En près de 750 ans d'existence, la Sainte-Chapelle de Paris n'avait jamais vu ça ! Certes, la vénérable dame est habituée aux visiteurs venus s'extasier devant ses vitraux. Mais cette petite bande-là, débarquant en cette fin d'octobre 2005 armée d'appareils et d'un enchevêtrement de câbles électriques, n'avait pas l'air très orthodoxe. Et pour cause… Il s'agissait de membres du Laboratoire de dynamique, interactions et réactivité (Ladir) (1) et du Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) venus réaliser une première mondiale : identifier sur place les verres utilisés pour les vitraux, grâce à leur signature Raman.

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    © C.Lébedensky/CNRS Photothèque

    © C.Lébedensky/CNRS Photothèque

    « La spectrométrie Raman consiste à analyser la lumière rediffusée par tout matériau quand il est illuminé par un rayon monochromatique, comme un laser, explique Philippe Colomban, directeur du Ladir. Les composantes du spectre Raman dépendent de la composition chimique du matériau et de la façon dont ses atomesatomes sont arrangés. » Grâce à cela, les chercheurs se savaient ensuite capables, en laboratoire, de distinguer les verresverres à base de potasse de ceux à base de sodiumsodium qui étaient utilisés au Moyen Âge. Ils espéraient aussi différencier les anciens des plus récents, et qualifier leur état de dégradation. Encore ­fallait-il démontrer que ce type de spectrométrie pouvait être mis en œuvre sur site, dans des lieux difficiles d'accès, et savoir quelles étaient les meilleures conditions d'utilisation. Objectif atteint avec l'opération Raman Sainte-Chapelle.

    Équipée d'un instrument facilement transportable, constitué d'un laser vert et d'une tête optique reliée à un spectromètrespectromètre par des fibres optiquesfibres optiques (2), la petite troupe a pu se rendre compte que les verres des vitraux étaient bel et bien différenciables. Autres découvertes : les résultats sont d'autant meilleurs que le vitrailvitrail est fortement coloré, voire opaque - la lumière parasiteparasite est alors limitée -, les objectifs à faible grossissement se révèlent plus faciles à manier, et ceux à courte focalefocale, donc collés à la surface du vitrail, permettent eux aussi de limiter la lumière parasite.

    La Sainte-Chapelle n'est pas tranquille pour autant. « Maintenant que la procédure est bien définie, nous allons y retourner en 2006 et nous concentrer sur la rose du Jugement dernier et de l'Apocalypse », indique Philippe Colomban. Une campagne à la cathédrale Saint-Denis pourrait aussi avoir lieu.

    Fabrice Demarthon

    1. CNRS / Université Paris-VI.
    2. L'instrument était fourni par la société lilloise Horiba-Jobin-Yvon.

    Contact :

    Philippe Colomban
    Laboratoire de dynamique, interactions et réactivité (Ladir), Paris
    [email protected]