Le transfert d’informations quantiques dans un réseau, par exemple pour la cryptographie ou le calcul quantique, nécessite une mémoire pour stocker des qubits. Mais ceux-ci, fragiles, se détruisent rapidement. Pour la première fois, une équipe de chercheurs américains s’est approchée significativement de la durée nécessaire pour qu’un futur réseau voit le jour.

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    Ran Zhao et Yaroslav Dudin en plein travail. Crédit : Georgia Tech-Gary Meek

    Ran Zhao et Yaroslav Dudin en plein travail. Crédit : Georgia Tech-Gary Meek

    Les technologies de l'information quantique sont à l'étude partout dans le monde. Encore embryonnaires, elles renferment la promesse d'une nouvelle révolution technologique. On peut notamment imaginer la réalisation d'un réseau d'ordinateurs quantiques dont la puissance totale de calcul dépasserait de loin tout ce que l'on connaît actuellement.

    Mais avant d'en arriver là, de redoutables problèmes doivent être résolus. L'un des plus importants est lié au fait que l'information n'est plus stockée sous forme de bits, mais de qubits. Le système ne mémorise ni ne traite plus des états binairesbinaires, « 0 » ou « 1 », mais, en raison des propriétés extraordinaires de la mécanique quantique, une superposition de ces deux états. Voilà ce que sont les qubits. Or, cette superposition est très fragile, surtout lorsque l'on veut traiter un grand nombre d'états. L'enjeu est donc de la maintenir le plus longtemps possible.

    Dans le cas d'un réseau transférant de l'information quantique sous forme d'états superposés, le plus commode est d'utiliser des photons. Malheureusement, même avec des fibres optiquesfibres optiques, le signal est rapidement dégradé. Pour surmonter cette difficulté, il faudrait développer des mémoires quantiques restant stables pendant plusieurs millisecondes et que l'on disposerait tous les cent à mille kilomètres environ.

    Sept millisecondes, une durée de vie exceptionnelle pour un qubit

    Des mémoires quantiques existent déjà mais, jusque-là, le record de temps de stockage était de 32 microsecondes. Il vient d'être porté à 7 millisecondes par un groupe de chercheurs membre du Kuzmich research labs au célèbre Georgia Institute of Technology.

    Cliquez pour agrandir. Yaroslav Dudin, Stewart Jenkins, Ran Zhao, Alex Kuzmich and Corey Campbell. Crédit : Georgia Tech-Gary Meek

    Cliquez pour agrandir. Yaroslav Dudin, Stewart Jenkins, Ran Zhao, Alex Kuzmich and Corey Campbell. Crédit : Georgia Tech-Gary Meek

    La mémoire quantique utilisée par les chercheurs est un ensemble d’atomes de rubidium ultra-froids piégés dans une mélasse optique par une série de faisceaux laser formant un réseau optique semblable aux réseaux cristallins. L'illumination de ces atomesatomes avec le faisceau laser portant les qubits impose certaines positions aux atomes. Leur disposition relative contient alors l'information initiale des qubits. Mais, bien que très froids, les atomes continuent de bouger. L'information stockée dans leurs positions est donc rapidement détruite.

    Toutefois, si l'on s'y prend bien, les faisceaux laser à l'origine du réseau optique peuvent être réglés de sorte de faire baisser le bruit thermique associé aux mouvementsmouvements résiduels des atomes, permettant ainsi de gagner en temps de stockage. C'est la première étape, la plus importante, qu'ont franchie l'équipe de chercheurs. La seconde a consisté à s'affranchir le plus possible d'une autre source de bruit et d'instabilité, les champs magnétiqueschamps magnétiques environnants. Pour cela, l'information quantique a été stockée dans des états d'énergieénergie des atomes qui sont peu sensibles aux variations de ces champs.

    Même s'ils sont parvenus à gagner plus de deux ordres de grandeurordres de grandeur en passant de 32 microsecondes à 7 millisecondes, les chercheurs, dont Alex Kuzmich, restent prudents. Il faudra encore une dizaine d'années avant qu'un véritable réseau de communication quantique mondial voit le jour.