Une fouille dans l'abbaye de Cluny vient de mettre au jour un vrai trésor, composé plus de deux mille pièces de monnaie, datant du Moyen Âge et venant d'Espagne et du Maroc pour certaines. Elles nous parlent de l'histoire des monnaies en Europe médiévale.

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    Cette campagne de fouille, autorisée par la DRAC (Direction régionale des Affaires culturelles) de Bourgogne-Franche-Comté, a débuté mi-septembre et s'est achevée fin octobre. Elle s'inscrit dans un vaste programme de recherches sur l'abbaye de Cluny. Participant aux fouilles, depuis 2015, les étudiants en Master Archéologie-Sciences pour l'Archéologie de l'université Lumière Lyon 2 sont formées à la réalité des métiers de l'archéologie et cette expérience de terrain contribue à leur bonne insertion professionnelle.

    En septembre 2017, l'équipe dirigée par Anne Baud, enseignante-chercheure à l'université Lumière Lyon 2, et Anne Flammin, ingénieure CNRS, avec les étudiants de l'université Lumière Lyon 2, y a découvert un trésor. Plus de 2.200 deniers et oboles en argent, majoritairement émis par l'abbaye de Cluny et datant probablement de la première moitié du 12e siècle, étaient regroupés dans un sac en tissu dont il reste quelques empreintes sur les pièces. Une peau tannée, nouée, placée au sein des monnaies d'argent, renfermait :

    • 21 dinars musulmans en or frappés entre 1121 à 1131 en Espagne et au Maroc, sous le règne d'Ali Ben Youssef (1106-1143) de la dynastie berbère des Almoravides,
    • un anneau sigillaire en or orné d'une intaille antique de couleur rouge figurant le buste d'un dieu, et comportant une inscription dont l'épigraphie pourrait correspondre à la première moitié du 12e siècle,
    • une feuille d'or repliée de 24 grammes, contenue dans un étui,
    • un petit élément circulaire en or.

    Une étude plus approfondie menée par Vincent Borrel, doctorant au sein du laboratoire Archéologie et Philologie d'Orient et d'Occident - AorOc(CNRS/ENS), est en cours afin de tenter de déterminer et dater plus précisément tous ces éléments.

    Le saviez-vous ?

    L'usage des anneaux sigillaires (ou chevalières) est couramment attesté au Moyen Âge. Ils peuvent être employés pour des besoins domestiques (scellage des coffres, des bourses, mais aussi cachetage de la correspondance…).

    Il s'agit d'une découverte inédite et exceptionnelle dans un contexte monastique et clunisien : Cluny fait en effet partie des plus grandes abbayes du Moyen Âge en Europe occidentale. Le trésor avait été enfoui sous un niveau de sol, dans un remblai, et semble être demeuré à cet endroit pendant huit siècles et demi.

    Quelques pièces du trésor découvert à l'abbaye de Cluny. © Anne Baud, Anne Flammin, laboratoire Archéologie et archéométrie

    Quelques pièces du trésor découvert à l'abbaye de Cluny. © Anne Baud, Anne Flammin, laboratoire Archéologie et archéométrie

    De nouvelles pistes de recherche pour le site de Cluny

    Le trésor renferme des éléments d'une valeur considérable : 21 dinars d'or et un anneau sigillaire, bijou de grand prix que peu de personnes pouvaient posséder au Moyen Âge. À cette période, le numéraire occidental était largement dominé par le denier d'argent, les monnaies d'or étaient réservées aux transactions exceptionnelles. Les quelque 2.200 deniers d'argent, frappés à Cluny ou dans les environs, étaient, quant à eux, utilisés dans la vie quotidienne. C'est la première fois qu'ils sont retrouvés en si grand nombre.

    La réunion, au sein d'un même ensemble clos, de monnaies arabes en or, de deniers d'argent et d'un anneau sigillaire rend cette découverte encore plus intéressante.

    Cette trouvaille va contribuer à relancer la dynamique de recherche sur l'histoire de l'abbaye, un monument ouvert au public géré par le Centre des monuments nationaux. Elle suscite également de nouvelles questions auxquelles il faudra tenter de répondre :

    • à qui appartenait ce trésor : un moine ? Un dignitaire de l'église ? Un riche laïc ?
    • quels renseignements apportent ces monnaies ? Où sont frappés les deniers clunisiens ? Dans quel espace circulent-ils ? Pourquoi retrouve-t-on à Cluny des dinars frappés en Espagne et au Maroc ?
    • pourquoi est-ce que le trésor a été enfoui?
    • dans quel espace construit de l'abbaye a-t-il été enfoui ? Un bâtiment aujourd'hui détruit et mal connu ?

    Un trésor numismatique découvert à Autun

    Article de l'Inrap paru le 26 décembre 2010

    À Autun, en Bourgogne, un faubourg du IIIe et IVe siècle a retrouvé l'air libre. Des ateliers, dont celui d'un artisan célèbre, mais aussi un trésor de pièces romaines, plus ou moins fausses, ont été mis au jour par l'équipe de l'Inrap, menée par Stéphane Alix.

    La fouille archéologique du faubourg d'Arroux, au nord d'Autun, menée dans le cadre d'un projet de logements sociaux, a permis la découverte d'un quartier antique partagé entre artisanat et habitat aisé. Les archéologues ont notamment mis au jour l'officine du coroplathe (fabricant de figurines) Pistillus : four de potier, moules, figurines et ratés de cuisson signés « Pistillus » confirment la présence de son officine à Autun.

    Son œuvre, bien que populaire, se distingue par des statuettes soignées et des thèmes variés : déesses protectrices, VénusVénus, Abondance, animaux, mais aussi de tendres représentations de l'intimité romaine. Lors des dernières semaines de la fouille, principalement consacrées à l'étude d'un ensemble de vestiges datant de l'époque augustéenne (début du Ier siècle de notre ère), un important dépôt monétaire a été exhumé.

    Les pièces retrouvées à Autun ont été fabriquées par des artisans, comme cela se pratiquait en ces époques troublées des derniers siècles de l'Empire romain. © Loïc de Cargouët/Inrap

    Les pièces retrouvées à Autun ont été fabriquées par des artisans, comme cela se pratiquait en ces époques troublées des derniers siècles de l'Empire romain. © Loïc de Cargouët/Inrap

    Plus de 100.000 pièces romaines

    L'ensemble était enfoui dans une fosse scellée par des tuilestuiles. Il pèse environ 38 kilos et consiste en plus de 100.000 pièces romaines de la fin du IIIe siècle de notre ère. Ces monnaies sont de toutes petites pièces en bronze de moins de 0,4 gramme. Ce sont des exemplaires non officiels, comme il en a beaucoup circulé durant la période très troublée de la seconde moitié du IIIe siècle, et même peut-être encore au IVe siècle.

    De graves crises frappent l'empire à cette période : guerres incessantes entre prétendants au trône, épidémiesépidémies, poids financier et politique de l'armée, pressionpression aux frontières, crise économique, etc. L'État romain n'est plus en mesure d'assurer pleinement la pérennité et le contrôle du système monétaire.

    De petits monnayages de bronze, de peu de valeur, qu'on peut qualifier de « monnaie de nécessité », apparaissent alors : ils sont produits par des particuliers mais sont plus ou moins tolérés par l'État. Ils imitent pauvrement les émissionsémissions officielles et les effigies sont difficilement identifiables. Les pièces découvertes à Autun se rapprochent de celles typiques du IIIe siècle, telles les monnaies de Tétricus. La forte teneur en cuivrecuivre du dépôt a permis au panier en vannerie, dans lequel elles étaient stockées, d'être en partie conservé.

    Des pièces destinées... au four

    Si l'ensemble avait une certaine valeur, il ne s'agit probablement pas d'un trésor dissimulé, mais plutôt d'un dépôt de pièces déclassées destinées à la refonte. La fosse est d'ailleurs située dans l'emprise d'un des ateliers de métallurgie mis au jour sur le site. En effet, pour rétablir une économie monétaire saine, certains empereurs ont lancé des réformes et tenté de remplacer les anciennes pièces sans autre valeur que celle de leur métalmétal. Le dépôt monétaire d'Autun est peut-être lié aux réformes de Dioclétien sous la Tétrarchie (fin IIIe siècle-début IVe siècle).

    Un second dépôt devait se situer non loin du premier puisque un peu plus de 2.000 pièces ont été collectées à l'emplacement d'un murmur du même atelier. Mais le démantèlement de cette maçonneriemaçonnerie, au IVe siècle ou Ve siècle, a dû partiellement le détruire.

    Ces vestiges numismatiques vont permettre de mieux appréhender tant les aspects du monnayage non officiel, que les phénomènes de déclassement et de refonte des monnaies durant l'Empire. Ces ensembles viennent s'ajouter aux quelque 300 monnaies romaines -- en bronze dans leur très grande majorité -- découvertes sur le reste de la fouille. Communes ou rares, ces monnaies, au même titre que les autres objets et vestiges, ne livrent d'utiles indications que parce qu'elles sont découvertes et étudiées dans leur contexte archéologique.