Imaginer une nouvelle génération de puces électroniques, améliorer le rendement des piles à combustible ou concevoir des dissipateurs de chaleur beaucoup plus efficaces : les créateurs des faisceaux densifiés de nanotubes sont enthousiastes sur les applications potentielles de leur bébé, attendu depuis longtemps par les théoriciens.

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    Pour réaliser de jolis faisceaux bien denses, prenez garde à leur longueur initiale. A gauche de la surface (et en haut sur l’image), les nanotubes étaient trop petits : la densification n’a produit que des moignons sans intérêt.

    Pour réaliser de jolis faisceaux bien denses, prenez garde à leur longueur initiale. A gauche de la surface (et en haut sur l’image), les nanotubes étaient trop petits : la densification n’a produit que des moignons sans intérêt.

    « Il est meilleur conducteur que le cuivre et pourrait le remplacer sur une puce électronique, permettant de réaliser des circuits en trois dimensions ! » expliquent en substance les scientifique de l'Institut Rensselaer pour décrire l'une des applications d'un matériau presque nouveau : le faisceau compressé de nanotubes de carbone. Entre cette structure très dense et des nanotubes classiques que l'on fabrique aujourd'hui, il y aurait autant de différences qu'entre un brin de ficelle et une corde de marine.

    A gauche, des nanotubes de carbone qui ont poussé naturellement. A droite, les mêmes nanotubes après une étape de densification : le diamètre s’est réduit de 25 fois. Crédit : Rensselaer/Liu

    A gauche, des nanotubes de carbone qui ont poussé naturellement. A droite, les mêmes nanotubes après une étape de densification : le diamètre s’est réduit de 25 fois. Crédit : Rensselaer/Liu

    L'avantage d'une densification d'un faisceau de nanotubes de carbone est connu des théoriciens depuis longtemps. On sait notamment qu'il conduirait mieux l'électricité. Ses propriétés mécaniques seraient bien sûr considérablement améliorées mais aussi la conductivité thermique.

    Seulement voilà : personne ne savait tresser aussi fermement ces minuscules nanotubes, de 1 à 10 nanomètresnanomètres de diamètre pour quelques micromètresmicromètres de longueur. James Jiam-Qiang Lu et Zhengchun Liu, de l'Institut Polytechnique Rensselaer (Troy, Etat de New York), eux, ont réussi. Leur découverte vient d'être rendue publique à la conférence IITC (International Interconnect Technology Conference), organisée par l'IEEEIEEE (Institute of Electrical and Electronics Engineers), un institut international très actif notamment en matièrematière de normalisation.

    Pour y parvenir, les chercheurs ont fait pousser des nanotubes de carbone dans un bain de solvantsolvant organique (de l'alcoolalcool d'isopropyle). Tandis que ce dernier s'évapore doucement, les nanotubes se collent les uns aux autres, formant des petites touffes régulièrement disposées sur la surface et qui deviennent très compactes. Ce phénomène de coalescencecoalescence serait une forme de capillaritécapillarité et l'adhésion des tubes entre eux, qui persiste après l'évaporation complète du solvant, est due aux forces de van der Waalsforces de van der Waals, qui apparaissent entre atomesatomes voisins.

    Détail de l’extrémité d’un faisceau de nanotubes avant (à gauche) et après densification (à droite).<br />Crédit : Rensselaer/Liu

    Détail de l’extrémité d’un faisceau de nanotubes avant (à gauche) et après densification (à droite).
    Crédit : Rensselaer/Liu

    Meilleurs en tout, mais pas encore assez...

    Le résultat dépend beaucoup des paramètres de départ et surtout des dimensions des nanotubes (diamètre et longueur) au moment de l'évaporation. Trop courts, ils refusent de se coller entre eux. Trop longs, ils se réunissent ensemble mais les fagots s'affaissent. Au mieux, les deux chercheurs sont parvenus à réaliser des faisceaux 25 fois plus denses que la forêt de nanotubes initiale, pour une longueur de 100 micromètres.

    Mais Jiam-Qiang Lu et Liu ne sont pas satisfaits. Il faudrait parvenir à des densités bien supérieures pour aboutir à des performances intéressantes puis trouver un processus de fabrication industriellement viable. L'échéance leur semble encore lointaine - plusieurs années au moins - mais la piste suivie serait la bonne.

    Quant aux applications, les scientifiques les voient grandioses. Selon eux, les propriétés de conductivité de ces faisceaux de nanotubes permettront la réalisation de puces électroniques en trois dimensions (alors qu'elles ne sont aujourd'hui gravées que sur une surface), une structure difficile à obtenir avec des conducteurs en cuivre. Ce matériau pourrait aussi servir à fabriquer des électrodesélectrodes pour piles à combustiblepiles à combustible (dispositif de production d'électricité à partir d'hydrogènehydrogène et d'oxygèneoxygène) bien plus efficaces.

    Ainsi réunis, les nanotubes de carbone conduisent excellemment la chaleurchaleur, ce qui autorise à imaginer des systèmes de refroidissement, par exemple pour des circuits électroniques. Et sachant que l'évacuation de chaleur constitue un problème douloureux pour un circuit construit en trois dimensions, ces nanotubes densifiés se montrent d'autant plus intéressants... Les chercheurs évoquent aussi les propriétés mécaniques, avec une résistancerésistance améliorée qui ouvre encore d'autres perspectives d'applications. Beaucoup d'espoir, donc, mais aussi beaucoup de travail avant de le concrétiser...