D'après deux astrophysiciens, notre propre Système solaire devait abriter des superterres à l'aube de sa formation. C'est d'ailleurs ce que laissaient penser les observations d'autres systèmes planétaires. Plus proches du Soleil que Mercure, ces superterres auraient rapidement plongé dans les entrailles de notre Étoile sous l'influence gravitationnelle de Jupiter. La Terre n'aurait donc pu se former qu'après et devrait donc son existence à celle de la géante gazeuse.

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    Dans notre quête millénaire de nos origines et de notre place dans l'univers, la question de l'unicité de la Terre, et plus généralement de celle du Système solaire, occupe une place importante. Les progrès de l'astronomie et de l'astrophysique nous ont révélé que la synthèse de molécules organiques se produisait naturellement dans le milieu interstellaire et que les exoplanètes se formaient facilement autour des étoilesétoiles de la Voie lactée. Les spécialistes ont même estimé qu'il existait des milliards de superterressuperterres potentiellement habitables dans notre GalaxieGalaxie.

    Toutefois, si de véritables systèmes d'exoplanètes ont également été détectés, notre propre Système solaire apparaît quelque peu singulier à certains égards. Pourquoi ne contient-il pas de superterres comme celles orbitant fréquemment autour d'étoiles de type solaire à des distances inférieures à celle de Mercure autour du SoleilSoleil ? Pourquoi les planètes rocheuses du Système solaire sont-elles si peu massives ?

    Deux astronomesastronomes viennent de publier dans les Pnas un article qui propose une réponse étonnante. Notre Système solaire aurait effectivement possédé des superterres à l'aubeaube de sa formation. Cependant, des processus de migrations planétaires pilotées par celles de JupiterJupiter et de SaturneSaturne auraient rapidement conduit ces superterres à être avalées par le Soleil. Au tout début de son histoire, le Système solaire ressemblait donc peut-être beaucoup plus à ses cousins.

    Il existerait des milliards de superterres dans la Voie lactée comme celle représentée sur cette vue d'artiste située dans la zone habitable d'une étoile de type solaire. © Nasa Ames, JPL-Caltech,Tim Pyle

    Il existerait des milliards de superterres dans la Voie lactée comme celle représentée sur cette vue d'artiste située dans la zone habitable d'une étoile de type solaire. © Nasa Ames, JPL-Caltech,Tim Pyle

    Deux migrations planétaires pour Jupiter

    Pour aboutir à cette conclusion, Konstantin Batygin, du mythique Caltech (Californie, États-Unis), et Gregory Laughlin, de l'UC Santa Cruz (également en Californie), ont conduit des simulations numériquessimulations numériques basées sur le scénario dit du Grand Tack, qui suppose l'existence de deux migrations planétaires majeures dans l'histoire du Système solaire. La première aurait rapproché Jupiter du Soleil avant celle du modèle de Nicemodèle de Nice voilà environ 4,5 milliards d'années, repoussant les astéroïdesastéroïdes vers les régions internes du Système solaire jusqu'à ce que Jupiter occupe la position actuelle de Mars. L'influence de Saturne, qui avait aussi migré, aurait ensuite fait à nouveau s'éloigner Jupiter. Rappelons au passage que le fameux modèle de Nice suppose qu'il y a environ 3,9 milliards d'années, les planètes géantesplanètes géantes, en particulier Jupiter et Saturne, auraient migré en s'éloignant du Soleil, ce qui aurait causé un grand chamboulement dans les orbitesorbites des astéroïdes et des comètescomètes causant le Grand Bombardement tardif.

    Le scénario du Grand Tack (que l'on pourrait traduire par scénario du « Grand virement », puisque tacking en anglais fait référence au virement de bord d'un voilier) prend place pendant les premiers millions d'années de la formation du Système solaire, lorsqu'il existait un disque protoplanétaire contenant de la poussière et d'importantes quantités de gazgaz. En se formant, Jupiter a ainsi entraîné la naissance d'un anneau appauvri en matièrematière qui a séparé ce disque en deux parties. Les forces de gravitégravité qui ont résulté de cette configuration ont fait qu'au fur et à mesure que la partie interne du disque était attirée par le Soleil, cet anneau s'en rapprochait aussi et cela a conduit à la migration de Jupiter vers notre Étoile.

    Saturne, moins massive que Jupiter et dont la formation est postérieure à celle de la géante gazeusegéante gazeuse, aurait elle aussi migré dans le disque de gaz, et plus rapidement que Jupiter qu'elle rattrapa. Elle finit par provoquer un phénomène de résonancerésonance gravitationnelle avec Jupiter lorsque sa période orbitalepériode orbitale devint un multiple entier de celle de sa sœur. Un deuxième anneau appauvri en matière se forma alors entre Jupiter et Saturne, ce qui stoppa la migration des deux planètes avant de l'inverser.

    Pendant la formation du Système solaire, Jupiter a migré une première fois en direction du Soleil (l'orbite de Jupiter est ici représentée par un cercle blanc épais). Au cours de sa migration, la géante gazeuse a perturbé les orbites de planétésimaux, les conduisant sur des orbites excentriques (en turquoise). Ces briques de la formation des planètes telluriques ont alors pénétré dans la partie interne du disque protoplanétaire (en jaune) où des superterres devaient exister. © K.Batygin, Caltech

    Pendant la formation du Système solaire, Jupiter a migré une première fois en direction du Soleil (l'orbite de Jupiter est ici représentée par un cercle blanc épais). Au cours de sa migration, la géante gazeuse a perturbé les orbites de planétésimaux, les conduisant sur des orbites excentriques (en turquoise). Ces briques de la formation des planètes telluriques ont alors pénétré dans la partie interne du disque protoplanétaire (en jaune) où des superterres devaient exister. © K.Batygin, Caltech

    Des superterres détruites en 20.000 ans

    Toujours selon le scénario du Grand Tack, le bord externe de la partie interne du disque initialement délimité par Jupiter serait en fait celui d'un anneau de matière dans lequel seraient nées les planètes rocheuses. Toutefois, ce scénario n'expliquait pas pourquoi le bord interne de cet anneau devait se trouver à 0,7 unité astronomiqueunité astronomique 10 millions d'années après la formation du Soleil, ni pourquoi ces planètes ne sont pas plus massives. Pour Batygin et Laughlin, tout s'explique si l'on fait intervenir une première génération de superterres qui auraient défini le bord interne de la zone de formation des planètes telluriquesplanètes telluriques avant de migrer et d'être avalées par le Soleil.

    Avec les simulations numériques qu'ils ont conduites, les chercheurs ont constaté que la migration de Jupiter vers le Soleil a déstabilisé les orbites de planétésimaux d'environ 100 km de diamètre. Ceux-ci ont fini par entrer en collision et se précipiter en direction du Soleil. Ce faisant, ils ont déstabilisé à leur tour les superterres, les entraînant dans leur course mortelle. Celles-ci disparaîtont en 20.000 ans tout au plus. Plus tard, les restes des planétésimaux présents dans les régions internes du Système solaire (alors que le gaz du disque protoplanétairedisque protoplanétaire a largement été consommé) vont former les planètes rocheuses que l'on connaît.

    Selon Batygin et Laughlin, ce nouveau scénario rend bien compte de plusieurs caractéristiques du Système solaire en faisant naître les planètes telluriques un peu plus tard. Il est parfaitement compatible avec les données indiquant que ces planètes se sont formées sur une période de quelques dizaines de millions d'années après la naissance du Soleil. Ce scénario explique aussi pourquoi elles sont pauvres en certains éléments volatiles et peu massives.

    A contrario, comme la formation de planètes telles Jupiter et Saturne semble compliquée, cela implique que la formation d'exoterres ne doit pas non plus être facile dans la Voie lactéeVoie lactée et que les superterres qui s'y trouvent doivent posséder des atmosphèresatmosphères riches en hydrogènehydrogène. Si les deux astrophysiciensastrophysiciens ont raison, voila une pièce de plus à ajouter au puzzle du paradoxe de Fermi.