Des physiciens de l'Institut de physique nucléaire de Lyon (CNRS/IN2P3(1) et Université Claude-Bernard Lyon I), en collaboration avec l'Institut für Ionenphysik d'Innsbruck (Autriche), ont établi expérimentalement, et pour la première fois de manière directe, l'existence d'une capacité calorifique négative. Le système étudié, un ensemble fini d'une quinzaine de molécules d'hydrogène, refroidit en effet brusquement au cours de sa transition liquide/gaz, malgré l'apport extérieur d'énergie.

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    Nous l'expérimentons tous les jours. Il suffit de chauffer de l'eau pour voir sa température augmenter. Mais dès que l'eau se met à bouillir, sa température n'augmente plus jusqu'à ce que tout le liquide soit vaporisé. Un tel comportement est très général dans les milieux macroscopiques. Fournir de l'énergie à un système fait augmenter sa température jusqu'à ce qu'il commence à changer d'état (évaporation ou fusion) ; bien que chauffé en continu, il garde alors une température constante tant que l'évaporation (ou la fusion) n'est pas complète. Le langage de la physique traduit cela en disant que « la capacité calorifique »(2) du système est positive.

    Mais, existe-t-il des systèmes ayant une capacité calorifique négative, c'est-à-dire dont la température diminue quand on les chauffe ? Comme l'avait proposé dès 1970 le physicienphysicien théoricien Hans Thirring, ce serait le cas des étoiles dont la température du cœur augmente au fur et à mesure qu'elles perdent leur énergie par rayonnement. À l'autre extrême, ce serait également le cas des noyaux atomiques dont la température baisserait au moment de leur vaporisationvaporisation.

    Aujourd'hui une équipe de l'Institut de physique nucléaire de Lyon, en collaboration avec l'Institut für of Ionenphysik de l'Université d'Innsbruck, vient de mettre en évidence, pour la première fois de manière directe, l'existence d'une capacité calorifique négative des agrégats d'hydrogènehydrogène, petits paquetspaquets constitués d'une quinzaine de moléculesmolécules. Leurs expériences ont consisté à étudier de nombreuses collisions entre un agrégat d'hydrogène et un atomeatome d'héliumhélium au repos et à détecter pour chacune d'elles l'ensemble des fragments obtenus. L'intérêt de telles collisions est qu'elles permettent de déposer une quantité importante d'énergie sur l'agrégat durant un intervalle de temps suffisamment bref pour que le système n'ait pas le temps d'évoluer. L'évolution de la taille des fragments obtenus en fonction de l'énergie déposée sur l'agrégat leur a ensuite permis de démontrer l'existence d'un refroidissement durant la vaporisation des agrégats.

    Entre gaz et liquide

    À la différence des systèmes macroscopiques dans lesquels deux phases (gazeuse et liquide) peuvent coexister, un système constitué d'un aussi petit nombre de particules ne peut avoir de frontière distinguant ces deux phases : il est soit gazeux, soit liquide. Dès qu'il se retrouve dans un état intermédiaire, état instable par nature, il cherche à rejoindre « aussi vite que possible » les conditions de l'état gazeuxétat gazeux, même au prix d'un refroidissement semblable à celui observé. Dans le monde macroscopique, où un très grand nombre de molécules est mis en jeu, un refroidissement aussi brutal de toutes les molécules du système n'est pas possible ; aussi observe-t-on la coexistence des deux phases à une même température, seule la très petite fraction de molécules se trouvant à l'interface liquide/gaz étant affectée par la transition de phasetransition de phase.

    Entre macro et microscopique

    Une question demeure cependant. Où se situe dans ce cas la limite entre les mondes microscopique et macroscopique ? Cette question n'est pas uniquement théorique. Elle intervient dans le contexte actuel du développement des nanotechnologiesnanotechnologies, où la miniaturisation des dispositifs met en jeu des interrupteurs électroniques pouvant être fabriqués avec seulement quelques atomes.

    Notes :

    (1) Institut National de Physique Nucléaire et de Physique des Particules
    (2) La capacité calorifique d'un système est l'énergie qu'il faut lui fournir pour augmenter sa température d'un degré Kelvin