Au cours de la dernière année de sa mission, en 2015, la sonde Messenger est passée plusieurs fois à moins de 100 km d'altitude de la surface de Mercure. Elle a ainsi pu récolter des données solides concernant la composition chimique de la première planète du Système solaire. Sa couleur anormalement sombre résulterait de roches particulièrement riches en graphite, signe qu'il existait un océan de magma global sur Mercure il y a presque 4,5 milliards d'années.

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    Malgré les succès de missions comme New Horizons, Rosetta et Cassini-Huygens, le Système solaire nous est encore largement inconnu. Il faudra certainement des centaines d'années à des planétologues, aidés de sondes robotisées autonomes, pour dresser un portrait des planètes qui soit aussi complet que celui de la Terre. Dans le futur, il se peut toutefois que les descendants des primitifs du XXe et du XXIe siècle regardent avec nostalgie notre époque car elle est sans doute l'âge d'or de l'exploration du Système solaire.

    Nous pouvons nous targuer de certains succès comme le montre par exemple une publication récente qui résout peut-être enfin l'énigme de la couleur de la surface de Mercure. Si tel est bien le cas, c'est grâce aux observations et aux instruments de la sonde Messenger - notamment le Gamma Ray and Neutron Spectrometer (GRNS) - alors qu'elle était encore en orbite autour de la planète la plus proche du SoleilSoleil (la mission s'est terminée fin avril 2015).

    La surface de Mercure est en effet bombardée par les rayons cosmiquesrayons cosmiques, en particulier les protonsprotons en provenance du Soleil. En heurtant les noyaux des atomesatomes de la croûtecroûte de la planète rocheuse, ces particules cosmiques provoquent l'émissionémission de rayons gammarayons gamma et de neutrons. Les caractéristiques de ces deux types de rayonnement peuvent alors nous renseigner sur la composition chimique de la surface de cette planète telluriqueplanète tellurique. On peut savoir, par exemple, si elle contient du ferfer et même de la glace issue de l'eau des comètescomètes et qui s'est formée dans le fond de certains cratères, bien protégée du rayonnement solairerayonnement solaire.


    Un florilège d'images prises par la sonde Messenger, dont certaines sont en fausses couleurs, accompagne les images de synthèse évoquant la mission de la sonde de la Nasa autour de Mercure. © Nasa

    Les cosmochimistes avaient eu des surprises. En se basant sur les théories de la formation du Système solaire et, surtout, sur les images en couleurs de la surface de Mercure, les chercheurs en avait déduit que la surface de l'astreastre devait être riche en éléments réfractairesréfractaires, en l'occurrence du fer. La planète réfléchit en effet bien moins de lumièrelumière que la LuneLune, où l'on sait que c'est l'abondance du fer qui contrôle le phénomène. La couleur, plus sombre encore, de la surface de Mercure devait donc probablement indiquer une quantité plus importante de fer. Curieusement, les premières analyses ne semblaient rien montrer de tel.

    Des roches riches en graphite flottant sur un océan de magma primitif

    Une autre explication avait alors été avancée, celle d'un enrichissement en carbonecarbone des zones les plus sombres de Mercure. Mais encore fallait-il le montrer et aussi expliquer pourquoi un tel enrichissement s'était produit. C'est justement ce qui a été fait, comme le prouve le contenu de l'article publié récemment dans Nature Geoscience.

    Combinées avec d'autres observations dans le domaine des rayons Xrayons X, celles fournies par le GRNS indiquent clairement la présence de concentrations de graphitegraphite (un des allotropesallotropes naturels du carbone) et ce d'autant plus que l'on examine les régions les plus sombres de Mercure. Le fer, en revanche, n'est pas en quantités suffisantes pour expliquer la couleur de ces régions. Remarquablement, cela correspond aussi à des zones où des impacts d'astéroïdesastéroïdes ou de comètes ont mis au jour des parties anciennes de la croûte. On pourrait croire que le carbone trouvé provient de l’impact de comètes justement, hypothèse qui avait été avancée l'année dernière mais, comme il s'agit de graphite, il n'en est rien.

    Si cette découverte se confirme, elle va certainement intéresser les spécialistes de la cosmogonie des planètes (science qui étudie leur formation). En effet, tout comme dans le cas de la Lune, on a de bonnes raisons de penser que le processus d'accrétionaccrétion à l'origine de Mercure a conduit à la formation d'un océan global de magma à cause de la chaleurchaleur dégagée lors des impacts de petits corps célestes. Dans le cas de ce processus, il se produit alors des phénomènes de ségrégationségrégation avec des éléments légers qui montent en surface et des éléments lourds qui plongent dans les entrailles des planètes. Dans le cas de Mercure, des roches particulièrement riches en graphite et légères ont dû, en quelque sorte, flotter sur la surface de cet océan en cours de refroidissement pour donner la première croûte de cette planète. Remanier par l'évolution subséquente de Mercure, cette vieille croûte et ces roches sont donc nettement plus visibles aujourd'hui dans les zones d'impact qui les ont fait affleurer.

    Ces zones feront certainement l'objet de missions au sol afin d'y glaner des secrets supplémentaires sur l'origine et l'histoire de Mercure et donc, ultimement, du Système solaire. En attendant, une nouvelle mission va succéder à celle de MessengerMessenger, la sonde de l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne (Esa) BepiColomboBepiColombo.