La production des précurseurs solides des planètes telluriques aurait cessé 1,5 million d'années seulement après le début de la formation du Système solaire, selon une équipe franco-américaine de chercheurs. La découverte de cette date très particulière montre qu'il reste beaucoup à apprendre sur les propriétés et l'évolution du disque protoplanétaire à partir duquel la Terre et les planètes telluriques voisines se sont formées.

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    Les chercheurs ont pu déterminer les âges des précurseurs et les âges de fusion pour une quinzaine de chondres de la météorite d'Allende, considérée comme la pierre de Rosette de la planétologie. © D. Ball, ASU

    Les chercheurs ont pu déterminer les âges des précurseurs et les âges de fusion pour une quinzaine de chondres de la météorite d'Allende, considérée comme la pierre de Rosette de la planétologie. © D. Ball, ASU

    Avec la découverte d'un nombre croissant d’exoplanètes ayant des caractéristiques orbitales très variables, la compréhension des différentes étapes de formation de la Terre devient essentielle. Il semble acquis que la Terre se serait formée en moins d'une centaine de millions d'années par collisions entre des embryonsembryons planétaires. En revanche, les premières étapes ayant donné naissance aux premiers petits planétésimaux, qui sont en quelque sorte des embryons de planètes, restent peu connues.

    Seules certaines météorites primitives, les chondrites, permettent de remonter aux premiers millions d'années de l'histoire du Système solaire. La nature minéralogique ainsi que les compositions chimiques et isotopiques des composants de ces chondrites démontrent qu'ils se sont formés à partir de gaz et des poussières, constituant le disque d'accrétiondisque d'accrétion qui nourrit le Soleil en formation et dans lequel les planètes apparaissent. L'observation des étoilesétoiles jeunes analogues au SoleilSoleil montre que la duréedurée de vie moyenne de ces disques d'accrétion, ou disques protoplanétaires, est de l'ordre de 5 à 10 millions d'années.

    Certaines chondrites primitives sont majoritairement constituées de chondreschondres qui sont des billes silicatées, partiellement vitreuses et de tailles variant entre le dixième de millimètre et le centimètre. Les chondres sont compris comme étant le résultat de la fusionfusion éclairéclair et du refroidissement rapide dans le gaz du disque de grains de poussières précurseurs, de taille nanométrique à micrométrique. Cependant, l'origine de ces précurseurs, la nature des processus de chauffage éclair, les conditions physico-chimiques et la chronologie de formation restent en grande partie énigmatiques.

    L'apparition des chondres reste essentielle à la formation planétaire

    La formation des chondres est une étape clé de la formation planétaire puisqu'ils sont les témoins du passage du matériaumatériau primordial du disque (gaz et grains nanométriques) aux premiers solidessolides millimétriques. Certains modèles prédisent que, sans l'apparition des chondres, la formation planétaire n'aurait pas pu débuter.

    Deux images montrant la structure interne de chondres typiques étudiés par Tu-Han Luuet al. À gauche, l'image en fausses couleurs d'un chondre montre que cet objet est essentiellement constitué de cristaux d'olivine riches en magnésium (vert), d'une matrice vitreuse riche en aluminium (bleu), de billes de métal (jaune) et que l'altération secondaire responsable de la présence de sodium (rouge) est très limitée. À droite, l'image en électrons secondaires rétrodiffusés montre un autre chondre composé essentiellement de cristaux d'olivine (cristaux en gris foncé au centre de l'objet) avec des billes de métal (blanc) partiellement oxydées et, par endroits, une mésostase partiellement vitreuse. © CNRS, Luu et al.

    Deux images montrant la structure interne de chondres typiques étudiés par Tu-Han Luuet al. À gauche, l'image en fausses couleurs d'un chondre montre que cet objet est essentiellement constitué de cristaux d'olivine riches en magnésium (vert), d'une matrice vitreuse riche en aluminium (bleu), de billes de métal (jaune) et que l'altération secondaire responsable de la présence de sodium (rouge) est très limitée. À droite, l'image en électrons secondaires rétrodiffusés montre un autre chondre composé essentiellement de cristaux d'olivine (cristaux en gris foncé au centre de l'objet) avec des billes de métal (blanc) partiellement oxydées et, par endroits, une mésostase partiellement vitreuse. © CNRS, Luu et al.

    Un paramètre clé dans la compréhension de l'origine des chondres est l'âge de leurs précurseurs solides et celui des processus de fusion éclair, synchronessynchrones ou pas avec la formation des précurseurs. Ces deux âges peuvent maintenant être déterminés sur le même objet à partir de mesures fines des excès radiogéniques de l'isotopeisotope de massemasse 26 du magnésiummagnésium (26Mg) produits par la désintégration radioactive de l'isotope à courte période (demi-viedemi-vie de 0,73 million d'années) de masse 26 de l'aluminiumaluminium (26Al).

    Allende, une fenêtre sur la formation du Système solaire

    Grâce au couplage inédit de deux techniques de spectrométrie de massespectrométrie de masse, l'analyse par sonde ionique à haute résolutionrésolution et multi-collection pour les mesures à l'échelle du micromètremicromètre (au CRPG de Nancy) et la spectrométrie de masse à source plasma et multi-collection pour les mesures à l'échelle de milligramme (à l'IPG de Paris et à l'université de Californie à Los Angeles), le chercheur Tu-Han Luu et ses collaborateurs ont pu déterminer pour la première fois les âges des précurseurs et les âges de fusion pour une quinzaine de chondres de la météorite Allende, comme ils l'expliquent dans un article de la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNA). L'équipe regroupe des scientifiques du CRPG (CNRS/université de Lorraine) de Nancy, de l'IPG de Paris (CNRS/Paris Diderot/Sorbonne Paris Cité), du Muséum National d'Histoire NaturelleMuséum National d'Histoire Naturelle de Paris et de l'université de Californie à Los Angeles, États-Unis.

    Alors que les âges de fusion se répartissent entre 1,5 et 3 millions d'années après le début de la formation du Système solaire, ceux de leurs précurseurs sont plus anciens, entre 0 et 1,5 million d'années. Les précurseurs des chondres se sont donc formés dès les tout débuts du Système solaire, en même temps que les solides réfractairesréfractaires présents dans les chondrites et considérés comme étant les premiers solides se condensant à partir du gaz à très haute température (entre 2.000 et 1.600 K). L'arrêt de leur production à 1,5 million d'années est un indice fondamental sur la physiquephysique du disque d'accrétion. Cela pourrait résulter d'une chute de température dans les zones internes du disque (en dessous de 1.200 K) supprimant la possibilité de condensationcondensation des silicatessilicates de type olivineolivine. Cela pourrait aussi être lié à un changement fondamental de sa structure spatiale car une autre théorie considère que les précurseurs des chondres pourraient être la poussière produite par des collisions entre des planétésimaux formés très tôt dans le disque. Cette date de 1,5 million d'années correspondrait alors à la dissipation de ces planétésimaux de première génération.

    Il semble en tout cas acquis qu'une des étapes essentielles de la formation des planètes terrestres ait pris fin seulement 1,5 million d'années après l'effondrementeffondrement du nuagenuage moléculaire parent du Système solaire, c'est-à-dire il y a 4.565 millions d'années. Les grandes lignes des compositions chimiques des planètes étaient alors déjà en partie établies.