Depuis de nombreuses années, les chercheurs travaillent à miniaturiser et à rendre plus flexibles les circuits électroniques. Une équipe américaine pourrait apporter une aide de taille, en développant une méthode de production de films semi-conducteurs fonctionnels de seulement quelques atomes d'épaisseur.

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    Des chercheurs américains ont déposés sur des plaquettes de dioxyde de silicium de 10 centimètres de diamètre, des films de disulfure de molybdène de seulement trois atomes d’épaisseur. © Kibum Kang

    Des chercheurs américains ont déposés sur des plaquettes de dioxyde de silicium de 10 centimètres de diamètre, des films de disulfure de molybdène de seulement trois atomes d’épaisseur. © Kibum Kang

    Dans le monde des semi-conducteurs, la technique dite « du dépôt de couche mince » est classique. Des chercheurs de l'université de Cornell (États-Unis) viennent de l'adapter à une classe de matériaux particulièrement intéressants : les métaux de transition dichalcogènes (TMD). Ceux-ci sont formés de trois couches atomiques : une couche de métal de transition (molybdène ou tungstène, par exemple) prise en sandwich entre deux couches de chalcogène (sulfure, sélénium, etc.).

    Les chercheurs américains ont ainsi pu obtenir des films de seulement trois atomesatomes d'épaisseur déposés sur des plaquettesplaquettes de dioxyde de siliciumsilicium de 10 centimètres de diamètre. Pour prouver les propriétés électroniques de ces films minces, ils les ont utilisés pour fabriquer des centaines de transistors. Ceux-ci se sont révélés fonctionnels dans 99 % des cas !

    Les TMD ne se substitueront probablement jamais complètement au silicium. Cependant, si les chercheurs s'y intéressent d'aussi près, c'est que certaines de leurs propriétés sont des plus prometteuses. Leur nature bidimensionnelle, leur résistancerésistance mécanique, leur flexibilité, leur mobilité électronique élevée n'en sont que quelques exemples. De petits cristaux de disulfure de molybdènemolybdène avaient déjà pu être obtenus mais, pour envisager des applicationsapplications concrètes, la réalisation de films lisses, plats et ultraminces était incontournable.

    La monocouche de disulfure de tungstène possède une structure hexagonale. Elle est composée d'atomes de tungstène (en noir) et d'atomes de soufre (en jaune). Les liens entre chaque paire d’atomes de soufre et de tungstène sont à l’origine de la création des vallées d'énergie observées. La structure est ici représentée vue de profil (schéma de gauche) et vue du dessus (schéma de droite). © 3113Ian, Wikipedia

    La monocouche de disulfure de tungstène possède une structure hexagonale. Elle est composée d'atomes de tungstène (en noir) et d'atomes de soufre (en jaune). Les liens entre chaque paire d’atomes de soufre et de tungstène sont à l’origine de la création des vallées d'énergie observées. La structure est ici représentée vue de profil (schéma de gauche) et vue du dessus (schéma de droite). © 3113Ian, Wikipedia

    Une croissance cristalline contrôlée de près

    Pour obtenir ces films, les chercheurs de Cornell ont mis en œuvre une technique de dépôt chimique métallo-organique en phase vapeur (MOCVD pour metalorganic chemical vapor deposition, en anglais). Cette technique de croissance cristallinecroissance cristalline est largement utilisée dans l'industrie. Elle s'appuie sur un précurseur en poudre porté par un gazgaz vecteur, de l'hydrogènehydrogène, qui balaye le substratsubstrat. La clé du succès : le choix de précurseurs composés de moléculesmolécules contenant un unique atome de métal de transition ou de chalcogène mais aussi une variation de la pressionpression permettant de contrôler la concentration de chaque atome ainsi que la croissance de la couche mince.

    En procédant à tâtons et en s'appuyant sur des caractérisations précises des couches obtenues, les chercheurs ont pu établir les conditions optimales à la croissance cristalline : peu d'hydrogène et une absence d'humidité. Sous une température de 550 °C et après une phase de croissance de 26 heures, ils ont obtenu des couches minces de disulfure de molybdène et de disulfure de tungstène de 10 centimètres de diamètre. Celles-ci présentaient les mêmes propriétés que les échantillons plus petits obtenus par le passé. Ils ont également élaboré des systèmes formés de plusieurs couches de TMD, séparées par des couches de dioxyde de silicium. De quoi envisager la réalisation de minuscules circuits électroniques en trois dimensions et à haute densité dans lesquels les composants pourraient être empilés.

    La technique proposée par les chercheurs de Cornell serait transposable à d'autres matériaux, ce qui la rend d'autant plus intéressante. Elle pourrait notamment permettre d'aller plus en avant dans l'étude des propriétés des TMD et de leurs apports potentiels au monde de l'électronique. Cependant, pour passer à une phase de développement de dispositifs commerciaux, il faudra d'abord réussir à réaliser le même genre de prouesse sur des substrats flexibles.