Sans quitter notre planète, des chercheurs ont analysé le noyau de la Lune en étudiant la propagation des sons dans des échantillons de fer très fortement comprimés dans les installations de l'ESRF, à Grenoble. En comparant ces résultats avec les mesures fournies par les sismomètres déposés par les missions Apollo, ces physiciens concluent que le noyau de la Lune, semblable à celui de la Terre, mesure 250 km et est entouré d'une enveloppe liquide plutôt fine.

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    Buzz Aldrin marche à côté du sismomètre installé lors de la mission Apollo 11. Les données récoltées par cet instrument et par ceux des missions ultérieures ont fourni des informations essentielles sur la structure interne de la Lune. © Neil Armstrong, Nasa

    Buzz Aldrin marche à côté du sismomètre installé lors de la mission Apollo 11. Les données récoltées par cet instrument et par ceux des missions ultérieures ont fourni des informations essentielles sur la structure interne de la Lune. © Neil Armstrong, Nasa

    Les enregistrements sismiques obtenus grâce au programme spatial Apollo (ApolloApollo Lunar Surface Experiments Package) fournissent des informations très précieuses sur la structure interne de la Lune. Cependant, ces données ne suffisent pas à déterminer la structure ainsi que les propriétés de son noyau. Afin de mieux interpréter les différentes propriétés sismiques, des mesures de densité et de vitesse du son dans le fer aux pressions et températures existant dans le noyau lunaire ont été obtenues par des chercheurs de l'équipe Minéralogie des intérieurs planétaires de l'IMPMC (CNRS, UPMC, IRDIRD, MNHNMNHN) et présentées dans la revue PNAS. Ce travail, qui fournit de nouvelles clés pour comprendre les observations sismiques, a permis de modéliser précisément la composition et la structure du noyau métallique de la Lune.

    Le fer, en effet, est le constituant principal du noyau des planètes de type tellurique (dont la structure globale est similaire à celle de la Terre). Il adopte une structure hexagonale compacte (hc) dans les conditions du noyau interne de la Terre. En revanche, pour les corps planétaires plus petits, comme la Lune, Mercure ou Mars, où les pressions sont plus modérées, une structure cubique à faces centréescubique à faces centrées (cfc) est attendue. Déterminer les propriétés physiquesphysiques du fer à haute pression et température est donc essentiel pour la modélisationmodélisation des noyaux planétaires.

    Les chercheurs ont mesuré la densité et la vitesse de propagation des ondes de compression et des ondes de cisaillement dans le fer cubique à faces centrées aux pressions et températures caractéristiques des intérieurs des planètes telluriquesplanètes telluriques de petites dimensions. Les expériences ont été effectuées sur des échantillons de fer comprimés jusqu'à 19 GPa et chauffés jusqu'à 1.150 K dans des cellules à enclume de diamantdiamant sur la ligne de lumièrelumière ID28 de l'ESRF (European Synchrotron Radiation FacilityEuropean Synchrotron Radiation Facility, Grenoble). La vitesse du son a ainsi été déterminée par mesure de diffusiondiffusion inélastique des rayons Xrayons X, tandis que la diffractiondiffraction de ce rayonnement renseignait sur la structure cristalline et sa densité.

    Vue schématique de l'intérieur de la Lune et zoom sur le modèle de noyau (<em>core</em>) proposé ici. L'étude ne porte donc pas sur le manteau (<em>mantle</em>) ni la croûte (<em>crust</em>). Ce modèle résulte de la comparaison des observations sismiques par les missions Apollo et des mesures de vitesses du son effectuées au laboratoire sur le fer solide et des alliages liquides de fer-soufre. Le schéma montre les valeurs de la densité (ρ) et vitesses (VP, pour les ondes de compression et VS pour les ondes de cisaillement) en fonction de la profondeur (<em>depth</em>). © Daniele Antonangeli <em>et al.</em>, <em>Pnas</em>, Insu-CNRS

    Vue schématique de l'intérieur de la Lune et zoom sur le modèle de noyau (core) proposé ici. L'étude ne porte donc pas sur le manteau (mantle) ni la croûte (crust). Ce modèle résulte de la comparaison des observations sismiques par les missions Apollo et des mesures de vitesses du son effectuées au laboratoire sur le fer solide et des alliages liquides de fer-soufre. Le schéma montre les valeurs de la densité (ρ) et vitesses (VP, pour les ondes de compression et VS pour les ondes de cisaillement) en fonction de la profondeur (depth). © Daniele Antonangeli et al., Pnas, Insu-CNRS

    Le noyau de la Lune ressemble à celui de la Terre

    Les résultats indiquent que la vitesse sismique actuellement proposée pour le noyau interne de la Lune est bien inférieure à celle du fer-cfc ainsi que des alliagesalliages de fer plausibles. Cet ensemble de données apporte donc de très fortes contraintes sur les modèles sismiques du noyau lunaire et des noyaux des petites planètespetites planètes telluriques et a permis de construire un modèle direct de la composition, structure, densité et vitesse du noyau de la Lune.

    Plus précisément, la Lune semble posséder un noyau interne solidesolide d'environ 250 km de rayon constitué de fer en structure cfc, entouré par une enveloppe relativement fine, d'environ 80 km d'épaisseur, d'un alliage liquideliquide de fer et de souffre. Comme l'avaient suggéré de précédentes études, la structure globale du noyau lunaire est donc similaire à celui de la Terre mais avec un noyau externe liquide beaucoup plus petit en proportion.

    L'approche, ici employée pour comprendre les propriétés du noyau de la Lune, peut être étendue à d'autres planètes, comme Mars. L'objectif premier de la mission Insight du Nasa DiscoveryDiscovery Program, dont le lancement est prévu en mars 2016, est d'installer une station sismique pour l'étude de l'intérieur de Mars, mise au point par l'IPGP, le Cnes et l'université Paris-Diderot. Les résultats présentés ici et l'ensemble des données similaires seront essentiels pour interpréter les observations sismiques.