Des préhistoriens viennent probablement de mettre fin à un long débat quant à la date d'arrivée des premiers Homo sapiens en Australie : elle serait d'environ 65.000 ans. Cette datation suggère qu'il pourrait y avoir eu deux grandes migrations en provenance de l'Asie du Sud-Est.

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    Il y a un mois, une équipe internationale de chercheurs annonçait qu'il fallait repousser de 100.000 ans la date d'apparition d'Homo sapiens en Afrique. Nos ancêtres seraient donc sortis plus tôt qu'on ne l'imaginait de leur berceau en direction de l'Europe et de l'Asie. Indirectement, voici qu'une découverte, réalisée en Australie, vient étayer cette nouvelle possibilité.

    Une équipe de chercheurs australiens a en effet publié un article dans Nature expliquant qu'il a enfin été possible de dater de façon rigoureuse le site préhistorique de l'abri rocheux de Madjedbebe, non loin du célèbre parc national de Kakadu, au nord de l'Australie (ce site est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1981). L'endroit a été fouillé à de nombreuses reprises depuis les années 1970 et alimentait des controverses entre préhistoriens et archéologues concernant la date de l'arrivée des premiers aborigènes, donc d'Homo sapiensHomo sapiens, en Australie.


    Une présentation du site de Madjedbebe. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Gundjeihmi Aboriginal Corporation, YouTube

    Dater l'arrivée des ancêtres des aborigènes

    À partir des données collectées sur tous les sites connus sur le continent, deux camps s'étaient formés :

    • Pour les uns, l'Homme était probablement arrivé là-bas il y a au moins 60.000 ans.
    • Pour les autres, 50.000 ans était probablement l'estimation la plus haute de cette arrivée qui se serait plutôt produite il y a 47.000 ans.

    Pour ne rien arranger, une nouvelle estimation, provenant de la génétiquegénétique cette fois-ci, avait récemment fourni un intervalle de temps assez large puisque l'arrivée des ancêtres des aborigènes pouvait s'être produite il y a entre 70.000 et 50.000 ans environ.

    Le site de Madjedbebe est également connu sous le nom de Malakunanja II grâce à son art rupestre. Des artefacts, notamment des outils, ont été trouvés en abondance dans les couches sédimentaires de l'abri rocheux et, dès 1989, des datations par la méthode de la thermoluminescence ont permis d'avancer qu'il devait être l'un des plus anciens sites archéologiques d'Australie et que les outils en pierre qu'il contenait avaient probablement été taillés il y a entre 60.000 et 50.000 ans. Toutefois, ces datations avaient été contestées en invoquant des processus ayant conduit des objets à s'enfoncer dans les couches de sédimentssédiments, biaisant ainsi les estimations des dates de leur fabrication.

    Les aborigènes Mark Djandjomerr (au centre) et May Nango (à droite) observent la chercheuse Elspeth Hayes (à gauche), qui prélève des résidus sur des outils de pierre près de Madjedbebe. © <em></em>David Vadiveloo, <em>Gundjeihmi Aboriginal Corporation</em>

    Les aborigènes Mark Djandjomerr (au centre) et May Nango (à droite) observent la chercheuse Elspeth Hayes (à gauche), qui prélève des résidus sur des outils de pierre près de Madjedbebe. © David Vadiveloo, Gundjeihmi Aboriginal Corporation

    Deux vagues de migration d'Homo sapiens en Australie ?

    Or, entre 2012 et 2015, de nouvelles fouilles ont été entreprises tenant soigneusement compte du contexte stratigraphique. Une nouvelle méthode de datation avec une résolutionrésolution temporelle plus importante, la technologie OSL (Optically Stimulated Luminescence ou luminescence stimulée optiquement), a alors pu être utilisée pour estimer les âges des très nombreux nouveaux artefacts découverts (des haches de pierre parmi les plus anciennes du monde, des meules pour pulvériser des graines et des points de pierre finement fabriqués qui ont servi de pointes de lance). Le verdict est tombé : les objets les plus anciens ont été incontestablement fabriqués il y a entre 70.000 et 60.000 ans, avec un âge le plus probable de 65.000 ans.

    Cette découverte a plusieurs conséquences en dominos. En effet, si Homo sapiens est arrivé plus tôt qu'on ne le pensait en Australie, il est donc bien possible qu'il soit également sorti plus tôt que prévu de l'Afrique. Mais, pour être arrivé en Australie, il a d'abord dû passer par l'Asie du Sud-Est et il a peut-être alors été en contact, il y a plus de 60.000 ans, avec Homo floresiensis, bien qu'aucune preuve ne l'atteste à ce jour.

    La conséquence la plus intéressante est la suivante : la génétique suggère assez fortement que les ancêtres des aborigènes se sont, à un moment, hybridés partiellement avec des Néandertaliens et des Dénisoviens. Or, les horloges génétiques indiquent que ces mélanges de gènesgènes seraient survenus il y a entre 53.000 et 45.000 ans. Si tel est bien le cas, il semble qu'il faille en conclure que l'Australie a connu deux vaguesvagues de migration et que la plus récente a conduit une population d'Homo sapiens à largement remplacer la plus ancienne.


    En Australie, c'est l'Homme qui a fait disparaître la mégafaune

    Article de Bruno Scala publié le 23/03/2012

    Qui de l'Homme ou du climatclimat a eu raison de la mégafaunemégafaune australienne, il y a environ 40.000 ans ? Les scientifiques ont du mal à s'accorder mais c'est la thèse de l'Homme, chasseur de ces animaux, qui tient désormais la corde. La présence, dans les carottagescarottages, de Sporormiella, un champignonchampignon vivant dans les excréments d'herbivoresherbivores, a permis de remettre les événements dans l'ordre.

    Il n'est jamais facile de reconstruire le passé lointain et de remettre les événements dans le bon ordre. Concernant l'extinction de la mégafaune en Australie, les scientifiques essaient de comprendre qui, de l'Homme ou du climat, est responsable. En retraçant la chronologie des événements, des chercheurs australiens sont parvenus à déterminer les causes et les conséquences.

    Leurs conclusions, exposées dans Science, sont claires : l'arrivée de l'Homme en Australie est antérieure à la disparition de grands animaux, datée d'il y a environ 40.000 ans, et ces deux étapes ont eu lieu avant un profond changement du paysage. Les Hommes ont donc bien chassé les grands herbivores et sont responsables de leur disparition. Ceci confirme partiellement une étude de 2010 qui reposait sur la datation d'outils et de fossilesfossiles d'os.

    Le diprotodon était le plus grand marsupial. Sa taille était plus grande que celle d'un humain. © Peter Murray

    Le diprotodon était le plus grand marsupial. Sa taille était plus grande que celle d'un humain. © Peter Murray

    Sporormiella, le champignon coprophile clé de l'énigme

    Pour parvenir à ces conclusions, les scientifiques se sont attardés principalement sur une caractéristique : la présence de Sporormiella dans les carottages. C'est un champignon coprophile : il passe au moins une partie de sa vie à l'intérieur des excréments de grands herbivores. Si on ne trouve pas de trace de Sporormiella dans les carottescarottes, c'est que la mégafaune était absente. Or, justement, il y a environ 41.000 ans, la teneur en Sporormiella a drastiquement chuté. Signe que c'est précisément à cette date que les populations de grands herbivores ont sérieusement décliné.

    Qu'est-ce qui peut en être la cause ? Le climat ou l'Homme. Ce dernier est arrivé en Australie il y a environ 45.000 ans. Il fait donc un bon candidat. Quant au changement climatiquechangement climatique, on n'en trouve pas de trace. Les chercheurs ont pourtant observé une forte modification de la structure du paysage : les forêts mixtes se sont en effet transformées en forêts sclérophylles (arbustes et buissons). Mais cette étape est postérieure à la disparition des herbivores.

    <em>Sthenurus </em>est un genre de kangourou, dont les spécimens étaient de grande taille (environ 3 mètres). Ils sont désormais tous éteints. © Peter Murray

    Sthenurus est un genre de kangourou, dont les spécimens étaient de grande taille (environ 3 mètres). Ils sont désormais tous éteints. © Peter Murray

    Disparition de la mégafaune : l'Homme responsable

    Selon les chercheurs, cette modification est due à une cascade d'événements dont la première cause est bien l'arrivée de l'Homme. À la suite de l'extinction des herbivores, la végétation - pas entretenue par le pâturage - a été davantage exposée aux incendies et c'est à ce moment-là que le changement de paysage s'est produit. Encore plus probable : les humains ont sans doute déclenché de nombreux incendies dans le but de chasser le gibier. La forte teneur en charboncharbon de boisbois dans les couches de l'époque atteste la recrudescence de ces feux. Tout rentre donc dans l'ordre.

    Pourtant, il y a deux semaines, une étude publiée dans Pnas indiquait que l'action combinée de l'Homme et du climat était responsable de l'extinction de la mégafaune sur l'ensemble du Globe, au cours des 100.000 dernières années environ. Les auteurs indiquaient alors qu'il était plus pertinent de prendre le problème dans son ensemble, sur une large échelle géographique. Néanmoins, selon les auteurs de la nouvelle étude, aucun changement climatique notable n'a eu lieu au moment de l'extinction de la mégafaune en Australie. Ces divergences confirment en tout cas qu'il est bien difficile de reconstruire les événements du passé.