La neuvième planète du système solaire, la Planète X, n'a pas été encore découverte. Nous n'en sommes qu'au stade des prédictions. La nuance est toujours bonne à rappeler. Pour trouver ce nouveau corps, dix fois plus massif que la Terre, des spécialistes français de l'Observatoire de Paris se servent de la théorie d'Einstein. Explications. 

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    C'est en analysant la trajectoire de la sonde Cassini avec le prisme de la relativité générale, qu'un groupe de spécialistes français de la mécanique céleste pense avoir cerné une région du ciel où il faut chercher la mystérieuse Planète X, possible neuvième planète du Système solaire qui existe peut-être loin au-delà de PlutonPluton.

    Décidément au goût du jour, la relativité générale, qui vient d'être mise à l'honneur avec la première détection directe des ondes gravitationnelles par LigoLigo, se trouve aujourd'hui de nouveau à la Une de l'actualité. Une équipe d'astronomesastronomes français de l'Observatoire de Paris (Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides, CNRS) et de l'Observatoire de la Côte d'Azur (laboratoire GeoAzur : OCA/CNRS) vient en effet de mettre un article fascinant sur arXiv qui implique la théorie d'EinsteinEinstein dans la chasse à la planète X (X étant une lettre, celle désignant une inconnue en algèbre, et non le chiffre romain 10).

    Cette chasse, qui remonte au moins à 1915 et à Percival Lowell, a été relancée tout dernièrement par Konstantin Batygin et Mike Brown, du célèbre California Institute of Technology, le Caltech, lequel est aussi très impliqué dans la création de Ligo.

    En analysant les mouvements étranges de certains objets de la ceinture de Kuiper, qui contient des petits corps céleste similaires à Pluton au-delà de NeptuneNeptune, Batygin et Brown avaient annoncé que le Système solaire doit compter une neuvième planète. Pour expliquer les perturbations gravitationnelles qui confinent les orbites des petits corps aux paramètres orbitaux anormaux, les chercheurs ont postulé l'existence d'une planète massive (dix fois la Terre) et très éloignée, tournant sur une vaste orbite très elliptique, avec demi-grand axedemi-grand axe (la moitié de la largeur maximale de l'ellipse) d'environ 700 unités astronomiquesunités astronomiques (UA).


    Dans cette vidéo, Batygin et Brown présentent leurs travaux sur la possible existence d'une neuvième planète. Notez l'étrange regroupement des orbites des corps de la ceinture de Kuiper les plus lointains connus. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle avec deux barres horizontales en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître, si ce n'est pas déjà le cas. En cliquant ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, vous devriez voir l'expression « Traduire les sous-titres ». Cliquez pour faire apparaître le menu du choix de la langue, choisissez « français », puis cliquez sur « OK ». © Caltech

    La planète X est très difficilement détectable

    Sur le plan théorique, son existence semble possible. Les observations menées dans l'infrarougeinfrarouge pour détecter des corps froids, menées avec les télescopestélescopes spatiaux Iras et Wise, excluent la présence dans ces contrées lointaines de corps plus massifs que JupiterJupiter et SaturneSaturne à, respectivement, moins de 25.000 et 10.000 UA.

    Passant une partie de son temps à presque un centième d'année-lumièreannée-lumière du SoleilSoleil et donc très peu lumineuse et presque immobile sur la voûte céleste, elle n'est pas facilement détectable depuis la Terre. Il n'est donc guère étonnant que cette neuvième planète hypothétique ait pu jusqu'ici être confondue avec une étoileétoile. De plus, si son orbite est relativement bien précisée, on ignore, en revanche, à quel endroit de cette immense trajectoire elle se trouve aujourd'hui.

    C'est là qu'entrent en scène Agnès Fienga (astronome à l'Observatoire de la Côte d'Azur), Jacques Laskar (Astronome à l'Observatoire de Paris, directeur de recherche au CNRS) et leurs collègues qui développent depuis 2003 un modèle dynamique de l'éphéméride planétaire et lunaire appelé INPOP (Intégration NumériqueNumérique Planétaire de l'Observatoire de Paris). Il fait usage de la théorie de la relativité générale d'Einstein via les fameuses équationséquations de Einstein-Infeld-Hoffmann (EIH). Publiées en 1938 par Albert Einstein, Leopold Infeld et Banesh Hoffmann, elles permettent des calculs plus précis que ceux de la théorie de NewtonNewton pour les mouvements des planètes. Les champs de gravitationgravitation des corps célestes y sont supposés peu intenses et les mouvements lents par rapport à la vitesse de la lumièrevitesse de la lumière. En bonus, les travaux du trio avaient montré que les lois de la mécanique de Newtonmécanique de Newton, plus précisément l'équation du mouvement d'un corps selon une géodésique de l'espace-tempsespace-temps, étaient en fait une conséquence des lois relativistes du champ de gravitation.

    Orbite pour une possible neuvième planète (Batygin et Brown, 2016). L’analyse des données de la sonde Cassini permet de définir des zones interdites (en rouge), où les perturbations créées par la planète sont incompatibles avec les observations, et une zone probable (en vert) où l’introduction de la planète améliore le modèle de prédiction des distances Terre-Saturne en réduisant les différences entre les calculs et les données de Cassini. Le minimum de résidu et donc l’emplacement le plus probable pour une planète, est indiqué ici par « P9 ». Le cercle noir indique la taille, à l'échelle, de l'orbite de Neptune. © Observatoire de la Côte d’Azur, Cnrs

    Orbite pour une possible neuvième planète (Batygin et Brown, 2016). L’analyse des données de la sonde Cassini permet de définir des zones interdites (en rouge), où les perturbations créées par la planète sont incompatibles avec les observations, et une zone probable (en vert) où l’introduction de la planète améliore le modèle de prédiction des distances Terre-Saturne en réduisant les différences entre les calculs et les données de Cassini. Le minimum de résidu et donc l’emplacement le plus probable pour une planète, est indiqué ici par « P9 ». Le cercle noir indique la taille, à l'échelle, de l'orbite de Neptune. © Observatoire de la Côte d’Azur, Cnrs

    Les équations d'Einstein–Infeld–Hoffmann à l'assaut de la planète X

    Les équations de EIH sont utilisées depuis des décennies pour prédire les mouvements fins des sondes spatiales à grandes distances du Soleil, par exemple pour les missions Cassini et New Horizons. En retour, ces mouvements sont utilisés pour poser des bornes sur des paramètres dit post-newtoniens incorporés dans les calculs décrivant les mouvements des corps célestes et qui dérivent d'alternatives aux équations d'Einstein pour construire des théories relativistes de la gravitation.

    On peut traquer précisément les mouvements de Cassini avec les radiotélescopesradiotélescopes, de sorte que l'on peut maintenant s'en servir pour calculer la distance entre la Terre et Saturne avec une incertitude de l'ordre de 100 m. Plus généralement, on peut donc se servir de la sonde et du modèle INPOP pour poser des contraintes sur l'existence de la planète X au-delà de Pluton. C'est précisément ce que les chercheurs français ont fait.

    Selon eux, elle ne peut pas se trouver actuellement sur certaines portions de son orbite supposée. Mais elle se trouve probablement dans une qu'ils ont déterminée. Cela devrait donc faciliter la tâche des astronomes qui sont partis à la recherche de la neuvième planète avec le télescope Subaru car la portion de ciel à fouiller est plus petite. Selon les chercheurs, il devrait être possible de faire mieux si la mission Cassini est prolongée jusqu'en 2020 car les données accumulées rendront les déterminations des orbites encore plus précises.