Les premiers éléments chimiques sont apparus entre une seconde et quelques minutes après la naissance de l'univers observable lors du Big Bang. En ce qui concerne le lithium 7, les calculs effectués jusqu'à présent prédisaient une quantité trois fois supérieure à celle observée. Cette énigme de la cosmologie pourrait bien être résolue grâce à un nouveau champ de particules.

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    La théorie de la nucléosynthèse primordiale est l'un des trois piliers de la théorie du Big Bang. Elle permet de calculer les abondances relatives de l'hydrogène et de l'hélium dans l'univers et prévoit aussi la présence de noyaux de lithium. Depuis les années cinquante, on sait aussi, grâce aux travaux de Geoffrey Burbidge et de sa femme Maragaret, ainsi qu'à Fred Hoyle et William Fowler, que les éléments plus lourds, jusqu'au ferfer, sont synthétisés dans les étoilesétoiles. Au-delà, ce sont les explosions de supernovaesupernovae générant des flux de neutronsneutrons qui permettent de fabriquer des noyaux plus lourds, comme ceux de l'uraniumuranium.

    Par ailleurs, il est notamment possible d'estimer la composition chimique moyenne de l'univers observable en étudiant les raies spectralesraies spectrales dans les atmosphèresatmosphères des étoiles. Il est alors apparu, depuis plus d'une décennie environ, que les étoiles semblaient au final contenir trois fois moins de lithium 7 que ce que prévoyait la théorie de la nucléosynthèse primordiale. On pouvait tabler sur des erreurs de mesure, ou sur des processus encore mal compris dans les étoiles conduisant par exemple à la destruction de cet isotopeisotope, mais l'énigme du lithium cosmologique ne semble finalement pas pouvoir être résolue de cette façon.

    Certains physiciensphysiciens ont proposé une solution plus radicale : réviser la théorie de la nucléosynthèse primordiale en faisant intervenir de la nouvelle physiquephysique. En l'occurrence, montrer que des extensions supersymétriques du modèle standardmodèle standard pouvaient faire l'affaire.

    La théorie du Big Bang produit des prédictions bien précises pour les abondances des éléments légers synthétisés quelques minutes après la naissance de l’univers. En fonction de la densité de matière ordinaire, les abondances de deutérium et d’hélium 3 ne sont pas les mêmes, comme le montre ce schéma. Les mesures de WMap, affinées par celles de Planck, conduisent aux prédictions des abondances relatives des éléments légers par rapport à l’hydrogène que l’on voit indiqué par la barre rouge verticale (<em>WMAP Observation</em>, en anglais sur le schéma). Dans la Voie lactée, l’accord est bon avec les observations, sauf pour le lithium 7. © Nasa

    La théorie du Big Bang produit des prédictions bien précises pour les abondances des éléments légers synthétisés quelques minutes après la naissance de l’univers. En fonction de la densité de matière ordinaire, les abondances de deutérium et d’hélium 3 ne sont pas les mêmes, comme le montre ce schéma. Les mesures de WMap, affinées par celles de Planck, conduisent aux prédictions des abondances relatives des éléments légers par rapport à l’hydrogène que l’on voit indiqué par la barre rouge verticale (WMAP Observation, en anglais sur le schéma). Dans la Voie lactée, l’accord est bon avec les observations, sauf pour le lithium 7. © Nasa

    Les prédictions du modèle standard en conflit avec les observations

    Dans le cadre du modèle cosmologique standardmodèle cosmologique standard, quelques minutes après la « naissance » du cosmoscosmos, les protonsprotons et les neutrons se capturent grâce à l'interaction nucléaire forte en donnant des réactions de fusionfusion. On obtient ainsi du deutérium et de grandes quantités d'hélium 4 mais aussi un peu d'hélium 3, dont les noyaux peuvent se combiner pour donner deux par deux du bérylliumbéryllium 7. Celui-ci est instable et se désintègre sous l'effet de l'interaction nucléaire faible pour donner du lithium 7. Certaines particules supersymétriques produites au moment du Big BangBig Bang sont également instables et peuvent se désintégrer en donnant des neutrons, lesquels peuvent détruire le lithium 7.

    Malheureusement, ces neutrons supplémentaires peuvent fusionner en donnant du deutérium, ce qui invalide les prédictions du modèle standard car cela entre en conflit avec les observations concernant cet isotope que l'on considère aujourd'hui comme robuste.

    Pour sortir de cette impasse, le physicien Maxim Pospelov, de l'institut Perimètre, à Waterloo, au Canada, en collaboration avec ses collègues de l'Académie autrichienne des sciences à Vienne, vient de postuler, dans un article disponible sur arXiv, l'existence d'une nouvelle particule.

    Une solution ad hoc à l'énigme du lithium cosmologique

    C'est une proposition plutôt ad hoc et assez spéculative car elle ne découle pas, pour le moment, des extensions les plus crédibles du modèle standard en physique des particules. Elle permet cependant de résoudre sans problème l'énigme du lithium cosmologique. Après tout, en son temps, l'introduction du neutrino par Pauli semblait elle aussi n'avoir comme justification que de sauver le principe de la conservation de l'énergieénergie.

    La nouvelle particule, électriquement neutre et d'une massemasse de l'ordre de 1,6 à 20 MeV, aurait la capacité de dissocier aussi bien les noyaux de deutérium que de béryllium 7. De nouvelles réactions se produiraient alors qui, tout en générant la bonne quantité de lithium 7, ne modifieraient pas de manière notable les abondances des autres noyaux calculées avec la théorie standard de la nucléosynthèse et qui est en accord avec les observations.

    Mais comment tester cette théorie ? Il se pourrait que la nouvelle particule serve de médiateur à des interactions entre particules de matière noire. Certaines observations au niveau des galaxiesgalaxies laissent penser que cette auto-interaction existe peut-être et qu'elle correspond effectivement à une nouvelle particule dont la masse serait d'entre 10 et 30 MeV. Des contraintes quant à la détection sur Terre de la matière noirematière noire pourraient donc se révéler précieuses pour vérifier ou réfuter cette théorie. Peut-être peut-on également voir sa trace dans les particules produites avec des accélérateurs. Pospelov mentionne à ce sujet des études sur les kaons.