Une nouvelle expérience de mécanique quantique, du type choix retardé, dans laquelle intervient la fameuse intrication entre particules, pourrait s’interpréter, à première vue, comme une influence du futur sur le passé. Il n’en est rien, même si elle montre tout de même qu'en physique quantique, l’ordre spatiotemporel des phénomènes n’est pas trivial.

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    Niels Bohr a probablement été le premier physicienphysicien à comprendre et accepter que les équations de la physique quantique, tout en parlant d'une réalité extérieure à l'Homme, n'étaient pas compatibles avec les concepts d'espace, de temps et même de réalité dans le sens usuel du terme. De même qu'il est nécessaire de préciser un référentiel pour parler de la vitesse et du mouvement d'un objet en physique classique, il n'est pas possible de décrire les objets quantiques sans préciser les conditions expérimentales des observations que l'on fait sur eux.

    Pas plus qu'il n'existe une vitesse absolue pour un observateur, on ne peut parler des objets quantiques comme des ondes ou des boules de billard existant dans l'absolu. C'est ce que Niels BohrNiels Bohr sous-entendait avec son fameux principe de complémentarité (comparez avec le principe de relativité) et c'est aussi ce que voulait dire l'un des élèves de Bohr, le grand physicien John Wheeler, lorsqu'il déclarait : « Aucun phénomène n'est réel tant qu'il n'est pas un phénomène observé ».

    Pour montrer à quel point la mécanique quantiquemécanique quantique ne permet pas de penser la réalité selon des concepts d'espace et de temps issus de notre vie de tous les jours, John Wheeler avait proposé le concept d'expériences avec choix retardé. Bien que Wheeler présentait ce type d'expériences comme une démonstration d'une certaine façon que le passé dépend en partie du futur, elle n'implique pas qu'il soit possible de voyager dans le passé, de le changer ou simplement d'y envoyer un message.

    Tout comme l'intrication quantiqueintrication quantique montre une non-localité dans l'espace dans le cadre du paradoxe EPR ou l'expérience d'Alain AspectAlain Aspect et ses collègues, il existe en mécanique quantique une sorte de corrélation incontrôlable entre certains événements du passé et du futur, qui ne s'explique pas en des termes d'espace et de temps classiques.

    Le physicien des physiciens, comme l'appelaient ses collègues, John Wheeler. On lui doit le terme de trou noir, la première théorie de la fission avec Niels Bohr et bien d'autres choses encore. Il a été le directeur de thèse de Feynman et Kip Thorne. © Courtesy of the Wheeler family (1991)

    Le physicien des physiciens, comme l'appelaient ses collègues, John Wheeler. On lui doit le terme de trou noir, la première théorie de la fission avec Niels Bohr et bien d'autres choses encore. Il a été le directeur de thèse de Feynman et Kip Thorne. © Courtesy of the Wheeler family (1991)

    En 2007, une expérience effectuée par Jean François Roch et ses collègues de l'ENS Cachan, avait permis de réaliser, bien mieux qu'auparavant, une expérience dite du choix retardé, proposée par Wheeler. De nouveau, les résultats, bien qu'étonnants, se sont montrés conformes aux équations de la mécanique quantique. Aujourd'hui, Anton Zeilinger et ses collègues publient dans Nature les résultats d'une expérience avec choix retardé mais qui, cette fois, fait intervenir des paires de photonsphotons intriqués.

    Mystères et magie quantique avec l'intrication

    Selon les propres termes de Zeilinger, cette expérience illustre le fait que : « Avec une vision classique naïve du monde, la mécanique quantique semble imiter une influence d'actions dans le futur sur des événements passés ». Encore une fois, cette expérience ne prouve pas que l'on puisse exercer un contrôle sur des événements passés mais elle montre bien qu'il n'est pas possible en physique quantiquephysique quantique de considérer dans certaines situations un enchaînement et une localisation des événements qui vont intégralement du passé vers le futur. Essayons de voir pourquoi, bien que ce soit assez subtil.

    Les chercheurs ont commencé par produire deux paires indépendantes de photons intriqués, A et B. Si la mesure des caractéristiques des photons d'une seule de ces paires, par exemple A, montre une corrélation quelle que soit la distance dans l'espace entre ces deux photons, deux observateurs mesurant chacun un seul photon de l'une des paires (donc dans A pour l'un et dans B pour l'autre) ne verront pas ces corrélations.

    Mais que se passerait-il si un troisième observateur, par un choix d'observation spécifique, intriquait aussi une paire de photons dont chacun est extrait des deux paires précédente, c'est-à-dire de A et B ?

    Dans ce cas, les mesures des photons restants par les autres observateurs montreront une corrélation entre le photon de la paire A et celui de la paire B. On est encore à première vue dans le cadre d'un effet EPR bien connu.

    Ce serait exact si les mesures sur des photons de A et B par les deux observateurs sont faites après que le troisième observateur a intriqué un photon de A avec un photon de B. Mais on se trouve confronté à une expérience de choix retardé si l'intrication est produite après la mesure des caractéristiques de l'autre paire de photons extraite de A et B. Cette variante de l'expérience de Wheeler avait été proposée par Asher Peres en 2000. C'est la première fois qu'elle est réalisée de façon convaincante.

    La magie quantique a bel et bien été au rendez-vous et des corrélations inexplicables en physique classique ont été observées par Zeilinger et ses collègues.