On a de bonnes raisons de penser que dans les conditions physiques habituelles le taux de radioactivité d’un noyau n’est pas affecté. Une équipe de chercheurs italiens affirme pourtant avoir trouvé le moyen de multiplier par un énorme facteur le taux de désintégration radioactive du thorium 228. Le secret : la cavitation acoustique...

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    Hideki Yukawa et son équation pour les forces nucléaires en 1949. Crédit : Yukawa Institute for Theoretical Physics

    Hideki Yukawa et son équation pour les forces nucléaires en 1949. Crédit : Yukawa Institute for Theoretical Physics

    C'est l'une des lois fondamentales découvertes par les pionniers de la radioactivité. Que l'on plonge des atomes radioactifs dans un champ magnétique, qu'on les chauffe ou qu'on les soumette à des réactions chimiques, les taux de désintégration radioactive de ces atomes ne sont pas modifiés.

    Mais toute règle possède des exceptions... Dans les années 1960, il est apparu que de faibles variations du taux d'une réaction nucléaire bien particulière étaient néanmoins possibles en fonction de la pressionpression à laquelle était soumis un échantillon d'atomes. Il s'agit d'un phénomène basé sur ce que l'on appelle la capture d'électronsélectrons K.

    Initialement, la capture K avait été prédite par Hideki Yukawa, le grand théoricien japonais à l'origine de la théorie mésonique des forces nucléaires. Yukawa était très au fait des questions de physiquephysique nucléaire et en particulier de la théorie de la radioactivité bêtabêta proposée par Enrico FermiEnrico Fermi.

    Ordinairement, celle-ci prévoit qu'un neutronneutron peut se désintégrer en émettant un électron et un antineutrino mais, d'après Yukawa, l'inverse était possible. Du fait des lois de la mécanique quantiquemécanique quantique, et même si l'on peut parler d'orbitaleorbitale atomique pour un électron autour d'un atome, il existe une distribution de probabilité de présence ne s'annulant pas dans le noyau pour des électrons situés sur la couche proche de ce dernier : la couche K dans le modèle de l'atome de Bohratome de Bohr.

    Un électron sur cette couche, la première orbiteorbite de l'atome de Bohr, peut se combiner parfois avec un protonproton du noyau pour donner un neutron et s'accompagner de l'émissionémission d'un neutrinoneutrino. Cette prédiction de Yukawa, faite indépendamment pas son collègue Sakata, a été vérifiée assez rapidement par le futur prix Nobel de physique Luiz Walter Alvarez en 1937.

    Le prix Nobel de physique Luiz Walter Alvarez. Crédit : Paul Bishop

    Le prix Nobel de physique Luiz Walter Alvarez. Crédit : Paul Bishop

    Une radioactivité multipliée par dix mille

    Des années plus tard, on découvrit que l'effet de la pression pouvait changer le taux de capture K. Ce qui n'est pas si surprenant... En soumettant un échantillon d'atomes à de fortes pressions, les distances entre eux diminuent et les champs électromagnétiqueschamps électromagnétiques qu'ils exercent les uns sur les autres peuvent très légèrement modifier la taille des orbitales atomiques. Il en résulte que les taux habituels de capture K en sont eux aussi légèrement changés.

    Certains ont spéculé sur ce phénomène de modification du taux des réactions nucléaire, imaginant la possibilité d'une voie nouvelle menant à la mythique fusion froide.

    Le phénomène de cavitationcavitation acoustique est connu mais la sonoluminescence associée est plutôt mal comprise. Dans un liquideliquide, sous l'action d'ultrasonsultrasons de forte puissance, des bulles se forment. C'est le phénomène de cavitation. En implosant, ces bulles émettent de la lumièrelumière et il semblerait que des températures de plusieurs milliers de degrés soient alors atteintes. Certains pensent que du plasma serait produit par ionisationionisation de la matièrematière. Une autre hypothèse, très controversée, stipule même qu'il est possible d'obtenir ainsi la fusionfusion froide.

    Le périodique du CernCern, CERN Courier, vient d'attirer l'attention sur un article accepté récemment dans Physics Letters A et intitulé «Piezonuclear decay of thoriumthorium (voir les liens au bas de cet article). Le physicienphysicien italien Fabio Cardone et ses collègues y font état d'une série d'expériences intrigantes avec du thorium 228 en solution. Cet atome est radioactif et selon les résultats des chercheurs italiens, sous l'effet d'un processus de cavitation acoustique créé par des ultrasons, le taux de désintégration du thorium 228 est multiplié par... 10.000 !

    Si d'autres groupes devaient reproduire ce phénomène et qu'il recevait une confirmation solidesolide, ce pourrait être une vraie petite révolution. Affaire à suivre...