunelune par Cassini se succèdent et dévoilent aux chercheurs les étranges paysages qui la composent.

    Sous l’atmosphère opaque de Titan

    Les récentes campagnes de cartographie de l'hémisphère nordhémisphère nord ont permis de créer une mosaïque d'images sans précédent (en haute résolutionrésolution) de l'ensemble de ses lacs et mers. Avec des détails inégalés, on explore ainsi Kraken Mare et Ligeia Mare, deux de ses plus grandes étendues. On découvre aussi la multitude de petits lacs qui les entourent et le réseau de rivières. Un patchwork aux teintes sombres qui occupe une vaste région d'environ 900 km sur 1.800, d'après les nouvelles estimations. Seules 3 % des réserves de liquides en surface de Titan sont réparties en dehors de cette zone.

    Une série de vues aériennes de Titan lors de la descente de Huygens dans l’atmosphère de la lune de Saturne, de 150 km à 0,4 km du sol, le 14 janvier 2005. © Esa, Nasa, JPL-Caltech, université d’Arizona

    Une série de vues aériennes de Titan lors de la descente de Huygens dans l’atmosphère de la lune de Saturne, de 150 km à 0,4 km du sol, le 14 janvier 2005. © Esa, Nasa, JPL-Caltech, université d’Arizona

    Bien sûr, « les scientifiques se sont demandé pourquoi les lacs de Titan sont là où ils sont, raconte Randolph Kirk, membre de l'équipe de chercheurs du radar de Cassini. Ces images nous montrent que le substratsubstrat et la géologiegéologie ont dû créer un environnement particulièrement favorable pour les lacs dans cette région. Nous pensons que cela pourrait être semblable à la formation du lac préhistorique de Lahontan, près du lac Tahoe (Nevada et Californie) où la déformation de la croûtecroûte a créé des fissures qui ont pu se remplir de liquides ».

    Un monde riche en hydrocarbures

    La nature singulièrement très pure du liquide et la surface de Ligeia Mare (aussi lisse que celle d'un miroirmiroir) ont permis pour la première fois aux équipes scientifiques d'évaluer la profondeur de celui-ci à quelque 170 m. « La mesure que nous avons faite montre que Ligeia Mare est plus profond, au moins à un endroit, que la moyenne du lac Michigan », explique Marco Mastrogiuseppe de l'université Sapienza à Rome.

    À partir des données acquises, le professeur Alexander Hayes (université Cornell) et son équipe ont calculé qu'il y aurait sur Titan environ 40 fois plus d'hydrocarbures liquides que sur Terre. Un total de 9.000 km3 de méthane et d'éthane que l'on serait bien mal avisé d'exploiter et d'injecter dans notre atmosphère.