Nous saurons probablement cette année si le LHC a trouvé un nouveau boson mais les chercheurs continuent aussi à chercher des perles cachées dans les données collectées dans son prédécesseur, le Tevatron. Ils annoncent la découverte d’un nouveau hadron exotique, un tétraquark, dont le taux de production est anormalement haut de plusieurs ordres de grandeur.

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    Le Tevatron, le plus puissant collisionneur de particules avant la mise en service du LHC, a dû lui laisser la place dans la chasse au boson de Brout-Englert-Higgs. Il s'est en effet arrêté de fonctionner en septembre 2011. Mais paradoxalement, il est encore capable de faire des découvertes car les chercheurs sont toujours occupés à dépouiller les données qu'il a collectées tout en raffinant leurs méthodes d'analyse. On peut s'en convaincre avec une récente publication sur arXivarXiv des membres de la collaboration DØ, l'une des deux expériences qui étaient dédiées à la collecte des informations concernant les particules créées dans des collisions de faisceaux de protons et d'antiprotons.

    Cette expérience a été menée de 2002 à 2011 et il apparaît maintenant qu'elle a permis de faire la découverte d'un nouvel hadron exotiqueexotique. On entend par là une nouvelle particule qui, bien que décrite par les équationséquations de la chromodynamique quantiquechromodynamique quantique, la QCD, ne rentre pas facilement dans le modèle des quarksquarks initialement développé au cours des années 1960 par Murray Gell-Mann et George Zweig. Dans son cadre, il semblait naturel de ne considérer que des particules formées de paires ou de triplets de quarks. 

    On avait fini par considérer cependant qu'il pouvait exister des hadrons formés de quatre et même cinq quarks, en d'autres termes, des tétraquarkstétraquarks et des pentaquarks. Ces objets sont restés longtemps des serpents de mer de la physiquephysique des particules mais on s'accorde généralement pour dire que depuis le début du XXIe siècle, plusieurs exemples de ces particules furent découverts, en particulier sous forme de ce que l'on appelle des mésons XYZ.

    À gauche, les hadrons ordinaires avec les baryons formés de trois quarks et les mésons formés d'un quark et d'un antiquark. À droite, deux des hypothèses en lice pour expliquer le cas du hadron Z<sub>c</sub>(3900), une molécule de mésons ou un vrai tétraquark. On peut se poser la même question avec X(5568). © <em>Nature</em>

    À gauche, les hadrons ordinaires avec les baryons formés de trois quarks et les mésons formés d'un quark et d'un antiquark. À droite, deux des hypothèses en lice pour expliquer le cas du hadron Zc(3900), une molécule de mésons ou un vrai tétraquark. On peut se poser la même question avec X(5568). © Nature

    X(5568), une molécule de mésons ?

    Le nouveau venu a reçu comme nom X(5568), ce qui indique que sa massemasse, en unité d'énergieénergie, est de 5568 MeV. Tout indique qu'il est composé de quarks uquarks u et b, ainsi que d'antiquarks d et s et donc qu'il s'agit d'un tétraquark. C'est le premier découvert du genre avec quatre types de quarks (on parle de saveur et il y en a 6) différents. Mais comme dans le cas de ses cousins, on a quelques incertitudes concernant sa structure. Plutôt que sous forme de quatre quarks formant une seule particule, il se pourrait bien que l'on soit en présence de deux mésonsmésons, contenant donc des paires de quark et d'antiquark, formant l'équivalent d'une moléculemolécule dans le monde des hadrons.

    Toutefois, alors que dans le cas de certains tétraquarks et pentaquarks précédents qui contenaient une paire de quark et d'antiquark dit charmés pouvant constituer une sorte de cœur central analogue au positronium, donc ici ce que l'on appellerait un charmonium, il ne peut en être de même cette fois car tous les quarks sont différents. Cela laisse penser, selon les théoriciens, que la présence d'un tel cœur ne peut donc pas en fait être invoquée pour expliquer l'existence de ces hadrons exotiques.

    Il faut bien reconnaître que l'on a du mal à prédire vraiment ce qui se passe à l'intérieur de tels hadrons car les calculs en QCD sont notoirement compliqués lorsque l'on se retrouve par exemple dans le régime non-linéaire, encore appelé non-perturbatif. C'est ce qui explique par exemple que des superordinateurssuperordinateurs sont nécessaires pour calculer ne serait-ce que la masse des protons et des neutrons qui sont pourtant bien mieux compris.

    Il reste donc encore beaucoup de choses à comprendre, au moins dans le cadre de la physique du modèle standardmodèle standard. Mais les chercheurs sont tout de même étonnés par l'écart entre la prévision par le calcul des taux de production des hadrons X(5568) et leurs mesures. L'écart est même de plusieurs ordres de grandeurordres de grandeur. Se pourrait-il qu'il s'agisse de la manifestation d'une nouvelle physique ? Difficile à dire d'autant plus que les membres de la collaboration LHCb qui sont partis également à la chasse à X(5568) sont revenus bredouilles et mettent en doute son existence.