Milagro, un détecteur de rayons cosmiques utilisant l’effet Cerenkov, observe en continu une large portion du ciel de l’hémisphère nord depuis juillet 2000. L’accumulation des observations montre clairement deux pics dans le flux de rayons cosmiques qui remettent en cause notre compréhension du champ magnétique galactique.

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    Schéma montrant la complexité des réactions générant des particules secondaires lorsqu'un rayon cosmique, ici un proton, entre en collision avec un noyau. Crédit : Los Alamos National Laboratory

    Schéma montrant la complexité des réactions générant des particules secondaires lorsqu'un rayon cosmique, ici un proton, entre en collision avec un noyau. Crédit : Los Alamos National Laboratory

    Le domaine des rayons cosmiques recèle encore bien des mystères et suscite un regain d'intérêt ces dernières années. En effet, l'Univers est l'accélérateur de particules le plus puissant que l'on puisse imaginer. Il présente de plus un autre avantage sur tous ceux que l'on peut construire sur Terre, comme le LHC ou le Tevatron : il ne coûte rien !

    Son seul inconvénient est l'impossibilité d'y effectuer des mesures avec toutes les précisions voulues. Contrairement aux faisceaux de particules du LHC, on ne peut pas contrôler le flux de rayons cosmiques dans l'espace et dans le temps. On pourrait en ajouter un autre : lorsque qu'un rayon cosmique très énergétique entre en collision avec un noyau de l'atmosphèreatmosphère terrestre, il se produit une gerbe complexe de particules secondaires qui complique singulièrement l'identification du rayon incident.

    Figure 1. Cliquez pour agrandir. Une vue aérienne de Milagro. Crédit : <em>Los Alamos National Laboratory</em>

    Figure 1. Cliquez pour agrandir. Une vue aérienne de Milagro. Crédit : Los Alamos National Laboratory

    En soi, l'étude des rayons cosmiques est importante pour deux raisons. La première est, on l'a dit, qu'ils permettent d'étudier des réactions entre particules à des énergies inatteignables par un accélérateur. La seconde est qu'il s'agit d'une fenêtrefenêtre d'observation pour l'astrophysique. On pense en effet que les rayons cosmiques sont issus de plusieurs sources comme l'explosion des supernovaesupernovae, les abords de pulsarspulsars ou de trous noirstrous noirs et les quasarsquasars. Mais une partie d'entre eux pourrait venir de sources encore totalement inconnues.

    C'est pourquoi plusieurs détecteurs de rayons cosmiques ont été construits ces dernières années. Milagro est l'un d'entre eux. Il s'agit d'une série de 723 détecteurs CerenkovCerenkov enregistrant la lumièrelumière produite par les rayons cosmiques lorsqu'ils pénètrent dans un réservoir d'eau grand comme un terrain de football.

    Milagro permet des observations dans le domaine assez peu exploré des rayons cosmiques d'énergies de l'ordre de 1 TeV (téra-électronvolt). Son avantage est d'offrir une observation en continu d'une large partie du ciel de l'hémisphère nordhémisphère nord. Au cours des dernières années, c'est  près de 200 milliards de rayons cosmiques qui ont ainsi été détectés et mesurés. Une statistique aussi importante permet de tirer des conclusions robustes à partir des observations et les chercheurs ont eu une surprise...

    Figure 2. Cliquez pour agrandir. Une vue de l'intérieur de Milagro avec sur le sol et dans l'eau les détecteurs Cerenkov. Crédit : <em>Los Alamos National Laboratory</em>
     
    Figure 2. Cliquez pour agrandir. Une vue de l'intérieur de Milagro avec sur le sol et dans l'eau les détecteurs Cerenkov. Crédit : Los Alamos National Laboratory

    Temps de pose : huit ans

    Même si l'on dipose d'hypothèses sur l'origine des rayons cosmiques, aucune certitude n'est de mise. On pense tout de même connaître l'origine des rayons à ultra-hautes énergies depuis les observations d'Auger. Il s'agirait des noyaux actifs de galaxiesnoyaux actifs de galaxies mais la controverse à ce sujet n'est pas morte. A plus basses énergies, on pensait généralement que les champs magnétiqueschamps magnétiques turbulents de la Voie lactéeVoie lactée dégradaient assez rapidement la trajectoire des rayons cosmiques en leur imposant des mouvementsmouvements browniens chaotiques. Une pose suffisamment longue pour enregistrer le faible flux de rayons cosmiques devrait donc produire une image du ciel assez uniforme.

    Ce n'est justement pas ce que les physiciensphysiciens de Milagro ont obtenu au bout des presque huit années de pose de leur « appareil photo à rayons cosmiques ».

    Figure 3. Les observations de Milagro montrent deux excès (en rouge) de flux de rayons cosmiques, l'un vers la constellation des Gémeaux (à gauche) et l'autre vers Orion (à droite). Crédit : John Pretz

    Figure 3. Les observations de Milagro montrent deux excès (en rouge) de flux de rayons cosmiques, l'un vers la constellation des Gémeaux (à gauche) et l'autre vers Orion (à droite). Crédit : John Pretz

    Comme le montre clairement la figure 3, on observe deux pics dans la distribution du flux de rayons cosmiques. L'un, de forme circulaire, se trouve près de la constellation d'Orionconstellation d'Orion et l'autre, de forme allongée, se trouve proche de la constellation des Gémeauxconstellation des Gémeaux.

    Les chercheurs sont perplexes car une telle hétérogénéité remet en cause ce que l'on croyait savoir du champ galactique local de la Voie lactée, qui pourrait être affecté par une source inconnue proche du système solairesystème solaire.

    Se pourrait-il qu'un lien existe avec les anomalieanomalie des flux d'électronsélectrons et de positronspositrons détectées récemment par Atic et Pamela ? A moins que, comme le suggèrent les chercheurs, il s'agisse simplement d'un effet de l'héliosphèrehéliosphère du SoleilSoleil...