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    Les images conjuguées obtenues par la technique de mélange à 4 ondes et les pixels conjugués indiqués par les carrés. Notez la modifaction des couleurs induite par le dispositif d'intrication. Crédit : Vincent Boyer/JQI

    Les images conjuguées obtenues par la technique de mélange à 4 ondes et les pixels conjugués indiqués par les carrés. Notez la modifaction des couleurs induite par le dispositif d'intrication. Crédit : Vincent Boyer/JQI

    On savait déjà réaliser une intrication quantique de particules, grâce à l'effet EPR, et domestiquer les fluctuations quantiques avec la lumière comprimée. Des physiciensphysiciens viennent de combiner les deux pour produire des paires d'images intriquées. Des perspectives s'ouvrent en traitement de l'image et pour les ordinateurs quantiques.

    L'effet EPR est une conséquence célèbre du caractère non local de la mécanique quantique mis en évidence théoriquement en 1935 par Albert EinsteinEinstein et ses collaborateurs, Boris Podolski et Nathan Rosen.

    En 1982, grâce à Alain AspectAlain Aspect, la réalité du phénomène fut démontrée de façon indiscutable. De nos jours, le terme effet EPR fait en général référence aux particules intriquées et au fait que, selon toute vraisemblance, il y a bien un comportement foncièrement aléatoire au cœur des phénomènes quantiques (même si les équations précises et largement déterministes de la mécanique quantique viennent brider ces fantaisies).

    Ainsi, pour deux particules intriquées, la mesure de la position de l'une affectera instantanément la quantité de mouvementquantité de mouvement de l'autre, même si elles sont séparées par une année-lumièreannée-lumière.

    On ne peut hélas pas se servir de cette propriété pour téléphoner entre deux systèmes planétaires. En effet, à cause du caractère aléatoire des résultats des mesures, limités par les fameuses inégalités de Heisenberginégalités de Heisenberg, et même si des corrélations entres les mesures sont bien présentes, on ne peut pas pour autant transmettre un signal plus vite que la lumière. Il est toutefois possible d'utiliser cet effet pour transmettre de façon sûre des clés de cryptage.

    Ces mêmes inégalités, et le flou quantique probabiliste qu'elles expriment, font qu'une onde lumineuse ne possède pas une valeur bien fixée pour son intensité et sa phase simultanément. Si l'on veut obtenir un nombre précis de photonsphotons, la phase de l'onde sera très fluctuante. Inversement, si l'on veut une phase stable, c'est le nombre de photons qui ne le sera pas. Malgré tout, il est possible de limiter au maximum le bruit quantique avec ce que l'on appelle de la lumière comprimée (squeezed light en anglais).

    Des particules aux images

    Ces deux effets, EPR et lumière comprimée, sont aujourd'hui mis en œuvre par des physiciens du Joint Quantum Institute (JQI) à l'université du Maryland. A partir d'images uniques, ces chercheurs sont parvenus à produire des paires de copies intriquées, en travaillant pixelpixel par pixel. Deux pixels d'une même image ne sont pas quantiquement intriqués mais chacun, en revanche, est intriqué avec le pixel correspondant de l'autre image. Ainsi, la mesure de l'un d'entre eux influence instantanément l'état de l'autre sur l'image associée.

    L'état de chaque pixel fluctue dans le temps de façon aléatoire selon les règles de la mécanique quantique mais les fluctuations d'un pixel et de son cloneclone intriqué ne sont pas indépendantes. En connaissant l'état d'une des images on obtient donc des informations sur l'état de l'autre. Il est alors possible de réaliser des états comprimés et ainsi de réduire le bruit associé à des images.

    En pratique, on devrait donc pouvoir exploiter de l'information qui était jusqu'à présent inaccessible dans des images, en particulier pour des objets peu brillants.

    Les chercheurs pensent aussi pouvoir se servir de leur technique pour améliorer la connaissance de la position des faisceaux laserlaser dans des expériences demandant une grande précision. Enfin, les images étant un moyen de communication excellent, cette découverte devrait trouver des applicationsapplications pour le transfert d'informations cryptées et pour le stockage d'images dans de futurs ordinateurs quantiques.

    Une technique d'optique non linéaire

    La technique de mélange à 4 ondes employée pour l'intrication des images. Voir les explications ci-dessous. Crédit : Vincent Boyer/JQI

    La technique de mélange à 4 ondes employée pour l'intrication des images. Voir les explications ci-dessous. Crédit : Vincent Boyer/JQI

    Une application de l'optique non linéaire

    Pour réaliser l'intrication des images les chercheurs ont utilisé une technique d'optique non linéaire connue sous le nom de « mélange à quatre ondes ».

    Un faisceau laser (indiqué par probe sur le schéma ci-dessus) passe à travers un masque qui lui donne une section formée avec les lettres T et N. Un second faisceau laser, mais intense (indiqué par pump sur le même schéma), pénètre avec le premier dans une cavité où se trouvent des atomesatomes de rubidiumrubidium à l'état gazeuxétat gazeux. Les atomes absorbent de l'énergieénergie pour réémettre ensuite deux images amplifiées de la première. L'une des images est conforme à celle initiale mais l'autre a subi une rotation de 180° et une légère modification de sa couleurcouleur. Ainsi, comme le montre le schéma, les lettres TN dans l'image d'entrée (probe in) deviennent inversées dans l'image de sortie conjuguée (conjugate).

    Comme on l'a dit, l'intrication se produit au niveau de paires de pixels. On a représenté une telle paire sur les images au bas de l'article. En décomposant la face du chat en carrés, on obtient des pixels. La figure montre les liens entre pixels intriqués des paires d'images, inversées au moment de l'intrication.