Des homininés ont utilisé le feu voilà un million d’années, mais le maîtrisaient-ils pour autant ? La question fait débat. Grâce à la découverte d’un foyer dans une grotte israélienne, nous savons désormais que le feu était au minimum exploité de manière continue et répétée en un même lieu voilà 300.000 ans. D’autres indices trouvés sur place en disent long sur les capacités cognitives et sociales de nos ancêtres à l’époque.

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    Depuis quand l'Homme maîtrise-t-il le feu au point de l'utiliser pour ses besoins quotidiens ? Aujourd'hui encore, cette question fait débat. Depuis 2012, nous savons qu'Homo erectus utilisait le feu pour cuisiner voilà un million d'années. En effet, un foyer datant de cette époque a été mis au jour dans la grotte Wonderwerk, en Afrique du Sud. Cette découverte a alors repoussé de 200.000 ans la précédente limite établie à partir de cendres trouvées sur le site archéologique de Gesher Benot Ya`aqov quelques années plus tôt (Israël).

    Toutefois, pour certains spécialistes, il est hasardeux d'affirmer que ces feux étaient entretenus et répétés dans le temps. C'est pourquoi une nouvelle étude présentée dans le Journal of Archeological Science pourrait faire date. En effet, Ruth Shahack-Gross de l'Institut Weizmann y apporte la preuve irréfutable de l'existence d'un foyer utilisé de manière répétée et continue voici environ 300.000 ans. Il a été mis au jour au centre de la grotte Qesem, en Israël, approximativement 12 km à l'est de Tel Aviv.

    Pour affirmer qu'il s'agit bien d'un foyer, ses cendres ont été analysées par spectrométrie infrarouge. Résultat : elles se composent de boisbois, d'éléments de roches et d'os qui ont été chauffés à de très hautes températures. Cela prouve donc qu'on y a cuit de la viande. Mais comment affirmer l'usage répété et continu du site ? Dans le cas présent, la chercheuse s'est focalisée sur l'étude de la micromorphologie des cendres, en plus de leur composition.

    Les os brûlés découverts dans la grotte Qesem auraient été chauffés à plus de 500 °C. Les fragments identifiés appartenaient à 4.740 animaux différents, principalement des grands mammifères. Sur l’image, la flèche bleue indique la position du foyer. © Institut Weizmann

    Les os brûlés découverts dans la grotte Qesem auraient été chauffés à plus de 500 °C. Les fragments identifiés appartenaient à 4.740 animaux différents, principalement des grands mammifères. Sur l’image, la flèche bleue indique la position du foyer. © Institut Weizmann

    Un camp de base pour Hommes préhistoriques

    Pour ce faire, elle en a prélevé un cube qu'elle a fait durcir en laboratoire. Il a alors été sectionné en de fines coupes par la suite observées au microscopemicroscope. Au final, les variations de la composition des cendres au cours du temps prouvent que le foyer a été utilisé durant deux périodes continues distinctes. Par ailleurs, des microstrates ont été décelées dans les sédiments de ces deux périodes. Ainsi, des feux ont bien été réalisés de manière répétée au cours du temps, chaque épisode correspondant à une stratestrate différente. CQFD !

    Les retombées de cette découverte ne s'arrêtent pas là. Le foyer israélien se distingue de ses contemporains par le fait qu'il est exceptionnellement étendu, avec ses 4 m2. Ainsi, il devait être utilisé par un grand groupe d'hommes préhistoriques. Par ailleurs, des outils en silex spécifiquement destinés à la découpe de la viande et des os brûlés ont été retrouvés dans, mais aussi autour du foyer. En revanche, les outils exhumés quelques mètres plus loin avaient une autre forme, et donc une autre fonction. Cette observation suggère une ségrégationségrégation des tâches accomplies dans la grotte, et donc l'existence d'une organisation de l'espace de vie.

    Pour être précis, la première utilisation du feu dans la grotte Qesem remonterait à 420.000 ans. Cependant, la nature même du foyer analysé démontre une intensification marquée et continue de son usage, et donc un changement de comportement des Hommes qui en tiraient profit. Cette découverte en dit long sur l'évolution de notre culture, mais aussi sur les capacités cognitives et sociales de nos ancêtres de l'époque. Finalement, les six auteurs de l'étude avancent que le site pourrait avoir servi de « camp de base », et que son grand feu favorisait probablement les interactions sociales.