Une équipe d’IBM Research est parvenue à créer la première puce radio fonctionnelle dont les transistors sont faits à partir de graphène. Une avancée qui ouvre la voie à des puces de communication plus performantes et moins chères pour les futurs terminaux mobiles. Futura-Sciences a pu s’entretenir avec Shu-jen Han, le chercheur d’IBM qui a dirigé ces travaux.

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    On connaît déjà l'énorme potentiel du graphènegraphène, qui pourrait un jour remplacer le silicium dans les semi-conducteurs. Mais ce composant fait d'atomes de carbone est fragile, et son intégration dans un processus industriel de fabrication des plus délicate. IBM Research vient de réaliser une avancée déterminante dans ce domaine en fabriquant un récepteur radio avec des transistors en graphène, dont les performances sont totalement préservées. Le secret réside dans la technique de fabrication qui n'endommage pas le graphène tout en étant compatible avec le processus CMOS (Complementary Metal Oxide SemiconductorComplementary Metal Oxide Semiconductor), qui est l'un des plus répandus pour la production de composants électroniques.

    Les travaux d'IBM ouvrent la voie à des puces de communication sans fil plus performantes et moins coûteuses, qui pourraient équiper les appareils mobiles (smartphone, tablettes, etc.) et les capteurscapteurs intelligents de demain. « Actuellement, obtenir des puces radio haute performance nécessite des matériaux du groupe III-V, qui sont connus pour leur coût élevé et la difficulté à les intégrer avec du silicium. L'intégration du graphène avec le silicium peut apporter des bénéfices en matière de performances et de coût », explique Shu-jen Han, qui dirige l'équipe chargée de ce projet chez IBM Research.

    Inverser le processus de fabrication des transistors

    En 2011, IBM avait mis au point une première puce radio à base de transistors en graphène. Mais l'intégration des autres composants métalliques (résistancesrésistances et condensateurscondensateurs) par-dessus les transistors les endommageait et dégradait leur fonctionnement. Les chercheurs ont alors eu l'idée d'inverser complètement le processus de fabrication d'un circuit intégrécircuit intégré. Ce procédé nommé « passive-first active-last » consiste à intégrer les composants métalliques (résistances, condensateurs) en premier sur une galette de silicium (waferwafer en anglais), puis de terminer par la dépose du graphène. Ce dernier est obtenu par la méthode dite de dépôt chimique en phase vapeur (ou CVD, en anglais chemical vapor deposition). Une feuille de cuivrecuivre est placée dans un four à 1.050 °C avec une atmosphèreatmosphère de méthane, ce qui produit une couche de graphène déposée sur la feuille. Le cuivre est ensuite dissous dans un bain, libérant la couche de graphène qui est ensuite « repêchée » à l'aide du wafer. L'intégritéintégrité du circuit est ainsi totalement préservée.

    Une tranche de silicium sur laquelle se trouvent plusieurs dizaines de récepteurs radio au graphène. IBM a trouvé un moyen de ne pas les endommager à la fabrication. © IBM Research

    Une tranche de silicium sur laquelle se trouvent plusieurs dizaines de récepteurs radio au graphène. IBM a trouvé un moyen de ne pas les endommager à la fabrication. © IBM Research

    Pas de transistors en graphène avant cinq à dix ans

    Résultat : la nouvelle puce que vient de présenter Big BlueBig Blue est annoncée comme 10.000 fois plus performante que le premier prototype. Elle a été testée avec succès en recevant les trois lettres « IBM » transmises sur une bande fréquencefréquence de 4,3 GHz à une vitessevitesse de 20 mégabits par seconde. L'équipe d'IBM Research précise que son circuit intégré nécessite moins de 20 mW de puissance pour fonctionner. Il a été fabriqué sur un wafer de 200 mm sur une surface de 0,6 mm2.

    « Les puces des terminaux mobiles associent beaucoup de circuits numériquesnumériques avec des composants radio haute performance. Avec les puces classiques en silicium, les parties numériques et analogiquesanalogiques doivent être réalisées côte à côte sur les wafers. Avec ce nouveau processus, on peut envisager que les circuits analogiques au graphène soient directement intégrés par-dessus les circuits numériques, ce qui libère beaucoup d'espace sur la puce », confie Shu-jen Han. Alors, à quand les premières puces sans fil à base de graphène ? Pas avant cinq à dix ans, selon le chercheur.

    Très prometteuse pour les circuits analogiques, cette technologie de fabrication pourrait aussi être appliquée pour concevoir les circuits intégrés numériques d'un processeur, comme nous l'a confirmé notre interlocuteur. Mais un problème doit d'abord être surmonté. « L'obstacle principal pour concevoir les circuits d'un processeur tient aux propriétés intrinsèques du graphène et à l'absence de bande interdite [band gapgap en anglais, NDLRNDLR] qui fait qu'il est difficile d'éteindre des transistors en graphène. Bien que nous ayons démontré la faisabilité des circuits analogiques avec cette étude, vous pouvez imaginer qu'un processus similaire peut être appliqué aux circuits intégrés numériques, si nous trouvons un moyen d'ouvrir la bande interdite du graphène. En d'autres termes, cela ouvre la voie à la fabrication de circuits en graphène plus complexes. »