Il y a presque dix ans, le satellite Pamela avait détecté un excès de positrons dans le rayonnement cosmique. Quelle en était l’origine ? Celui-ci venait-il de la désintégration de la matière noire ? de pulsars proches ? Aujourd’hui, des travaux montrent que les pulsars Geminga et PSR B0656+14 ne seraient pas la solution à cette énigme. Le mystère demeure.

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    La matière noirematière noire pourrait se transformer en matière normale lors de collisions ou simplement en se désintégrant, selon certaines des théories proposées pour expliquer son existence (qui reste encore hypothétique). Elle pourrait alors augmenter anormalement le flux de particules d'antimatière déduit de l'observation des sources classiques de ces particules dans la Voie lactée, signalant ainsi sa présence.

    Or, il y a à peu près dix ans, le satellite Pamela aurait peut-être détecté une telle anomalieanomalie : un excès de positrons dans le rayonnement cosmique (voir article ci-dessous) -- ce fut aussi le cas du détecteur AMS, à bord de l'ISSISS, en 2013. Ces particules d'antimatière peuvent être produites par plusieurs sources astrophysiques classiques, en particulier des naines blanches.

    Il est possible d'estimer les caractéristiques du flux de positrons atteignant l'environnement de la Terre à partir de modèles décrivant la propagation des particules chargées dans la Voie lactée, c'est-à-dire dans le milieu interstellaire plongé dans des champs magnétiqueschamps magnétiques turbulents. Ces modèles dépendent bien évidemment aussi des sources de positrons et de leurs répartitions connues. Alors, ces anomalies mesurées par Pamela trahissent-elles la présence de la matière noire ?

    Deux pulsars bien visibles par leurs émissions, PSR B0656+14 (à gauche) et Geminga (à droite). En haut à gauche, la taille de la Lune sur la voûte céleste donne l'échelle de l'image formée par le <em>High-Altitude Water Cherenkov Gamma-Ray Observatory</em> (Hawc). © John Pretz

    Deux pulsars bien visibles par leurs émissions, PSR B0656+14 (à gauche) et Geminga (à droite). En haut à gauche, la taille de la Lune sur la voûte céleste donne l'échelle de l'image formée par le High-Altitude Water Cherenkov Gamma-Ray Observatory (Hawc). © John Pretz

    Les pulsars Geminga et PSR B0656+14 ne seraient pas la solution

    Pas forcément, car les étoiles à neutronsétoiles à neutrons, plus précisément les pulsarspulsars, sont également susceptibles d'expliquer les flux de positrons observés, si certains pulsars sont assez proches du Système solaireSystème solaire. Deux candidats pouvaient être la clé de l'énigme : Geminga et PSR B0656+14, situés à une distance comprise entre 500 et 1.000 années-lumièreannées-lumière environ du SoleilSoleil. Mais, selon des travaux récemment publiés dans Science par une équipe internationale de physiciensphysiciens ayant utilisé le High-Altitude Water Cherenkov Gamma-Ray Observatory (Hawc), situé au Mexique, ces deux pulsars ne seraient en réalité pas la solution.

    En effet, lorsqu'un rayon cosmiquerayon cosmique entre en collision avec un noyau de la haute atmosphèreatmosphère, il provoque la création de particules secondaires, qui vont elles-mêmes entrer en collision avec les autres noyaux, répétant le processus en cascade. Il se produit alors une gerbe de particules secondaires qui, lorsqu'elles sont chargées, émettent un rayonnement Cerenkovrayonnement Cerenkov, capté par les détecteurs de Hawc.

    Une vue de l’observatoire <em>High-Altitude Water Cherenkov</em>, situé à plus de 4.000 mètres d’altitude sur les pentes d’un volcan mexicain. Les 300 réservoirs contiennent de l’eau très pure et des détecteurs de rayonnement Cerenkov, une sorte de « bang » lumineux qui se produit dans l’eau au passage de particules chargées très rapides. © J. Goodman, <em>HAWC Collaboration</em>

    Une vue de l’observatoire High-Altitude Water Cherenkov, situé à plus de 4.000 mètres d’altitude sur les pentes d’un volcan mexicain. Les 300 réservoirs contiennent de l’eau très pure et des détecteurs de rayonnement Cerenkov, une sorte de « bang » lumineux qui se produit dans l’eau au passage de particules chargées très rapides. © J. Goodman, HAWC Collaboration

    D'où provient donc le flux de positrons observé par Pamela ?

    L'analyse de ce signal permet de savoir si le rayon primaire était un photonphoton gamma ou un noyau :

    • Si le rayon cosmique primaire est un photon gamma, la gerbe contient des électronsélectrons, des positrons et des rayons gammarayons gamma essentiellement.
    • Si le rayon cosmique primaire était un noyau, la gerbe contient également des muonsmuons, des neutrinos et des hadronshadrons (protonsprotons, neutrons et pions).

    Le nombre de particules présentes dépend quant à lui de l'énergieénergie du rayon cosmique primaire, de l'altitude d'observation et des fluctuations dans le développement de la gerbe.

    Or, en observant Geminga et PSR B0656+14, Hawc a permis de découvrir qu'ils étaient environnés d'un fond gamma inattendu. Les chercheurs en tirent la conclusion qu'il y a un halo de matière normale autour de ces pulsars qui filtrerait fortement le flux de positrons, en conséquence de quoi, celui observé sur Terre, et qui semble anormal, ne proviendrait pas de ces deux pulsars.

    D'autres chercheurs ne semblent pas convaincus par cette analyse. Il est donc probablement toujours raisonnable de garder la tête froide et de continuer à favoriser l'hypothèse que l'on ne sait toujours pas interpréter correctement, dans un sens comme dans l'autre, les observations de Pamela et d'AMSAMS. D'autant plus que rien ne garantit qu'il n'y ait pas d'autres pulsars à quelques centaines d'années-lumière du Soleil que nous n'ayons pas encore détectés.


    Le satellite Pamela a-t-il indirectement détecté la matière noire ?

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 07/11/2008

    L'existence de la matière noire est fortement suspectée mais ne sera définitivement établie que lorsque des preuves vraiment indiscutables seront obtenues. Ce qui semble être un excès de positrons dans les rayons cosmiques détecté par le satellite Pamela pourrait être ce genre de preuve. Mais la prudence reste de mise...

    On sait qu'il est très difficile, voire impossible, d'expliquer à la fois la formation des galaxiesgalaxies, les collisions d'amas de galaxiesamas de galaxies et les courbes de rotation des galaxies sans faire intervenir la présence de particules de matière n'émettant pas de lumière, très différentes de celles que l'on sait fabriquer sur Terre et qui, dans l'UniversUnivers, dominent par leur massemasse celle de la matière normale.

    L'une des théories capables d'expliquer la nature de cette matière noire est la supersymétriesupersymétrie, car elle prédit l'existence de nouvelles particules massives stables et interagissant faiblement avec la matière normale. Un bon candidat est le neutralinoneutralino et son antiparticuleantiparticule. Lors de l'annihilation d'une telle paire de particules, une paire d'électron-positron peut être produite.

    De manière générale, si des particules de matière noire existent dans les galaxies et qu'elles sont capables de donner lieu à des paires de particule-antiparticule, alors il devrait apparaître un excès de particules d'antimatière dans le rayonnement cosmique par rapport à la fraction déduite des processus astrophysiques observés et obéissant aux lois du modèle standardmodèle standard.

    Des paires de neutralinos en s'annihilant peuvent donner des paires de quark-antiquark donnant lieu à la formation de hadrons et de positrons dans la Galaxie. Les paires de neutralinos peuvent aussi donner lieu par annihilation à deux photons gamma, comme indiqué en bas à gauche. © INFN

    Des paires de neutralinos en s'annihilant peuvent donner des paires de quark-antiquark donnant lieu à la formation de hadrons et de positrons dans la Galaxie. Les paires de neutralinos peuvent aussi donner lieu par annihilation à deux photons gamma, comme indiqué en bas à gauche. © INFN

    Trop de rayons cosmiques de grande énergie

    Les rayons cosmiques frappant l'atmosphère de la Terre causent d'impressionnantes gerbes de particules secondaires rejoignant le sol, comme le montrent les observations du détecteur Auger. Toutefois, afin d'obtenir des mesures fines des composantes de matière et d'antimatière dans le rayonnement cosmique, il est avantageux de le faire directement en dehors de l'atmosphère terrestre. C'est précisément ce que fait depuis son lancement le 15 juin 2006 le satellite Pamela (acronyme de Payload for Antimatter/Matter Exploration and Light-nuclei Astrophysics).

    Les équipes responsables de ses observations, qui analysent aussi bien l'influence de l'activité solaire sur le flux de rayons cosmiques que ses caractéristiques dans la ceinture de radiation, viennent de publier les résultats sur le flux de positrons atteignant la Terre.

    Effectivement, au-dessus d'une certaine énergie, ce flux est anormal si l'on considère des sources standards de positrons dans la Voie Lactée, comme des naines blanches accrétant de la matière. S'agit-il de la preuve incontestable tant attendue de l'existence de la matière noire ?

    Image du site Futura Sciences
    En bleu la courbe théorique du flux de positrons en fonction de l'énergie de ces particule déduite des processus astrophysiques classiques. En rouge les observations de Pamela, l'anomalie est frappante. © INFN.

    Il semble malheureusement qu'il soit encore trop tôt pour une telle conclusion. En effet, le détecteur équipant Pamela sait normalement faire la différence entre un positron et un proton... mais pas de façon parfaite. D'après les études faites au sol, ce qu'on appelle la calibration, il ne devrait confondre un positron avec un proton qu'environ une fois sur 100.000. Mais si une erreur s'est produite dans le processus de calibration du détecteur, ce qui n'est pas rare, alors le signal observé par Pamela pourrait être trompeur. On peut aussi soupçonner une erreur dans la façon dont on calcule le taux de positrons présents dans la Galaxie découlant de sources classiques. On ne peut pas écarter non plus la présence proche de notre Soleil d'une source importante de positrons, non détectée jusqu'à présent, comme par exemple un pulsar, qui aurait comme résultat d'augmenter localement le flux de positrons.

    Ce n'est que si l'on peut recouper ces observations avec d'autres que l'on pourra vraiment être sûr que le flux de positrons anormalement élevé est bien le signal trahissant la présence de la matière noire dans la Galaxie. Les théoriciens ont d'ores et déjà proposé des candidats pour expliquer ce flux en supposant l'existence d'une nouvelle particule, plus précisément un boson scalaire léger.

    Il existe depuis quelque temps une polémique sur les résultats de Pamela, après une récente observation mentionnée par les physiciens de l'expérience CDF du Tevatron, révélant des jets de muons anormaux. Apparemment difficile à expliquer dans le cadre du modèle standard, ce phénomène pourrait peut-être fournir une explication, sous forme de particules scalaires, aux mesures de Pamela. On pourra consulter sur ces sujets les blogsblogs de Tommaso Dorigo et Peter Woit.

    Espérons que le LHC, qui devrait être capable de produire et d'identifier clairement les particules de matière noire, si elles existent, nous permettent bientôt d'y voir plus clair...