Les mécanismes à l'origine de l'explosion d'une étoile s'effondrant pour donner une supernova s'étudieraient plus facilement à l'aide des ondes gravitationnelles et des flux de neutrinos engendrés si l'événement se produisait dans la Voie lactée. d'après un groupe d'astrophysiciens, il est presque certain que l'on pourra observer une telle supernova dans l'infrarouge dans moins de 50 ans. Dans le visible, c'est une autre affaire...

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    La théorie de la structure interne des étoiles est presque centenaire. Elle a décollé notamment grâce aux travaux d'Eddington et Chandrasekhar. Après la seconde guerre mondiale, l'astrophysique nucléaire et le développement des simulations numériquessimulations numériques sur ordinateursordinateurs lui ont fait faire de nouveaux progrès. On comprend plutôt bien ce qui se passe quand une étoile est sur ce qu'on appelle la séquence principale du diagramme d'Hertzsprung-Russell. Mais il reste des zones d'ombres sur les événements survenant lorsqu'une étoile s'effondre et explose pour donner une supernova comme celle de type SN II (l'interprétation dominante concernant les SNSN Ia ne fait pas intervenir un effondrementeffondrement gravitationnel).

    Plusieurs aspects des modèles proposés pour décrire ces explosions, que l'on peut voir à des millions et même des milliards d'années-lumière, ont cependant subi des tests observationnels. Tous les astrophysiciensastrophysiciens s'occupant des supernovaesupernovae depuis quelques décennies se souviennent notamment de celle observée en 1987 dans le Grand Nuage de Magellan : SN 1987A. On avait alors détecté sur Terre un flux de neutrinosneutrinos en accord avec les prévisions de ces modèles. Mais les astrophysiciens aimeraient en savoir plus, et affermir les bases de leur science. Il faudrait pour cela observer avec les moyens modernes une supernova proche, c'est-à-dire dans la Voie lactéeVoie lactée.


    Extrait du documentaire Du Big Bang au vivant, associé au site du même nom, un projet multiplateforme francophone sur la cosmologie contemporaine. Jean-Pierre Luminet parle de la mort des étoiles massives, leur explosion en supernova et la formation de pulsars. © ECP Productions, YouTube

    Quelques supernovae par siècle dans la Voie lactée

    Quelles sont les chances d'observer un tel événement dans la GalaxieGalaxie dans moins de 50 ans ? Telle est la question à laquelle a voulu répondre un groupe de chercheurs de l'Ohio State University dans un article publié sur arxiv.

    Ce n'est pas la première fois que des astronomesastronomes se livrent à ce genre de pronosticpronostic. Lorsque l'on décompte les supernovae dans les autres galaxies sur une année, tous types confondus (SN II et SN Ia notamment), on est conduit à estimer qu'en moyenne trois à quatre supernovae par siècle devraient se produire dans notre Voie lactée. Or, l'avant-dernière connue par exemple, avant les observations récentes de Chandra, date d'il y a 330 ans environ. Il s'agit de Cassiopée A, et contrairement à celles de 1572 et 1604, observées en lumière visible par Tycho Brahe (SN 1572) et Johannes KeplerJohannes Kepler (SN 1604), elle ne semble pas avoir été notée par des astronomes. Elle n'a été découverte qu'en radio et en 1947.

    Le rémanent de la supernova SN 1987A dans le Grand Nuage de Magellan, hors de notre Galaxie, est observé de plus près par le télescope spatial Hubble en haut à droite de cette image. Les deux points brillants sont des étoiles d'avant-plan. Sur les trois anneaux visibles, l'anneau central délimite l’extension actuelle du rémanent. Les anneaux extérieurs, plus grands et plus faibles, résultent de phénomènes de perte de masse antérieurs à la supernova. © Nasa, Wikipédia, DP

    Le rémanent de la supernova SN 1987A dans le Grand Nuage de Magellan, hors de notre Galaxie, est observé de plus près par le télescope spatial Hubble en haut à droite de cette image. Les deux points brillants sont des étoiles d'avant-plan. Sur les trois anneaux visibles, l'anneau central délimite l’extension actuelle du rémanent. Les anneaux extérieurs, plus grands et plus faibles, résultent de phénomènes de perte de masse antérieurs à la supernova. © Nasa, Wikipédia, DP

    Du gadolinium pour détecter les neutrinos des supernovae

    Pourquoi un tel déficit en supernovae ? Très probablement parce que la Voie lactée contient de nombreux nuages de poussières qui absorbent fortement la lumière visible sur des distances interstellaires. Mais ces nuages ne font obstacle ni aux ondes lumineuses dans l'infrarougeinfrarouge ni aux neutrinos et encore moins aux ondes gravitationnelles. Or, en ce début de XXIe siècle, l'humanité s'est dotée de la technologie et de certains des instruments qui permettraient de détecter et d'analyser les signaux en provenance d'une supernova dans la Voie lactée qui se déroberait à son regard dans le visible.

    Ainsi, d'après les astronomes, il y aurait 20 % de chance environ que tout un chacun puisse voir avec ses yeuxyeux une supernova dans moins de 50 ans (en réalité, les chances dépendent de la localisation d'un observateur, et elles sont plus élevées dans l'hémisphère sudhémisphère sud). Cela devient une quasi-certitude si l'on utilise un télescopetélescope observant dans l'infrarouge. Surtout, il devrait être possible de détecter des signes de l'effondrement d'une étoile et de son explosion avant de pouvoir l'observer dans le visible ou l'infrarouge. Pour cela, il faudrait enregistrer une série d'impulsions sous forme de paquetspaquets de neutrinos bien spécifiques. Ces paquets seraient émis quelques minutes à quelques jours avant que l'explosion de l'étoile ne produise un fort signal lumineux détectable sur Terre.

    Les neutrinos des rayons cosmiques sont parfois détectés indirectement par l'émission de lumière Cerenkov qu'ils engendrent dans de l'eau. Comme le montre ce schéma, un second signal peut être obtenu avec des noyaux de gadolinium (voir les détails dans le texte ci-dessous). © <em>Kamioka Observatory</em>

    Les neutrinos des rayons cosmiques sont parfois détectés indirectement par l'émission de lumière Cerenkov qu'ils engendrent dans de l'eau. Comme le montre ce schéma, un second signal peut être obtenu avec des noyaux de gadolinium (voir les détails dans le texte ci-dessous). © Kamioka Observatory

    Pour détecter ces paquets et ne pas les confondre avec une fluctuation dans l'électronique d'un détecteur de neutrinos, les chercheurs travaillent depuis environ dix ans sur Egads (Evaluating GadoliniumGadolinium's Action on Detector Systems). Ce détecteur ressemble à celui de Super-KamiokandeSuper-Kamiokande, mais il est plus petit. Il contient de l'eau ultrapure avec des traces d'un élément, le gadolinium. Lorsque les antineutrinos issus d'une supernova vont être absorbés par les protonsprotons des moléculesmolécules d'eau, ils peuvent transformer ceux-ci en neutronsneutrons qui vont être absorbés à leur tour par les noyaux de gadolinium. Excités, ces noyaux vont alors émettre des photonsphotons gamma. Les protons transformés en neutron émettent aussi des positronspositrons, qui vont provoquer une autre émissionémission de lumière en se déplaçant dans l'eau : le rayonnement Cerenkov. On dispose ainsi du moyen d'être sûr que l'on détecte bien l'occurrence d'une supernova dans la Voie lactée.

    Si tout va bien, dans un avenir proche, Egads et peut-être aussi Super-Kamiokande commenceront par signaler l'apparition brusque d'un flux de neutrinos caractéristique d'un tel événement en provenance d'un point de la voûte céleste. Une batterie de télescopes observant dans l'infrarouge sera aussitôt mobilisée pour scruter ce point et les détecteurs d'ondes gravitationnelles seront eux aussi en alerte. Quelques-uns des secrets des supernovae seront alors révélés et, par contrecoup, d'autres concernant l'universunivers.