On savait déjà produire des molécules ultrafroides par photoassociation d’atomes ultrafroids, mais c’est la première fois que l’on produit directement de telles molécules par refroidissement laser. La performance ouvre de nouvelles voies pour la réalisation d’ordinateurs quantiques.

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    Le prix Nobel de physique français Claude Cohen-Tannoudji, grand pionnier des techniques de refroidissement des atomes par laser. © ENS

    Le prix Nobel de physique français Claude Cohen-Tannoudji, grand pionnier des techniques de refroidissement des atomes par laser. © ENS

    C'est le prix Nobel de physique Richard Feynman qui fut l'un des premiers à comprendre qu'il devait être possible de faire fonctionner des ordinateurs quantiques. Manipulant des qubits au lieu de bits d'informations à l'aide des lois de la mécanique quantique, de tels ordinateursordinateurs seraient idéaux pour simuler directement et exactement des systèmes quantiques. Effectuant des sortes de calculs en parallèle grâce au principe de superposition des états, ils seraient aussi capables de résoudre bien plus rapidement que des ordinateurs classiques certains problèmes mathématiques, comme ceux que l'on rencontre en cryptographiecryptographie.

    Des ordinateurs problématiques

    Beaucoup de laboratoires de par le monde explorent le domaine complexe de l'information et du calcul quantique. Des ordinateurs quantiques rudimentaires, aisément battus par la moindre calculatrice de poche, ont déjà été créés. Malheureusement, pour battre les ordinateurs classiques, il faudrait disposer de systèmes quantiques avec un assez grand nombre de qubits.

    On se trouve alors confronté au fait que les systèmes quantiques que l'on sait manipuler deviennent d'une taille suffisante pour qu'ils se rapprochent dangereusement d'un système classique. Plus précisément, ils subissent d'autant plus rapidement l'influence du monde extérieur, qui perturbe les calculs effectués, qu'ils sont gros et chauds. C'est l'obstacle de la décohérence.

    Un moyen de le contourner serait de pouvoir faire porter les qubits d'informations par des objets quantiques les plus petits possibles et à très basses températures. L'équipe de David DeMille explore le moyen de le faire avec des molécules ultrafroides, et vient de publier dans Nature un article dans lequel elle annonce avoir réussi à refroidir pour la première fois des molécules par laser.

    Une technique empruntée à celles des atomes ultrafroids

    En soi, ce n'est pas complètement nouveau, car on sait produire des molécules de ce type depuis quelques années. On les obtenait en créant d'abord des atomesatomes ultrafroids, puis, en exploitant ce qu'on appelle la résonance de Feshbach, il devenait possible de créer par photoassociation, à partir de ces atomes, des molécules ultrafroides dites molécules de Feshbach.

    Dans le cas présent, c'est à partir de molécules de fluorure de strontiumstrontium déjà formées que les physiciensphysiciens sont parvenus à obtenir des molécules ultrafroides. Comme pour le cas des atomes ultrafroids, ce sont les techniques de refroidissement Doppler et de refroidissement Sisyphe  par laser qui ont été utilisées. Ces mêmes techniques proviennent des travaux du pionnier du prix Nobel de physique Claude Cohen-Tannoudji. Trois lasers ont ainsi permis de refroidir à quelques milli kelvinskelvins seulement la température d'agitation transverse d'un faisceau de molécules de SrF.

    En plus d'ouvrir une voie pour l'information quantique, les chercheurs pensent pouvoir par ce moyen refroidir suffisamment d'autres molécules pour faire des tests fins de certaines symétries fondamentales des lois de la physique.