Le LHC, le plus grand collisionneur de particules au monde, a pris du retard alors que le Tevatron du Fermilab continue à fonctionner remarquablement bien et à accumuler des informations. Ce qui était impensable il y a quelques années– la découverte du Higgs au Fermilab et non au LHC – pourrait donc se produire... Joseph Lykken, un des théoriciens des cordes, a récemment livré quelques-unes de ses réflexions à ce sujet.

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    Une vue aérienne du Fermilab, à Batavia (Etat de l'Illinois) et des deux anneaux du Tevatron. Crédit : Fermilab

    Une vue aérienne du Fermilab, à Batavia (Etat de l'Illinois) et des deux anneaux du Tevatron. Crédit : Fermilab

    Selon l'expression vendeuse du livre du prix Nobel de physique Leon Lederman, c'est « la particule de Dieu ». Le boson de Higgs cristallise beaucoup d'espoirs dans la communauté des physiciensphysiciens des particules élémentaires car il est à a fois la dernière pièce manquante du modèle standard et celle qui indique que celui-ci ne peut être le dernier mot au sujet de la structure fondamentale de la matière et des interactions. Si son père, Peter Higgs, est très confiant quant à sa découverte prochaine, ce n'est pas le cas de Stephen Hawking.

    Cette particule scalaire serait responsable de la massemasse des particules de l'UniversUnivers observable depuis le moment où celui-ci s'est suffisamment refroidi pour que se produise une transition de phasetransition de phase, analogue au passage de la vapeur à l'eau liquideliquide. En effet, si l'on s'imagine que le champ associé au boson de Higgs était l'analogue de la vapeur d’eau dans l'Univers primordial, les quarksquarks et les leptonsleptons pouvaient alors se déplacer comme s'ils étaient sans masse car le champ de Higgs n'offrait alors pas de résistancerésistance notable aux mouvementmouvement des particules. Tout a changé lors de son refroidissement. En poursuivant cette analogieanalogie, il est devenu l'équivalent de l'eau liquide.

    On se déplace moins facilement dans un liquide que dans un gazgaz ténu... Pour des particules comme l'électronélectron, cette résistance au mouvement est donc l'analogue de l'apparition d'une force de frottement. Mais au lieu d'être proportionnelle à la vitessevitesse, elle est proportionnelle à l'accélération. Avec cette explication, très simplifiée, on peut donc se rendre compte de ce qu'est le boson de Higgs.

    Joseph Lykken, un théoricien des cordes spécialisé dans la phénoménologie des particules élémentaires devant des calculs de cosmologie relativiste et de théorie des cordes. Crédit : <em>Quantum Universe</em>
    Joseph Lykken, un théoricien des cordes spécialisé dans la phénoménologie des particules élémentaires devant des calculs de cosmologie relativiste et de théorie des cordes. Crédit : Quantum Universe

    Dans la course au Higgs, l'outsider Tevatron rattrape son retard

    Comme le rappelle Joseph Lykken, un théoricien des cordes très réputé et spécialisé dans les conséquences expérimentales de cette théorie accessibles en accélérateur, le Fermilab n'a pas vraiment été conçu pour découvrir le boson de Higgs alors que c'est le cas pour le LHCLHC et ses détecteurs Atlas et CMSCMS ! On pourrait même dire qu'avec la chasse aux particules supersymétriques, il est la raison d'être du LHC et de ses détecteurs.

    Lykken, qui travaille au Fermilab, ajoute d'ailleurs qu'il n'y a pas si longtemps encore certains physiciens souriaient quand on évoquait la possibilité que le boson de Higgs soit produit par le Tevatron et découvert dans les détecteurs du Fermilab. Il était d'ailleurs prévu que le financement du Tevatron s'arrête en 2010 et même si les physiciens du Fermilab continueront à y faire des expériences à plus basses énergiesénergies (par exemple avec des faisceaux de neutrinosneutrinos), les deux anneaux du collisionneur du Tevatron devraient arrêter de fonctionner à cette date.

    Toutefois, les retards accumulés du LHC ces deux dernières années sont en train de changer la donne, surtout depuis l'annonce par le nouveau directeur général du CernCern qu'il n'y aura pas de faisceaux de particules circulant dans le LHC avant septembre 2009.

    Le Tevatron fonctionne remarquablement bien et la luminositéluminosité de ses faisceaux ne cesse de battre des records. En d'autres termes, le nombre de collisions produites chaque seconde dans ses détecteurs augmente avec le temps. La probabilité, et donc aussi le nombre de collisions susceptibles de produire des bosons de Higgs, augmente elle aussi.

    Les physiciens du Tevatron ont peut-être même déjà enregistré un événement avec production d'un boson de Higgs mais comme le temps d'analyse des données enregistrées peut se compter en années, nous ne le savons pas encore...

    Reste que, comme le mentionne aussi Joseph Lykken, de nouveaux fonds sont en train d'être débloqués, qui devraient doper les équipes du Fermilab. L'avance prise de facto par celles-ci dans le nombre de collisions enregistrées et les analyses en cours pourrait donc leur permettre de griller les équipes du LHC vers 2010 ou 2011.

    Lykken tempère toutefois ces réflexions. Il se pourraient en effet que la statistique, comme on l'appelle dans le jargon des physiciens, devienne suffisante pour qu'on puisse commencer à dire que l'on observe le boson de Higgs au Tevatron mais elle ne pourra probablement pas être utilisée pour affirmer avec certitude que le Boson de Higgs a bien été découvert. Mais même cette éventualité reste excitante car, pour le moment, si l'on excepte les données du LEPLEP, le prédécesseur du LHC au Cern, aucun signal recueilli par les détecteurs ne peut être interprété comme résultant de l'existence fugace du célèbre boson.