Le monde des exoplanètes est beaucoup plus divers qu'on ne l'imaginait sans doute encore il y a 50 ans, au moment où le programme Apollo révolutionnait les sciences planétaires. On observe aujourd'hui un disque protoplanétaire perpendiculaire au plan orbital d'une étoile double, contrairement à celui du Système solaire en formation où ce plan était presque parallèle à celui du jeune Soleil.


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    À la base de tous les scénarios de formation des systèmes planétaires explorés de nos jours, il y a toujours un nuagenuage moléculaire et poussiéreux qui s'effondre gravitationnellement pour diverses raisons et qui se fragmente en zones plus denses. Ces régions héritent de la turbulence dans ce nuage, animées d'un mouvement de rotation autour d'un axe. Il existe alors une force centrifuge qui s'oppose à la poursuite de la contraction gravitationnelle perpendiculairement à cet axe.

    Cette explication laisse de côté certaines questions importantes mais elle permet de comprendre simplement pourquoi ces nuages vont s'aplatir en donnant ce que l'on appelle des disques protoplanétaires. Les planètes vont en effet se former et se déplacer dans le même sens sur les orbites dans ces disques que l'on peut étudier avec des télescopestélescopes en orbite comme HubbleHubble et le défunt Herschell, mais aussi sur Terre avec le radiotélescoperadiotélescope Atacama Large Millimeter/sub-millimeter Array (Alma).

    Les observations ont montré que la réalité était en fait bien plus riche que ne le laissent entendre ces simples considérations. D'abord, les étoilesétoiles naissent le plus souvent en couple et forment des systèmes binairessystèmes binaires, même si certaines de ces étoiles doubles finissent pas se séparer précocement pour continuer leur vie dans la Voie lactée. On connaît aussi des systèmes triples, voire quadruples d'étoiles et à la grande surprise des astrophysiciensastrophysiciens, des disques protoplanétaires suffisamment stables pour donner naissance à des exoplanètesexoplanètes en orbite autour d'étoiles binaires ou simplement d'un des membres d'une de ces étoiles doubles.

    Une image d'artiste de la vue depuis une exoplanète en formation dans le disque de débris autour de HD 98800 B. © University of Warwick/Mark Garlick
    Une image d'artiste de la vue depuis une exoplanète en formation dans le disque de débris autour de HD 98800 B. © University of Warwick/Mark Garlick

    Des systèmes stellaires multiples et divers

    Mieux, on constate que certains de ces disques protoplanétaires, ou les disques de débris qui leur succèdent, ne sont presque pas perpendiculaires à l'axe de rotation de l'étoile centrale et peuvent aussi être inclinés par rapport au plan orbital d'une étoile double. On cherche à comprendre ce phénomène depuis quelque temps grâce à des simulations numériquessimulations numériques faisant intervenir des perturbations gravitationnelles complexes (citons à cet égard la fameuse résonance de Kozai) et aussi à déterminer sa fréquencefréquence et jusqu'à quel point les inclinaisons mises en jeu peuvent se produire à partir d'observations.

    Une équipe internationale d'astronomesastronomes, avec notamment Grant M. Kennedy de l'université de Warwick (Grande-Bretagne) et Daniel Price de l'université Monash (Australie), vient justement de publier dans Nature Astronomy les résultats de travaux menés avec l'aide d'Alma. Ils précisent notre connaissance d'un système stellairesystème stellaire déjà connu à environ 146 années-lumièreannées-lumière du SoleilSoleil dans la constellationconstellation de la Coupe : HD 98800.

    Il s'agit en fait de deux étoiles doubles en orbite l'une autour de l'autre, HD 98800 A et HD 98800 B. En 2007, un disque protoplanétaire a été découvert en orbite autour du HD 98800 B. Comme les chercheurs l'expliquent, il apparaît aujourd'hui que ce disque est perpendiculaire au plan de l'orbite de cette étoile double, et que la matièrematière qu'il contient est sur des orbites polaires. Un résultat démontré pour la première fois mais que l'on attendait sur les bases des simulations numériques.

    Selon Grant M. Kennedy : « Ce qui est peut-être le plus excitant à propos de cette découverte, c'est que le disque présente certaines des signatures que nous attribuons à l'accrétionaccrétion de la poussière autour des étoiles simples. Cela signifie que la formation d'une exoplanète peut au moins démarrer dans un disque circumbinaire polaire. Si le processus de formation d'une planète peut arriver à terme, il y a peut-être toute une population d'exoplanètes circumbinaires similaires, avec en plus des variations saisonnières étranges, que nous devons encore découvrir. »

    En effet, de la surface de telles exoplanètes dans le plan du disque de débris, on ne verrait pas seulement des soleils qui sembleraient entrer et sortir du plan du disque presque perpendiculairement à l'horizon. Les saisonssaisons devraient également varier selon les latitudeslatitudes.


    Le Système solaire est un laboratoire pour étudier la formation des planètes géantes et l'origine de la Vie que l'on peut utiliser conjointement avec le reste de l'Univers, observable dans le même but. MOJO : Modeling the Origin of JOvian planets, c'est-à-dire modélisation de l'origine des planètes joviennes, est un projet de recherche qui a donné lieu à une série de vidéos présentant la théorie de l'origine du Système solaire et en particulier des géantes gazeuses par deux spécialistes réputés, Alessandro Morbidelli et Sean Raymond. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Laurence Honnorat

    Spectaculaire : une étoile binaire avec trois disques protoplanétaires

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 21/10/2016

    IRS 43 est une toute jeune étoile binaire encore en formation autour de laquelle on a détecté trois disques protoplanétaires avec Alma. Ces disques sont étonnants car bien que circumstellaires et circumbinaires, ils ne sont pas parallèles entre eux comme on pouvait s'y attendre. C'est la première fois que l'on observe un tel phénomène.

    « Il y a plus de choses dans le ciel et sur la terre, Horatio, que n'en rêve votre philosophie. » On pense tout de suite à cette phrase mise dans la bouche d'Hamlet par William Shakespeare en 1601 lorsque l'on prend connaissance de la publication sur arXiv d'un groupe d'astrophysiciens. Les chercheurs y expliquent avoir utilisé le radiotélescope Alma (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array) pour étudier de plus près une jeune étoile binaire cataloguée sous la dénomination de IRS 43, ce qui indique qu'elle a été observée dans l'infrarougeinfrarouge par le célèbre télescope IRAS. Cette étoile est située à environ 400 années-lumière du Soleil, dans la région de formation stellaire bien connue Rho Ophiuchi. Elle n'est âgée que de quelques centaines de milliers d'années environ.

    Jusque là, rien d'étonnant. Mais selon les observations faites avec Alma, on n'observe rien de moins que trois disques protoplanétaires avec cette étoile double, deux circumstellaires, donc autour de chaque étoile individuelle, et un circumbinaire, c'est-à-dire autour de l'étoile binaire. Et ce qui n'avait jamais été vu jusqu'à présent, c'est que tous ces disques ne sont clairement pas parallèles.

    Ce schéma montre deux petits disques protoplanétaires autour de deux jeunes étoiles, donc circumstellaires, et un grand disque circumbinaire. Les deux étoiles formant le système binaire se déplacent dans un plan orbital indiqué par les flèches et la courbe en tirets. La matière dans les disques est en rotation de sorte que la lumière est décalée vers le rouge si elle s'éloigne d'un observateur et vers le bleu dans le cas contraire. Ceci explique le choix des couleurs pour les disques. © Christian Brinch, NBI, KU
    Ce schéma montre deux petits disques protoplanétaires autour de deux jeunes étoiles, donc circumstellaires, et un grand disque circumbinaire. Les deux étoiles formant le système binaire se déplacent dans un plan orbital indiqué par les flèches et la courbe en tirets. La matière dans les disques est en rotation de sorte que la lumière est décalée vers le rouge si elle s'éloigne d'un observateur et vers le bleu dans le cas contraire. Ceci explique le choix des couleurs pour les disques. © Christian Brinch, NBI, KU

    Des disques protoplanétaires circumstellaires et circumbinaires

    Cela fait environ 25 ans que les astronomes explorent le monde des exoplanètes et ils sont allés de surprises en surprises. Beaucoup des systèmes planétaires découverts ne ressemblent pas à notre Système solaireSystème solaire, au grand plaisir des fans de science-fiction d'ailleurs. On a ainsi commencé à découvrir, notamment avec Spitzer, qu'il existait des planètes avec des doubles couchers de soleil, comme sur la Tatooine de Star Wars. Cela n'avait rien d'évident pour les mécaniciens célestes qui voyaient mal comment des planètes pouvaient se former et rester sur des orbites relativement stables autour d'une étoile faisant partie d'un système binaire avec deux soleils proches.

    Pourtant, on a fini pas découvrir récemment des disques protoplanétaires circumstellaires autour des membres d'étoiles binaires et même des disques circumbinaires supplémentaires. Jusqu'ici, ils étaient dans des plans presque parallèles (plans orbitaux des étoiles comme des disques), comme on pouvait s'y attendre avec la théorie de la formation des étoiles et des planètes. Mais dans le cas de IRS 43, non seulement les disques circumstellaires ne sont pas dans cette configuration mais ils ne sont pas parallèles non plus avec le plan du disque circumbinaire. C'est une première et si des planètes sont en formation dans ces disques, elles auront donc des plans orbitaux non parallèles entre elles et avec celui des étoiles de la binaire.

    Le schéma précédent a été déduit des observations faites dans le domaine des micro-ondes par le radiotélescope Alma. Elles sont représentées ici avec le même code de couleur pour les molécules présentes dans les disques (<em>disk</em>) dont les orientations sont représentées par des segments de droite avec tirets. En bas à gauche, notre Système solaire donne l'échelle. © Christian Brinch, NBI, KU
    Le schéma précédent a été déduit des observations faites dans le domaine des micro-ondes par le radiotélescope Alma. Elles sont représentées ici avec le même code de couleur pour les molécules présentes dans les disques (disk) dont les orientations sont représentées par des segments de droite avec tirets. En bas à gauche, notre Système solaire donne l'échelle. © Christian Brinch, NBI, KU

    La turbulence et la naissance des exoplanètes

    On connaît jusqu'à présent une centaine d'exoplanètes en orbite circumstellaire et une dizaine en orbite circumbinaire, à chaque fois dans des plans presque parallèles à ceux des étoiles binaires.  IRS 43 peut sembler une anomalieanomalie mais en fait nous n'en savons rien car il doit y avoir un biais observationnel. Les planètes dans des plans orbitaux quasi-parallèles aux plans orbitaux d'une étoile binaire sont plus facilement détectables car la probabilité d'observer un transittransit avec des télescopes spatiaux comme Kepler est bien plus importante dans ce type de configuration.

    Reste à vraiment comprendre comment les disques autour de IRS 43 sont apparus. On sait déjà que les étoiles doubles sont majoritaires dans la Voie lactée où elles naissent par fragmentation et effondrementeffondrement d'un nuage moléculaire qui donne d'ailleurs simultanément un grand nombre d'étoiles sous la forme d'un amas ouvertamas ouvert. Le mélange de gazgaz et de poussières peut devenir turbulent lors de ce processus et c'est peut-être là que prennent naissance des mécanismes expliquant la formation des disques de IRS 43, selon les astrophysiciens. Mais si tel est bien le cas, il faudra sans doute avoir recours à des simulations numériques avec des superordinateurssuperordinateurs pour y voir clair, car l'analyse de la turbulence des fluides à l'aide de l'équationéquation de Navier-Stokes est notoirement très difficile dans la majorité des cas.