Que se passe-t-il lorsque de la lumière est réfléchie par une surface métallique ? Curieusement, on ne sait pas tout expliquer. Un groupe de physiciens vient d'apporter un éclairage nouveau en observant enfin des excitons. Ces quasiparticules neutres sont importantes en optoélectronique et interviennent aussi dans la photosynthèse. Observés jusque-là seulement dans les semi-conducteurs et les isolants, ils viennent d'être débusqués à la surface d'un cristal d'argent.

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    Dès la fin du XIXe siècle, il existait déjà une théorie de l'interaction des ondes électromagnétiques avec les milieux matériels. Complétée par la théorie des électrons de Lorentz, elle permettait de rendre compte de la réfraction et de la réflexion des ondes lumineuses par la matière, par exemple avec du verre et la couche métallique d'un miroir. Les limites de cette théorie ont commencé à se faire jour lorsqu'on a tenté de comprendre le spectrespectre du rayonnement du corps noir ainsi que l'effet photoélectriquephotoélectrique découvert par HertzHertz. Ironiquement, alors que le chercheur allemand avait démontré l'existence des ondes électromagnétiques prédites par Maxwell, lesquelles semblaient démontrer de façon définitive le caractère continu de la lumièrelumière, il avait par cette seconde découverte planté les germesgermes de la théorie des quanta de la lumière d'EinsteinEinstein.

    Le premier quart du XXe siècle allait finalement démontrer que l'on ne pouvait pas comprendre en profondeur les interactions de la matière avec la lumière sans découvrir et utiliser les lois de la mécanique quantique. Aussi étrange que cela puisse paraître, alors que nous en sommes à utiliser les laserslasers et l'intrication quantiqueintrication quantique, il reste encore quelques zones d'ombre dans la description quantique de la réflexion de la lumière par une surface métallique. Un groupe de chercheurs vient de réduire la taille de ces zones inexplorées et mal comprises en mettant en évidence pour la première fois l'existence d'excitonsexcitons dans un cristal métallique, en l'occurrence d'argentargent. L'article faisant état de leur découverte a été publié dans Nature Physics, et est en accès libre sur arxiv.

    Un exemple bien connu de la formation d'un exciton dans un semi-conducteur. Les électrons y occupent en temps normal les niveaux d'énergie les plus bas, ceux de la bande de valence. Mais sous l'action d'un quantum de lumière, un photon, un électron peut sauter de la bande de valence à la bande de conduction. Il laisse un trou (<em>hole</em> en anglais) dans la mer de charges négatives de la bande de valence qui se comporte comme une particule chargée positivement. L'électron de conduction et le trou de valence peuvent former un système électrostatiquement lié, comme un électron et le noyau d'un atome. La quasiparticule quantique ainsi créée est un exciton. © <em>Los Alamos National Security</em>, 2014

    Un exemple bien connu de la formation d'un exciton dans un semi-conducteur. Les électrons y occupent en temps normal les niveaux d'énergie les plus bas, ceux de la bande de valence. Mais sous l'action d'un quantum de lumière, un photon, un électron peut sauter de la bande de valence à la bande de conduction. Il laisse un trou (hole en anglais) dans la mer de charges négatives de la bande de valence qui se comporte comme une particule chargée positivement. L'électron de conduction et le trou de valence peuvent former un système électrostatiquement lié, comme un électron et le noyau d'un atome. La quasiparticule quantique ainsi créée est un exciton. © Los Alamos National Security, 2014

    Des excitons qui vivent vieux : dix femtosecondes...

    Les excitons sont des quasiparticules qui apparaissent dans la description quantique de la matière condensée comme les semi-conducteurssemi-conducteurs et les isolants. Les plus connus sont les excitons de Mott-Wannier et ceux de Frenkel. Ils sont également associés à des atomesatomes et des moléculesmolécules. Il s'agit d'états liés entre des électrons et les trous de charge opposée qu'ils laissent dans les niveaux d'énergieénergie d'un système quantique excité. Les excitons intéressent les physiciensphysiciens car ils permettent le transport de l'énergie à l'intérieur d'un large éventail de dispositifs optoélectroniquesoptoélectroniques nanostructurés tels que des cellules solaires, les diodes électroluminescentesdiodes électroluminescentes et les transistors excitoniques. De plus, ils jouent aussi un rôle dans la photosynthèse, un mécanisme que l'on aimerait bien reproduire artificiellement pour utiliser l'énergie solaire plus efficacement.

    Des excitons devaient aussi pouvoir se former dans les métauxmétaux lorsqu'ils réfléchissent la lumière. D'après la théorie, il ne pouvait y exister que pendant environ 100 attosecondesattosecondes (soit 10-16 s), un temps bien trop court pour être observés. Mais comme l'ont montré les chercheurs, dans le cas des excitons présents juste à la surface d'un métal, ce temps de vie est bien plus long. En utilisant un laser femtoseconde et une nouvelle technique de spectroscopie, les physiciens ont pu établir la présence à la surface d'un cristal d'argent d'excitons durant 100 fois plus longtemps que ceux pouvant se former à l'intérieur du métal.

    Peut-être pourra-t-on utiliser les connaissances que l'on déduira de l'étude des excitons dans les métaux pour mieux comprendre et tirer parti de ceux que l'on sait au sujet des semi-conducteurs et des molécules. Qui sait à quelles percées dans le domaine des nanotechnologiesnanotechnologies ces travaux pourraient bien nous conduire ?