Jusque-là, la résolution d'un microscope optique semblait irrémédiablement limitée à 200 nanomètres. En utilisant des capteurs CCD, le prix Nobel Steven Chu vient pourtant d’obtenir des images de molécules avec une résolution de l’ordre 0,5 nanomètre.

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    Des images de molécules de cyanine utilisées pour marquer 20 paires de bases d'ADN double brin. La méthode mise en œuvre pour obtenir ces images est celle de Steven Chu et ses collègues. Crédit Nature

    Des images de molécules de cyanine utilisées pour marquer 20 paires de bases d'ADN double brin. La méthode mise en œuvre pour obtenir ces images est celle de Steven Chu et ses collègues. Crédit Nature

    Steven Chu a reçu son prix Nobel de physique en 1997, récompensant ses travaux sur le refroidissement des atomes avec des lasers. Depuis janvier 2009, il occupe le poste de Secrétaire à l'Energie des Etats-Unis, mais ce travail ne l'empêche visiblement pas d'être scientifiquement actif. Début 2010, il avait déjà cosigné un article paru dans Nature portant sur une nouvelle vérification du retard des horloges dans un champ de gravitation prédit par la théorie de la relativité générale. Il récidiverécidive aujourd'hui en publiant dans Nature un article dans lequel il montre, avec des collègues, qu'il est possible de photographier des moléculesmolécules avec un microscope optiquemicroscope optique.

    En théorie, cette prouesse est impossible en raison des propriétés même de la lumièrelumière. Une telle performance n'est accessible qu'à un microscope électroniquemicroscope électronique ou à force atomique. On sait en effet depuis le XIXe siècle que la nature ondulatoire de la lumière impose des limites à la résolutionrésolution des instruments d'observation, que ce soit les télescopestélescopes ou les microscopes. Le phénomène de diffractiondiffraction intervient et brouille les images que l'on peut obtenir.

    Une limite imposée par la physique

    Ainsi, même un objet quasi ponctuel, observé au microscope, donnera une image en forme de séries d'anneaux concentriques. Le diamètre de la tache centrale sera d'autant plus grand que la longueur d'ondelongueur d'onde de la lumière utilisée est grande. Deux objets aussi petits, qui donneront deux taches (les disques ou taches de Airy), peuvent se recouvrir de telle sorte que l'on n'observe plus qu'une seule tache, rendant impossible la distinction de ces deux objets. C'est la limite de résolution.

    Il existe un critère précis, que l'on doit à lord Rayleigh, donnant la résolution d'un télescope, ou d'un microscope, en fonction de la taille de son ouverture et de la longueur d'onde du rayonnement utilisé. Pour un microscope dans le visible, la résolution maximale est de l'ordre de 200 nanomètresnanomètres.

    Depuis la découverte de la nature ondulatoire de la matièrematière, on pouvait cependant observer des détails d'objets plus petits que 200 nanomètres à l'aide de faisceaux d'électronsélectrons. Toutefois, les microscopes électroniques sont coûteux et encombrants. En outre, ils imposent généralement d'observer les échantillons sous vide.

    Le pouvoir de résolution d'un instrument optique est sa capacité à séparer les images de deux points les plus proches possible l'un de l'autre dans l'objet étudié avec de la lumière de longueur d'onde <em>lambda</em>. Ainsi, si l'on connaît la &quot;largeur&quot; de l'image d'un point observé par exemple au microscope, la résolution ou pouvoir séparateur correspond à cette largeur. Le critère de Rayleigh exprime ces conditions en tenant compte du phénomène limitant – la diffraction – liée à l'ouverture angulaire maximale du faisceau lumineux éclairant l'objet. A gauche, la figure de diffraction, ou tache de Airy, d'un diaphragme circulaire obtenue sur banc optique et profil d'intensité calculée. A droite, les disques de Airy de deux objets ponctuels ont été rapprochés à la limite de résolution : le maximum de chaque disque correspond à la position du premier minimum de l’autre disque. Crédits : Thierry Epicier-M. Françon, <em>Progress in Microscopy, Pergamon Press, </em>Oxford

    Le pouvoir de résolution d'un instrument optique est sa capacité à séparer les images de deux points les plus proches possible l'un de l'autre dans l'objet étudié avec de la lumière de longueur d'onde lambda. Ainsi, si l'on connaît la "largeur" de l'image d'un point observé par exemple au microscope, la résolution ou pouvoir séparateur correspond à cette largeur. Le critère de Rayleigh exprime ces conditions en tenant compte du phénomène limitant – la diffraction – liée à l'ouverture angulaire maximale du faisceau lumineux éclairant l'objet. A gauche, la figure de diffraction, ou tache de Airy, d'un diaphragme circulaire obtenue sur banc optique et profil d'intensité calculée. A droite, les disques de Airy de deux objets ponctuels ont été rapprochés à la limite de résolution : le maximum de chaque disque correspond à la position du premier minimum de l’autre disque. Crédits : Thierry Epicier-M. Françon, Progress in Microscopy, Pergamon Press, Oxford

    L'emploi des capteurscapteurs CCD avait permis d'améliorer encore la résolution d'un microscope électronique. Ainsi, des molécules biologiques marquées avec un pigmentpigment fluorescent pouvaient parfois permettre d'observer des détails de l'ordre de 5 nanomètres. Mais on restait quand même limité à une résolution de l'ordre de 20 nanomètres lorsque l'on voulait observer une molécule unique, ou mesurer des distance entre des paires de molécules. Regarder de plus près l'intérieur d'une molécule d'ADNADN, dont la taille est de l'ordre de 2,5 nanomètres, restait donc impossible.

    Une technique prometteuse pour la biologie

    Chu et ses collègues ont contourné le problème en restant dans le domaine optique et en utilisant là aussi la technique de marquage des molécules par des pigments fluorescents. Commentant les résultats exposés dans Nature, Chu affirme que « la possibilité d'obtenir une résolution sub-nanométrique dans des environnements aqueuxaqueux biologiques a le potentiel de révolutionner la biologie, en particulier la biologie structurale » et il ajoute : « l'une des motivations pour ce travail, par exemple, était de mesurer les distances entre les protéinesprotéines qui forment des structures compliquées, à domaines multiples, telles que les complexes protéiques constituant l'ARN polyméraseARN polymérase II chez l'homme, qui initie la transcriptiontranscription de l'ADN ».

    Pour obtenir cette résolution, les chercheurs utilisent un système adaptatif de contre-réaction qui optimise la formation d'une image sur le capteur CCDCCD, malgré la non-uniformité de la capacité de détection des grains de lumière par les pixelspixels de la plaque du capteur.

    Les chercheurs sont en train d'utiliser la nouvelle technique pour déterminer la structure des molécules d'E-cadhérinecadhérine (épithéliale) qui sont responsables de l'adhésion des cellules entre elles dans les tissus biologiques. Ils sont en train aussi de s'en servir pour explorer l'organisation moléculaire 3D dans les cellules cérébrales. « L'idée est de déterminer la structure et la dynamique du processus de fusionfusion des vésicules qui libère les molécules de neurotransmetteurneurotransmetteur utilisées par les neuronesneurones pour communiquer entre eux » précise Alexandros Pertsinidis, l'un des co-auteurs avec Chu de l'article de Nature.

    Plus généralement selon les chercheurs, cette technique de « super-résolution » devrait également se révéler précieuse pour concevoir et réaliser de nouveaux systèmes d'imagerie en physique atomique et pour l'astronomie. Il devrait aussi permettre de construire de nouveaux outils de lithographielithographie optique ou pour la nanométrologie.