Comme prévu, le séminaire du Cern présentant hier les derniers résultats de la chasse au boson de Higgs au LHC n'a pas annoncé sa découverte... ni son inexistence. Les observations d’Atlas et de CMS sont toutefois troublantes, rendant probable la découverte de la particule mythique avant la fin de l’année 2012. Mais la prudence doit rester de mise. Futura-Sciences a suivi pour vous en direct cette conférence. En voici le décryptage.

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    Il y a quelques années, les prix Nobel de physique faisaient part de leurs attentes concernant les découvertes possibles du LHC dans le domaine des particules élémentaires. Pour le moment, aucun de ces espoirs n'a été réalisé. Pourtant, il semble bien que le tant attendu boson de Higgs pointe le bout de son neznez dans les deux détecteurs géants du Cern, à savoir Atlas et CMSCMS. La particule mythique, qui serait une clé pour comprendre plus en profondeur les lois fondamentales de l'univers, en particulier l'origine des masses des particules comme on l'expliquait dans un précédent article sur le boson de Higgs, commencerait en effet à trahir sa présence sous forme de photonsphotons gamma. 

    La quête du Higgs a une importance toute particulière en physiquephysique des hautes énergiesénergies et on peut saisir cette importance en la replaçant dans le cadre des recherches menées au LHCLHC que nous explique Jean-Pierre LuminetJean-Pierre Luminet dans la vidéo ci-dessous.


    Le plus grand projet scientifique jamais entrepris permettra-t-il de découvrir une particule imaginée par les scientifiques ? Cet accélérateur de particules révélera-t-il aux chercheurs le fameux boson de Higgs ? Pourra-t-il résoudre les deux grandes énigmes de l'astrophysique : la matière noire et l'énergie sombre ? Pour en savoir plus, allez sur www.dubigbangauvivant.com. © Groupe ECP-Youtube

    Il ne s'agit encore que d'un petit nombre d'événements pouvant effectivement s'interpréter comme le résultat de la désintégration du boson de Higgs. Il est donc trop tôt pour parler d'une découverte. Mais tout de même...

    Les résultats d'Atlas

    Deux signatures (traits jaunes) obtenues dans le détecteur Atlas sous forme de deux photons partant simultanément dans des sens opposés. L'événement correspondrait bien à la désintégration d'un boson de Higgs dont la masse est d'environ 125 GeV. © Cern

    Deux signatures (traits jaunes) obtenues dans le détecteur Atlas sous forme de deux photons partant simultanément dans des sens opposés. L'événement correspondrait bien à la désintégration d'un boson de Higgs dont la masse est d'environ 125 GeV. © Cern

    Les membres de la collaboration Atlas n'ont pas encore analysé toutes les données enregistrées par leur détecteur. Mais il est troublant de constater que des signes de la présence du boson de Higgs sont obtenus dans trois canaux de désintégration différents :

    • le canal à deux photons gamma ;
    • le canal à deux bosons Z ;
    • le canal à deux bosons W (rappelons que ces bosons, W et Z, se désintègrent ensuite en 4 leptonsleptons, dont certains sont des neutrinosneutrinos).

    La masse trouvée est de l'ordre de 126 GeVGeV.

    La statistique obtenue est cependant encore insuffisante pour clamer une découverte car, au mieux, le signal est de à 3,6 sigma. Rappelons qu'il faudrait 5 sigma pour être certain de ne pas être en présence d'une simple fluctuation statistique, qui correspondrait à un hasard, comme lorsqu'un nuagenuage ressemble à une forme bien connue.

    Ce qui est certain, c'est que les mesures d'Atlas restreignent encore plus la bande de masse dans laquelle le boson de Higgs standard (il existe des théories avec des  bosons de Higgs non standards) peut exister.

    En terme technique, une masse en dehors de l'intervalle 115,5-131 GeV est exclue à 95 %. On peut donc dire que selon Atlas, la masse du Higgs se trouve probablement entre 116 GeV et 130 GeV.

    En tout état de cause, cela semble exclure le signal observé juste avant la fermeture du LEP et qui pouvait être interprété comme la présence du boson de Higgs. Ceux qui ont pris à l'époque la décision de ne pas continuer les recherches avec le LEPLEP pour laisser la place au chantier du LHC peuvent probablement maintenant écarter plus facilement les critiques.

    Les résultats du CMS

    Dans le détecteur CMS, deux signatures (traits rouges) sous forme de deux photons partant simultanément dans des sens opposés correspondrait à la désintégration d'un boson de Higgs dont la masse est d'environ 124 GeV. © Cern

    Dans le détecteur CMS, deux signatures (traits rouges) sous forme de deux photons partant simultanément dans des sens opposés correspondrait à la désintégration d'un boson de Higgs dont la masse est d'environ 124 GeV. © Cern

    Les observations réalisées avec le CMS sont exprimées avec un sigma inférieur à celui d'Atlas. Mais les membres de la collaboration CMS ont, eux, pu analyser l'ensemble des données qu'ils ont enregistrées. Si des raffinements dans les analyses sont encore possibles, il est déjà remarquable qu'un faible signal du boson de Higgs est détecté dans les mêmes canaux qu'Atlas mais aussi dans d'autres.

    La masse du Higgs estimée est un peu plus légère, environ 124 GeV, et la bande de masse encore permise par les observations pour le boson de Higgs est ici de 115 à 127 GeV.

    Répétons-le encore une fois : il n'y a toujours pas assez de statistique pour clamer avoir démontré ou exclu l'existence du boson de Higgs standard.


    Cette vidéo montre une vraie collision de protons avec la production d'un candidat au titre de boson de Higgs se désintégrant en deux photons (lignes orange en pointillés et opposées) dans le détecteur CMS. © Loic Quertenmont/YouTube

    C'est d'autant plus vrai que l'on n'a pas encore fait la combinaison des mesures des deux appareils. Mais voir des signes de l'existence d'un boson de Higgs dans deux détecteurs de conceptions différentes, avec presque la même masse et dans plusieurs canaux différents, semble écarter la coïncidence. C'est un peu comme si plusieurs télescopestélescopes, en infrarougeinfrarouge, en ultravioletultraviolet et dans le visible, voyaient tous une tache, plutôt floue, mais de la même taille et au même endroit du ciel. 

    Quelles conclusions pour le boson de Higgs ?

    En résumé : 

    • des signes de l'existence du boson de Higgs, presque identiques,  sont vus dans deux détecteurs différents mais on ne peut exclure qu'il s'agisse de simples fluctuations statistiques à la manière d'un nuage prenant temporairement une forme connue; 
    • la masse du boson de Higgs serait de 125 GeV environ ;
    • la masse du boson de Higgs standard ne doit pas se trouver en dehors de l'intervalle 115,5 GeV à 127 GeV ;
    • le LEP n'avait probablement pas observé le Higgs.

    On peut spéculer sur les interprétations de ces nouvelles données dans le cadre d'une physique au-delà du modèle standard. Nous aurons l'occasion d'y revenir prochainement...

    En tout état de cause, la collecte de données va se poursuivre et on devrait déjà en savoir plus en mars 2012. Sans pouvoir l'affirmer avec certitude, il semble de plus en plus probable que nous aurons une réponse définitive quant à l'existence ou non du boson de Higgs standard avant la fin de l'année 2012.