Les lois de la mécanique quantique laissent penser qu'à l'horizon d’une dizaine d’années si l'on s'y prend bien, des ordinateurs — ou pour le moins, des calculateurs spécialisés dans la résolution de certains problèmes impossibles à résoudre pendant le temps de calcul d'une vie humaine par des super-ordinateurs classiques —, verront le jour en exploitant des phénomènes quantiques. Parmi les start-ups françaises prometteuses pouvant permettre de prendre une place importante dans cette révolution que pourrait constituer le calcul quantique, il y a depuis la fin de l'année dernière SiQuance, à Grenoble. Elle s'appuie sur des travaux menés depuis un certain temps par le CEA et le CNRS. À terme, on estime que cette seconde révolution quantique pourrait créer plus de 500 milliards d'euros de valeur au sein de toute l’industrie (énergie, transport, santé…).


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    La révolution de la miniaturisation de l'électronique et des ordinateursordinateurs s'est faite grâce aux transistors et donc aux puces au silicium qui en portent un nombre de plus en plus grand pour une surface donnée selon la loi de Mooreloi de Moore. Ces révolutions ont été catalysées notamment par la fameuse SiliconeSilicone Valley en Californie où des étudiants et des chercheurs des fameuses universités de Stanford et Berkeley se sont ensuite lancés dans la création de start-upsstart-ups.

    Or, derrière les propriétés des transistors, on trouve les lois de la mécanique quantique, lois dont l'exploration a donné à la France plusieurs prix Nobel de physique dont le dernier n'est autre que celui d'Alain Aspect mais il faudrait citer aussi à ce sujet au moins Louis de BroglieLouis de Broglie, Claude Cohen-Tanoudji et Serge Haroche.

    La France elle-même dispose d'une version de la Silicone Valley et de son environnement à Grenoble. Ainsi, le Laboratoire d'électronique et de technologie de l'information du CEA ou CEA-Leti est l'un des principaux centres de recherche appliquée en microélectronique et nanotechnologiesnanotechnologies dans le monde. Citons aussi l'Institut Néel qui est un laboratoire de recherche en physique de la matière condensée du CNRS, domaine de recherche où l'on trouve précisément la physique quantique et ses conséquences sur la physique des solidessolides et les technologies qui en dépendent.

    On ne sera donc pas surpris du lancement officiel qui s'est fait le 29 novembre 2022, à Grenoble, de la start-up, SiQuance, issue du CEA et du CNRS qui entre dans la course mondiale aux ordinateurs quantiquesordinateurs quantiques, comme Google et IBM.

    Elle a été fondée par Maud Vinet (CEO, issue du CEA, lauréate ERC), Tristan Meunier (CTO, issu du CNRS, lauréat ERC) et François Perruchot (COO, issu du CEA), experts internationaux des technologies silicium, de l'ingénierie quantique et du marketing stratégique. On peut voir Maud Vinet et Tristan Meunier ainsi qu'écouter leurs explications au sujet de SiQuance dans la vidéo ci-dessous.


    Le CEA et le CNRS de Grenoble s'associent et mettent en commun 15 ans de recherches pour créer l'entreprise SiQuance. Cette start-up a pour objectif de développer et commercialiser un ordinateur quantique à base de silicium et de microélectronique grâce aux capacités du semi-conducteur. Une nouvelle technologie qui coûterait des centaines de millions d'euros et qui devrait voir le jour d'ici une dizaine d'années. © Télégrenoble

    De la physique quantique aux ordinateurs quantiques

    Futura avait déjà parlé de Maud Vinet et de Tristan Meunier dans le précédent article ci-dessous qui annonçait en 2018 « l'attribution d'un financement à hauteur de 14 millions d'euros sur six ans par le Conseil européen de la recherche (ERC Synergy Grant) au projet QuCube. Mené dans trois instituts de recherche grenoblois (CEA-Leti, Inac et Institut Néel) et impliquant des scientifiques du CEA, du CNRS et de l'UGA, ce projet étudié dans le cadre du programme pluridisciplinaire Quantum Engineering a pour tâche de continuer à explorer le concept de processeur quantique mais avec des qubitsqubits portés par des puces en silicium. Ceci, sous la direction des trois responsables de recherche, lauréats de ce financement avec leurs équipes, Silvano De Franceschi (Inac, CEA), Tristan Meunier (Institut Néel, CNRS) et Maud Vinet (CEA-Leti) ».

    On y parlait donc des ordinateurs quantiques prophétisés déjà par Richard FeynmanRichard Feynman au début des années 1980 et du décollage depuis une dizaine d'années de travaux prometteurs, bien qu'initialement regardés avec scepticisme comme l'expliquait Claude AslangulClaude Aslangul dans la vidéo d'introduction de cet article, concernant plus généralement le domaine de l'information quantique. Il était déjà question de puces quantiques au silicium, de qubits, du problème de la décohérence et des codes correcteurs d'erreurscodes correcteurs d'erreurs. Nous renvoyons donc dans un premier le temps le lecteur à cet article sur ces sujets.

    On peut trouver des explications supplémentaires ou complémentaires sur la physique quantique, les ordinateurs quantiques et ce que l'on appelle la seconde révolution quantique, qui semble imminente, dans les deux vidéos ci-dessous du CEA.


    Une introduction à la physique quantique, sa première et sa seconde révolution. © CEA Recherche

    Des explications plus détaillées sur la notion de Qubits, d'algorithmes et d'ordinateurs quantiques. © CEA Recherche

    Dans le dossier de presse du CEA, se trouve une liste de domaines qui pourraient être révolutionnés d'ici donc une décennie par le calcul quantique et nous la reprenons donc.

    • circulation : en temps réel et optimisation des trajets ;
    • logistique : optimisation des procédés de distribution complexes ;
    • automobileautomobile, aéronautique : calculs aérodynamiques de pointe ;
    • énergieénergie : amélioration de la maintenance des centrales de production d'électricité ;
    • BTP : optimisation des matériaux et gains de productivité ;
    • santé, chimiechimie : calculs complexes et accélérés de propriétés chimiques des moléculesmolécules ;
    • finance et patrimoine : nouveaux outils pour mieux piloter son portefeuille et prendre les bonnes décisions.

    SiQuance, la voie des ordinateurs quantiques avec les puces au silicium

    Récapitulons quelques éléments à savoir sur les ordinateurs quantiques pour terminer. On connait quelques algorithmes dits quantiques qui peuvent fournir beaucoup plus rapidement qu'avec des algorithmes classiques sur des super-ordinateurs la solution de certains problèmes en utilisant les phénomènes d'intrication et de superposition quantiques (Si l'on prend l'exemple de l'algorithme de Peter Shor dont parle la première vidéo du CEA, les meilleurs algorithmes actuels pour factoriser un nombre de 600 chiffres ont besoin de millions de millions d'années pour factoriser un tel nombre, alors qu'un ordinateur quantique utilisant cet algorithme y parviendrait en quelques minutes, cassant donc le secret des transactions banquaires).

    Il faut pour cela construire des ordinateurs quantiques avec des analogues des portesportes logiques et des mémoires des ordinateurs classiques opérant sur des qubits quantiques, des analogues des bits d'informations classiques mais qui permettent des sortes de calculs en parallèle. Mais, pour avoir la suprématie quantique sur les ordinateurs classiques, il faut un grand nombre de qubits (des milliers voir des dizaines de milliers dans le cas de l'algorithme de Shor). Le problème est que plus ce nombre augmente plus ces qubits se comportent comme un château de cartes qui devient de plus en plus fragile en grandissant. Plus il y a de qubits, plus ils sont sensibles à des perturbations et les états quantiques de superposition ou d'intrication quantiquesintrication quantiques peuvent être de plus en plus rapidement détruits avant qu'un ordinateur quantique n'ait eu le temps de faire les calculs demandés.

    C'est le phénomène de décohérence.

    Lutter contre lui revient à placer un château de cartes dans une pièce sous vide pour éviter un coup de ventvent, en pratique un processeur quantique sous vide et à basse température, ou/et à utiliser des codes correcteurs comme ceux des ordinateurs classiques et, pour la transmission d'informations par radio, pour lutter contre les erreurs de calculs produites par les perturbations physique extérieurs.

    Il existe plusieurs systèmes physiques qui peuvent permettre de faire des calculs quantiques et ils sont caractérisés par deux intervalles de temps. Il y a celui pour effectuer une opération élémentaire et celui de résistancerésistance à la décohérence. Le nombre d'opérations que peuvent faire ces systèmes est donc le quotient du temps de décohérence par le temps mis pour effectuer une opération.

    Certains systèmes sont très résistants à la décohérence mais cela veut dire aussi qu'il est difficile de manipuler des qubits pour faire des opérations. Enfin, il faut pouvoir fabriquer un grand nombre de qubits et le plus facilement possible si l'on veut un vrai ordinateur quantique performant et que l'on pourrait produire à l'échelle industrielle.

    Les travaux menés au CEA et l'institut Néel ont montré que l'on pouvait avoir des qubits intéressants de tous ces points de vue sur des puces de silicium en bénéficiant de l'expérience et des possibilités de production industrielle des puces classiques.

    On comprend donc pourquoi l'approche poursuivie par les membres de SiQuance doit être pris très au sérieux.


    Des explications de Maud Vinet sur le potentiel de la révolution des ordinateurs quantiques et pourquoi la voie des puces quantiques au silicium est prometteuse parmi les voies explorées. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © CEA-Leti

    Ordinateur quantique au silicium : des millions pour le projet QuCube à Grenoble

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco, publié le 3 novembre 2018

    L'Europe vient d'attribuer 14 millions d'euros à des équipes de chercheurs du CNRS et du CEA à Grenoble explorant une voie prometteuse pour la réalisation industrielle d'ordinateurs quantiques. Il s'agirait d'utiliser des qubits sur des puces de silicium analogues à celles que l'on sait déjà fabriquer à grande échelle.

    Sommes-nous à la veille d'une nouvelle révolution quantique après celle des transistors, celle des laserslasers et des IRMIRM ? C'est bien possible. Visiblement de plus en plus de laboratoires et d'institutions de par le monde considèrent qu'il y a un enjeu sérieux avec la mise au point des mythiques ordinateurs quantiques. L'un des pionniers n'était autre que le célèbre prix Nobel de physique Richard Feynman, dont on a fêté le centenaire de sa naissance cette année.

    Pourtant, ces ordinateurs ont rencontré beaucoup de scepticisme. Aujourd'hui, même si l'on sait en fabriquer, il n'est toujours pas évident de les développer au point qu'ils puissent battre sans effort les plus puissants supercalculateurssupercalculateurs actuels. À défaut de véritables ordinateurs universels programmables, il semble tout de même que l'on soit sur le point d'avoir des calculateurs et des simulateurs quantiques exploitant des algorithmes, eux aussi quantiques, dont on sait qu'ils peuvent battre ces superordinateurs sur des problèmes précis. Par exemple, pour la simulation de composants et réactions chimiquesréactions chimiques complexes ouvrant la porte à des applicationsapplications révolutionnaires en médecine ou encore à la simulation de nouveaux matériaux tels que des supraconducteurssupraconducteurs à haute température. Ils révolutionneraient l'IRM, le transport de l'énergie et peut-être aussi la fusion contrôléefusion contrôlée. Le domaine de l'intelligence artificielleintelligence artificielle pourrait bien aussi se trouver transformé avec un nouveau domaine de recherche, celui du Quantum machine learningmachine learning exploré, par exemple, en France par Atos.


    Vous souhaitez avoir les bases en mécanique quantique ? Suivez la masterclass de Roland Lehoucq, astrophysicien au CEA. Ce cours est accessible dès la terminale S, en lien avec le programme de physique. Cette masterclass a été enregistrée à l’École polytechnique, le 29 mai 2018, et est proposée en complément de la revue scientifique Clefs du CEA, « Révolutions quantiques ». © CEA Recherche

    Le CEA est dans la course aux ordinateurs quantiques et plus généralement aux technologies de l'information quantique, depuis déjà un certain temps. Daniel Estève et le groupe Quantronique du Service de physique de l'état condensé du CEA-CNRS, Paris-Saclay, sont notamment des pionniers dans la connaissance et la maîtrise de l'information quantique à l'origine du circuit dit de la boîte à paires de Cooper avec qubits quantiques supraconducteurs. Voilà plusieurs mois, le CEA a montré son intérêt et ses compétences dans le domaine avec plusieurs publications et vidéos en ligne à destination du grand public cherchant à se cultiver sur ce sujet fascinant. À la même époque, un projet de collaboration a été signé entre la première entreprise australienne dédiée à l'informatique quantique, Silicon Quantum Computing Pty Ltd (SQC) et le CEA.

    Les puces quantiques au silicium, l’avenir de l’informatique quantique ?

    Cette signature reçoit une nouvelle signification par l'annonce qui vient d'être faite concernant l'attribution d'un financement à hauteur de 14 millions d'euros sur six ans par le Conseil européen de la recherche (ERC Synergy Grant) au projet QuCube. Mené dans trois instituts de recherche grenoblois (CEA-Leti, Inac et Institut Néel) et impliquant des scientifiques du CEA, du CNRS et de l'UGA, ce projet étudié dans le cadre du programme pluridisciplinaire Quantum Engineering a pour tâche de continuer à explorer le concept de processeur quantique mais avec des qubits portés par des puces en silicium. Ceci, sous la direction des trois responsables de recherche, lauréats de ce financement avec leurs équipes, Silvano De Franceschi (Inac, CEA), Tristan Meunier (Institut Néel, CNRS) et Maud Vinet (CEA-Leti).

    De gauche à droite, Tristan Meunier, Institut Néel-CNRS, Maud Vinet, CEA-Leti et Silvano De Franceschi, CEA/Inac
    De gauche à droite, Tristan Meunier, Institut Néel-CNRS, Maud Vinet, CEA-Leti et Silvano De Franceschi, CEA/Inac

    Pour mettre cette annonce en perspective, il existe plusieurs voies de recherche prometteuses pour le calcul quantique mais toutes doivent résoudre deux problèmes principaux.

    Il y a d'abord le fait que le calcul quantique en quelque sorte en parallèle - que permet le fameux principe de superposition des amplitudes de probabilité quantique avec des systèmes quantiques à deux états portant des bits d'information quantique (qubits), comme les électronsélectrons avec leur spinspin - est très fragile devant les perturbations causées par un environnement (chaleurchaleur, rayonnement électromagnétique, etc.) et ce d'autant plus que l'on fait intervenir un grand nombre de ces systèmes. Ces perturbations produisent un phénomène dit de décohérence qui introduit de plus en plus d'erreurs dans les calculs voire les détruits avant qu'ils ne puissent être menés à terme.

    Or, pour vraiment battre les ordinateurs classiques, il faut un grand nombre de qubits, des millions selon certaines estimations, ce qui implique un temps de décohérence trop court. Trop court, pour que l'entreprise soit réalisable si l'on ne sait pas lutter contre la décohérence, ou pour le moins corriger ses effets, avec des codes correcteurs d'erreurs analogues à ceux déjà utilisés par les ordinateurs.

    Ce qui nous amène au second obstacle, comment produire à l'échelle industrielle des puces quantiques en passant de milliers à de millions de qubits ?

    C'est là l'intérêt de la voie du silicium explorée à Grenoble. Il s'agit, en effet, de voir si l'on ne peut pas transposer les connaissances et les technologies CMOS (Complementary Metal Oxide SemiconductorComplementary Metal Oxide Semiconductor, technologie de fabrication de composants électroniques), largement utilisées dans l'industrie microélectronique avec les puces de silicium classiques, à des puces quantiques. Depuis quelques années déjà, on sait que l'on peut avoir des gains de temps de résistance à la décohérence intéressants avec des qubits portés avec le spin des électrons d'isotopesisotopes de silicium 28.

    Espérons que ces travaux vont faire mentir dans quelques années les Cassandres qui doutent toujours des ordinateurs quantiques...


    Ordinateur quantique : un nouveau record pour des puces en silicium

    Article de Laurent Sacco publié le 20/10/2016

    L'obstacle de la décohérence quantique reste redoutable en ce qui concerne les ordinateurs quantiques mais de timides progrès sont fait continuellement avec les différents dispositifs qui permettraient de les fabriquer. Le dernier en date concerne les qubits portés par des électrons dans du silicium.

    Ces derniers temps, la course vers les ordinateurs quantiques semble s'intensifier. De nombreux laboratoires, de ceux financés par Google à ceux de l'IQC (Institute for Quantum Computing) fondé par le milliardaire canadien Mike Lazaridis, accumulent les annonces concernant ces machines, en partie issues des réflexions de Richard Feynman au début des années 1980. Elles exploitent des phénomènes clés de la physique quantique, la superposition des états et l'intrication quantique, pour effectuer des sortes de calculs en parallèle qui peuvent parfois être plus rapides et plus puissants que ceux menés sur des superordinateurs classiques, comme nous l'explique Claude Aslangul dans la vidéo ci-dessus.

    Le chercheur, cependant, ne cache pas son scepticisme et celui de ses collègues spécialistes des questions d'information quantique. Pour le moment, malgré des annonces plus ou moins tonitruantes, la situation ne semble guère avoir évolué. Certes, on sait déjà faire des ordinateurs quantiques miniatures. Mais ils restent incapables de battre la moindre calculatrice de poche pour lycéens. Certes, on sait faire des calculateurs ou des simulateurs quantiques capables de résoudre des problèmes bien spécifiques, et il ne semble pas douteux que des progrès notables puissent permettre d'atteindre la « suprématie quantique » sur les calculateurs classiques. Mais il ne s'agit pas de vrais ordinateurs universels aptes à être programmés pour réaliser des tâches arbitraires.


    Que sont des ordinateurs quantiques qui fonctionneraient avec des qubits portés par des électrons dans le silicium ? Cette vidéo nous l'explique à partir de travaux menés par des chercheurs de l'université de Nouvelle-Galles du Sud . Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © UNSWTV

    Comment obtenir une production industrielle d'ordinateurs quantiques ?

    En tout état de cause, deux problèmes fondamentaux sont à résoudre. Avoir un grand nombre de qubits et se protéger de la décohérence, une sorte de bruit issu de l'interaction d'un système quantique avec son environnement et qui fausse les calculs d'autant plus rapidement qu'ils nécessitent un nombre plus élevé de qubits.

    Plusieurs équipes tentent de résoudre le problème de la décohérence en explorant des approches différentes. Il y a beaucoup d'espoir du côté des pièges à ions et des circuits supraconducteurs. Mais se poseraient de toute façon plusieurs problèmes : la fabrication à grande échelle d'ordinateurs quantiques, la facilité pour réaliser et utiliser des machines puissantes et leur coût de fabrication. Dans l'idéal, on voudrait disposer d'ordinateurs quantiques personnels et de telles machines ouvriraient peut-être la voie à la réalisation de robots conscients.

    Un objectif est donc d'utiliser les techniques de fabrication standard des ordinateurs d'aujourd'hui pour réaliser des puces au silicium portant des qubits protégés de la décohérence. C'est cette voie qu'explorent depuis quelques années les chercheurs de l'université de Nouvelle-Galles du Sud (The University of New South Wales ou UNSW), une université australienne située non loin de Sydney, comme le montrent les vidéos mises en ligne.


    Une vidéo sur le dernier succès des chercheurs de l'université de Nouvelle-Galles du Sud. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © UNSWTV

    Des quibts habillés stabilisés par une onde électromagnétique

    La dernière accompagne une publication d'un article dans Nature Nanotechnology, également en accès libre sur arXiv. Avec 2,4 millisecondes, les chercheurs y annoncent avoir battu un record du temps de résistance à la décohérence qu'ils ont multiplié d'un facteur 10. Ce n'est cependant pas le record du monde puisque, en 2013, une duréedurée de 39 minutes a été obtenue. Mais il s'agissait alors de qubits portés par l'état de spin des noyaux alors qu'ici, ces qubits sont associés à l'état de spin d'électrons.

    La technique employée pour rendre les qubits portés par les électrons dans le silicium plus résistants est une transposition de celle proposée dès la fin des années 1960 par les prix Nobel de physique français Claude Cohen-Tanoudji et Serge Haroche. Baptisée technique de l'atome habillé, elle consistait en quelque sorte à considérer un atomeatome et un champ électromagnétiquechamp électromagnétique comme un unique système quantique couplé à un autre champ électromagnétique. Les chercheurs de l'UNSW se sont donc placés dans une situation analogue et c'est pourquoi il parle de qubit habillé (dressed qubit en anglais), comme ils l'expliquent dans leur dernière vidéo.

    Ce progrès est intéressant mais les vrais ordinateurs quantiques surpuissants semblent toujours lointains. La situation semble toujours celle décrite par Max Tegmark« J'ai discuté de ces questions récemment avec des collègues. Nous sommes plusieurs à penser que de tels ordinateurs ne verront probablement pas le jour avant les années 2050 ».