Le petit lézard qui court sur les murs n'en finit pas d'inspirer les ingénieurs, les roboticiens et les spécialistes du biomimétisme. Une nouvelle fois, un adhésif reprenant le secret du reptile vient d'être réalisé, cette fois avec un avantage de taille : il se débarrasse des poussières qui l'encombrent. Idéal pour de futurs robots sauveteurs...

au sommaire


    Scientifiquement, on sait depuis 2002 comment font les geckosgeckos, une famille de lézards, pour courir sur les mursmurs et même les plafonds. Sous leurs pattes, des lamelles portent des millions de minuscules poils (appelés sétules, c'est-à-dire petites soies). Le tout constitue une surface de contact énorme sur laquelle s'exercent des forces à l'échelle des atomes, dites de Van der Waals, générant une forte adhésion entre la patte et la surface. De quoi encourager le scientifiques a en savoir plus sur ce phénomène appelé adhérence sèche. En 2003, une équipe britannique de l'université de Manchester avait réussi à réaliser une structure imitant ce principe, portant de minuscules poils faits de polyimide.

    Mais les performances étaient imparfaites. Si l'on ose dire, quelque chose ne collait pas et une énigme restait en suspens. L'adhésif britannique ne peut se maintenir que sur une surface propre. Si le support est sale, il n'adhère pas. Le gecko, lui, n'a nullement besoin qu'on lavelave les murs pour y gambader. Cet écueil a visiblement stimulé les scientifiques, et notamment ceux du Biomimetic Millisystems Lab, l'université de Californie (à Berkeley).

    A gauche, les poils en polymères ont accroché de multiples billes (mesurant ici 2 microns) après avoir été mis en contact avec une surface de verre recouverte de cette poussière artificielle. A droite, les mêmes poils, après une série de contacts avec du verre, ont largué leurs petites billes : la toison adhésive s'est autonettoyée. © <em>Ronald Fearing Lab./Dept. of Electrical Engineering/University of California, Berkeley</em>
    A gauche, les poils en polymères ont accroché de multiples billes (mesurant ici 2 microns) après avoir été mis en contact avec une surface de verre recouverte de cette poussière artificielle. A droite, les mêmes poils, après une série de contacts avec du verre, ont largué leurs petites billes : la toison adhésive s'est autonettoyée. © Ronald Fearing Lab./Dept. of Electrical Engineering/University of California, Berkeley

    Avec un certain acharnement, l'équipe de Ronald Fearing, du même laboratoire, cherche depuis plusieurs années à s'approcher des performances du gecko et publie assez régulièrement de nouveaux résultats. Ces chercheurs ont notamment longuement étudié les propriétés mécaniques des pattes du gecko et de tous les matériaux testés pour les imiter. En 2004, Kellar Autumn, avec W.R. Hansen, avait bien identifié le problème. Comme un ruban adhésif appliqué sur une surface sale, les poils de polyimide collecte la poussière, qui finit par les recouvrir complètement. Selon les deux chercheurs, les geckos doivent disposer d'un système autonettoyant capable d'éliminer cette couche de saletés.

    Des semelles propres : le secret du grimpeur ?

    C'est cette astuce qu'ont pu reproduire Ronald Fearing et ses collègues en réalisant une surface portant des microfibres faites de polymères suffisamment rigides, de 18 microns de longueur pour 0,6 d'épaisseur. Leurs résultats, publiés dans la revue Langmuir, montrent comment cette brosse microscopique se débarrasse de petites sphères de 3 à 10 microns de diamètre, simulant la poussière. Au premier contact, les sphères se décollent du support et viennent se fixer sur les poils. Mais il suffit de renouveler le contact un certain nombre de fois pour que les sphères se recollent à nouveau sur la surface.

    Schéma du phénomène. En A, les microfibres (<em>microfibers</em>), fixées sur le substrat (<em>backing</em>) portent une bille (<em>dirt particle</em>), restée collée. En B, les poils synthétiques sont appliqués sur une surface de verre (<em>glass</em>). En C, la bille est tenue à la fois par les microfibres et la surface. En D, la bille, qui adhère davantage à la surface qu'aux microfibres, reste collée sur le verre. © <em>Ronald Fearing Lab./Dept. of Electrical Engineering/University of California, Berkeley</em>

    Schéma du phénomène. En A, les microfibres (microfibers), fixées sur le substrat (backing) portent une bille (dirt particle), restée collée. En B, les poils synthétiques sont appliqués sur une surface de verre (glass). En C, la bille est tenue à la fois par les microfibres et la surface. En D, la bille, qui adhère davantage à la surface qu'aux microfibres, reste collée sur le verre. © Ronald Fearing Lab./Dept. of Electrical Engineering/University of California, Berkeley

    En somme, après avoir été salie, cette petite patte se nettoie elle-même à chaque pas. Les scientifiques ont noté qu'en trente contacts, la toison de poils de polymères élimine 60% des sphères qui s'y trouvaient accrochées. Le plus souvent, en quelques pas, ce taux de nettoyage atteint 30%.

    Ces performances semblent suffisantes pour imaginer des applications en robotiquerobotique. Des engins capables de grimper sur une façade pour aider des équipes de secours sont désormais envisageables. Un modèle expérimental a d'ailleurs déjà été réalisé par SRI International, mais il est basé sur une technique tout à fait différente, faisant appel aux forces électrostatiquesélectrostatiques. Les robotsrobots grimpeursgrimpeurs ont visiblement un certain avenir...