Des chercheurs ont pu inscrire un bit quantique – un qubit – sur un unique noyau de phosphore. Bien sûr, l'ordinateur quantique qui pourrait l'utiliser reste à inventer. Bien sûr, cette mémoire nucléaire retient l'information durant moins de deux secondes et ne fonctionne qu'à très basse température. Mais le progrès est réel !

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    Plusieurs équipes américaines et une équipe britannique, travaillant sur l'ordinateur quantique, viennent de publier dans Nature les résultats d'une étonnante expérience au cours de laquelle une information a pu être enregistrée dans le noyau d'un unique atome de phosphore. Les physiciensphysiciens ont pu en modifier à volonté le spin, un paramètre quantique souvent représenté comme une rotation autour d'un axe. Dans un ordinateur quantique, les informations sont enregistrées non pas sous forme de bits, des systèmes se présentant sous deux états distincts, mais dans des qubits (quantum bits), dont les deux états peuvent se superposer. Un qubit peut donc contenir à la fois un 0 et un 1, une étrange propriété caractéristique du monde quantique. Les informaticiens y voient un moyen de réaliser très rapidement certains types de calculs, comme l'analyse combinatoire ou la factorisation de nombres.

    Des prototypes ont déjà été réalisés mais les résultats restent plutôt décevants. Le fonctionnement impose des températures très basses, de quelques kelvinskelvins seulement, et les opérations réellement effectuées jusqu'ici sont très simples. De plus, le stockage d'information dans les qubits est extrêmement éphémère. Les meilleures réalisations n'atteignent même pas un dixième de seconde... Le principal écueil est celui de la décohérence : lorsque les dimensions du système deviennent trop grandes, les propriétés quantiques s'estompent et ne peuvent donc plus être utilisées. Idéalement, un ensemble de qubits doit être parfaitement isolé du monde extérieur. Mais alors, il n'est plus possible de les écrire ni de les lire...

    1,75 seconde : une éternité dans le monde quantique

    Il faut donc trouver un compromis en réalisant un système isolé mais pas trop... La solution trouvée par les chercheurs de l'université de Princeton (New Jersey), d'Oxford (Royaume-Uni) et du Lawrence Berkeley National Laboratory (Californie) consiste à enfermer des atomes de phosphore isolés au sein de cristaux de siliciumsilicium. Dans un premier temps, les chercheurs agissent, par champ magnétiquechamp magnétique interposé, sur le nuagenuage électronique d'un seul atome de phosphore. Il est alors possible de modifier le spin de ces particules. Mais les électronsélectrons sont très instables et l'information ne peut y demeurer.

    Dans un second temps, un faisceau de micro-ondes est focalisé sur la région où se trouve l'atome de phosphore. Le résultat est le transfert du spin des électrons sur les particules constituant le noyau. Ce faisant, l'information initialement contenue dans le nuage électronique est détruite. Si elle ne l'était pas, d'ailleurs, les théoriciens de la mécanique quantiquemécanique quantique en feraient des cauchemars car l'expérience violerait le principe dit d'impossibilité du clonageclonage quantique, interdisant le copier-coller d'un état quantique.

    Quel est le temps de rétention d'un qubit d'information inscrit dans un noyau ? Jusque-là, personne ne le savait. On le pensait très court. Les chercheurs anglo-américains viennent d'apporter la réponse : 1,75 seconde à la température de 5,5 kelvins. Cette valeur, considérée comme énorme, enthousiasme les scientifiques. D'autres études, théoriques, avaient démontré que si un système informatique quantique pouvait retenir une information durant plus d'une seconde, alors des techniques de corrections d'erreurs permettraient de la conserver indéfiniment.

    Les auteurs de ce travail voient dans les résultats de leur expérience la possibilité d'utiliser conjointement les électrons dans les calculs et les noyaux pour le stockage. Ces pas en avant vers la réalisation d'un ordinateur quantique fonctionnel, permettent, expliquent les auteurs, d'en situer l'échéance dans une dizaine d'années...