En modifiant un alliage métallique à l'aide d'un microscope à force atomique, des chercheurs ont pu en quelque sorte dessiner des conducteurs. Irréaliste pour fabriquer de véritables circuits, cette technique pourrait servir au stockage d'information. Mais pour l'instant, tout s'efface au bout de 24 heures...

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    Schéma réalisé par l'équipe pour montrer la réalisation directe d'un circuit électronique à l'interface entre deux alliages de titane et d'aluminium, à l'aide d'une pointe (en bleu). © Jeremy Levy

    Schéma réalisé par l'équipe pour montrer la réalisation directe d'un circuit électronique à l'interface entre deux alliages de titane et d'aluminium, à l'aide d'une pointe (en bleu). © Jeremy Levy

    Encore une nouvelle méthode pour réaliser une mémoire électronique... Jeremy Levy, qui dirige un laboratoire à l'université de Pittsburgh, a réalisé un dispositif utilisant un microscope à force atomique pour modifier localement l'état d'un alliage, le transformant à volonté en conducteur ou en isolant, donc avec le même effet que le dopagedopage d'un semi-conducteur dans l'électronique traditionnelle. Les résultats viennent d'être publiés dans la revue Nature Materials.

    L'équipe utilise du titanate de strontium (SrTiO3) et de l'aluminate de lanthane (LaAlO3), formant deux couches minces. C'est à leur interface que se produit le phénomène, contrôlé par le microscope à force atomique. Encore appelé AFM (atomic force microscope), cet appareil est muni d'une pointe extrêmement fine montée sur un minuscule levier. Les forces d'interactions entre atomesatomes ou moléculesmolécules font bouger le levier lorsque la pointe est approchée très près d'une surface. Comme le microscope à effet tunnelmicroscope à effet tunnel (qui utilise aussi une pointe mais mesure un courant électriquecourant électrique), l'AFM analyse donc des surfaces.

    C'est en appliquant une tension électrique au niveau de la pointe du microscope que les chercheurs ont pu modifier l'état du métalmétal. A l'interface entre les deux couches métalliques se forme un gazgaz d'électronsélectrons bidimensionnel (ou 2DEG, two Dimensional Electron Gas) qui rend cette frontière conductrice. La pointe affecte une dimension très petite et en déplaçant l'échantillon, on peut ainsi tracer un motif plus grand. Un peu comme avec un stylo, les chercheurs ont ainsi dessiné des points d'environ deux nanomètresnanomètres de diamètre et de très fines lignes, épaisses de moins de 3 nanomètres.

    Levier d'un microscope à force atomique, avec sa pointe. © Olympus

    Levier d'un microscope à force atomique, avec sa pointe. © Olympus

    Mémoire à deux états

    Ces motifs peuvent se comporter comme des transistors. On pourrait donc imaginer dessiner de cette manière un circuit entier. D'après les chercheurs eux-mêmes, l'opération ne serait pas raisonnable. Complexe et lente, elle ne pourra jamais rivaliser avec les techniques industrialisées de fabrication de circuits à semi-conducteurs. En revanche, une caractéristique du procédé est intéressante : il est réversibleréversible. En repassant la pointe sur une zone devenue conductrice, les scientifiques savent la rendre de nouveau résistante.

    Au final, reste donc la possibilité de réaliser de minuscules zones conductrices ou non, dont on peut ensuite vérifier l'état à l'aide d'un courant électrique. En d'autres termes, il s'agit d'une mémoire binairebinaire réinscriptible. Les dimensions atteintes étant une centaine de fois inférieures à celles d'une mémoire électronique traditionnelle, on comprend que l'équipe poursuive ses recherches pour explorer cette nouvelle méthode.

    Le principal problème à régler est de taille : la structure obtenue n'est pas stable et disparaît au bout d'une journée. Un peu court pour stocker des données. Mais ce n'est qu'un début...