Alma a permis pour la première fois de localiser le lieu de ce qui semblerait être une planète en cours de formation dans un disque protoplanétaire. Ce pourrait être une exoneptune ou tout simplement l'amorce d'une telle planète sous forme d'un vortex de poussières.


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    Il y a 6 ans, une équipe internationale d'astrophysiciensastrophysiciens utilisant le radiotélescope Alma (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array) annonçait l'observation d'une région étonnante dans le disque protoplanétaire autour de l'étoile Oph-IRS 48 (« Oph » se réfère à la constellation Ophiuchus dite du Porteur de serpents, et IRS signifie source infrarouge) située à environ 390 années-lumièreannées-lumière de la Terre dans la constellation d’Ophiuchus. La découverte était potentiellement d'importance car elle semblait conforter un mécanisme, proposé en 1995 par Pierre Barge, du Laboratoire d'Astrophysique de Marseille (Lam) et Joël Sommeria, du Laboratoire des écoulements géophysiques et industriels de Grenoble (Legi), pour résoudre une énigme de la formation planétaire.

    Ce modèle avançait que des tourbillons gazeux géants sont responsables de la capture et du confinement de poussières et petits cailloux contenus dans le disque protoplanétaire qui entoure une étoile, permettant de dépasser ce que l'on appelle la barrière du mètre, c'est-à-dire de poursuivre un processus de croissance des blocs rocheux au-delà de cette taille. Ce modèle fait précisément intervenir l'équivalent des tourbillonstourbillons anticycloniques dans la mince couche atmosphérique de la Terre en rotation, les seuls capables de survivre sans être déchirés par la rotation dans un disque protoplanétaire.

    Futura avait fait une longue interview en deux parties de Pierre BargePierre Barge à cette époque au sujet de cette découverte prometteuse. On peut se demander si ce n'est pas le même phénomène que vient de surprendre à nouveau Alma sous la commande d'une autre équipe d'astrophysiciens qui vient de publier un article dans Astrophysical Journal Letters, disponible en accès libre sur arXiv.

    En fausses couleurs, les images d'Alma montrant une région allongée dans la partie externe de son disque protoplanétaire en bas à droite. La distance Soleil-Jupiter donne l'échelle. © Alma (ESO/NAOJ/NRAO), Tsukagoshi et al.
    En fausses couleurs, les images d'Alma montrant une région allongée dans la partie externe de son disque protoplanétaire en bas à droite. La distance Soleil-Jupiter donne l'échelle. © Alma (ESO/NAOJ/NRAO), Tsukagoshi et al.

    Un vortex anticyclonique dans le disque de TW Hydrae ?

    Cette fois-ci, le regard d'Alma a été tourné vers TW Hydrae (ce n'est pas la première fois comme le montre le précédent article de Futura ci-dessous), une cible d'étude régulière pour les astronomesastronomes cherchant à comprendre la formation planétaire, car elle est relativement proche de la Terre -- environ 196 années-lumière -- et âgée de 10 millions d'années tout au plus. Surtout, les yeuxyeux de l'humanité, que ce soit HubbleHubble, Herschel ou Alma, nous montrent son disque protoplanétaire perpendiculairement ou peu s'en faut. C'est donc un excellent laboratoire pour percer les secrets de la naissance du Système solaireSystème solaire et plus généralement des exoplanètesexoplanètes.

    De fait, les précédentes observations avaient révélé que le disque autour de TW Hydrae était composé d'anneaux concentriques trahissant probablement la présence d'exoplanètes ayant accrété de la matièrematière. Mais aujourd'hui, les nouvelles observations d'Alma, plus précises, ont révélé une forme ovoïde précédemment inconnue dans le disque protoplanétaire. Elle est allongée dans le sens de la rotation du disque, avec une largeur approximativement égale à la distance entre le SoleilSoleil et la Terre et une longueur d'environ quatre fois et demie celle-ci.

    Pour l'astrophysicien Takashi Tsukagoshi, de l'Observatoire astronomique national du Japon, et principal auteur de l'article publié : « La nature réelle de cette forme n'est toujours pas claire. Ce pourrait être un disque "circumplanétaire" alimentant la croissance d'une jeune exoplanète de la taille de NeptuneNeptune. Mais ce pourrait être aussi un vortexvortex collectant des particules de poussière. »

    Le chercheur ajoute : « Bien que nous n'ayons pas de conclusion solidesolide, identifier le lieu exact de la formation d'une exoplanète est très précieux pour nous. Nous devrions obtenir bientôt des images d'Alma avec une résolutionrésolution encore plus élevée, avec un profil des températures dans la forme détectée qui pourrait fournir des indices de la présence d'une exoplanète. Nous prévoyons également de l'observer avec le télescopetélescope Subaru en infrarouge pour voir s'il y a du gazgaz chaud autour d'une planète potentielle. »


    La formation d'une exoneptune observée par Alma

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 19/09/2016

    L'étoile TW Hydrae, avec son disque protoplanétaire, est l'une des stars de l'astrophysiqueastrophysique. C'est un laboratoire pour comprendre la naissance des exoplanètes. Le télescope Alma, au Chili, semble d'ailleurs y avoir repéré une cousine de Neptune en formation.

    On distingue en général deux étapes dans les scénarios de la formation des planètes. La première est dite « hydrodynamique », avec un disque de gaz et de poussières où ces dernières sédimentent et s'agglomèrent pour finir par donner des planétésimaux (il s'agit de blocs rocheux dont les dimensions sont de l'ordre du kilomètre ou de quelques dizaines de kilomètres). La seconde étape fait intervenir essentiellement la force de gravitationforce de gravitation, avec des collisions violentes entre les planétésimaux qui conduisent à la naissance des protoplanètes, dont les tailles sont comprises entre 100 et 1.000 kilomètres, puis aux planètes elles-mêmes.

    La première étape reste assez mal comprise et la seconde comporte encore des zones d'ombre, notamment en ce qui concerne les géantes gazeusesgéantes gazeuses. Pour y voir plus clair, des observations sont nécessaires et pas seulement des simulations numériquessimulations numériques et des calculs analytiques savants basés sur la mécanique des fluides. C'est pourquoi des astrophysiciens qui cherchent à mieux comprendre la naissance du Système solaire, ainsi que des exoplanètes, se sont tournés vers l'Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (Alma, au Chili).

    L'une de leurs principales cibles est TW Hydrae, l'étoile variableétoile variable de type T TauriT Tauri la plus proche du Soleil. Elle n'est âgée que de 5 à 10 millions d'années. Le télescope Hubble a révélé qu'elle était entourée d'un disque protoplanétaire vu par la face. Comme il n'est situé qu'à environ 196 années-lumière de la Terre, dans la constellation de l'HydreHydre, on peut clairement y voir, avec Alma, des anneaux appauvris en gaz et en poussières.

    Sur cette image en fausses couleurs prise par Alma, le disque protoplanétaire autour de l'étoile TW Hydrae est bien visible ainsi que des anneaux moins lumineux. Il s'agit de régions moins denses en gaz et poussières, dépourvues de particules de grandes tailles et qui seraient la manifestation de la présence d'exoplanètes. © Alma (ESO/NAOJ/NRAO), Tsukagosh<em>i et al. </em>
    Sur cette image en fausses couleurs prise par Alma, le disque protoplanétaire autour de l'étoile TW Hydrae est bien visible ainsi que des anneaux moins lumineux. Il s'agit de régions moins denses en gaz et poussières, dépourvues de particules de grandes tailles et qui seraient la manifestation de la présence d'exoplanètes. © Alma (ESO/NAOJ/NRAO), Tsukagoshi et al.

    Des sillons creusés dans un disque protoplanétaire par des exoplanètes

    En effet, en utilisant deux bandes de fréquencesbandes de fréquences centrées autour de deux valeurs, il est possible d'estimer la taille des grains de matière dans le disque protoplanétaire. Pour faire simple, il faut pour cela faire le quotient des intensités du rayonnement mesurées dans ces bandes. C'est de cette manière que l'on a découvert que l'un des anneaux étudiés contenait surtout des poussières dont la taille est inférieure au micromètremicromètre, contrairement aux régions plus denses du disque où les tailles des particules peuvent être plus importantes.

    Ces observations sont facilement interprétées dans le cadre des modèles cosmogoniques comme la manifestation de la présence d'exoplanètes en cours de formation qui sont en train de faire le ménage dans le disque en accrétant fortement du gaz et de la poussière. Mais l'action conjointe de la gravitation et de la force de frictionfriction entre le gaz et les particules de poussières conduit également les particules les plus massives et les plus grosses à quitter l'anneau, alors que les autres y restent. Une équipe d'astrophysiciens s'est concentrée avec Alma sur un de ces anneaux, celui creusé à environ 22 unités astronomiquesunités astronomiques dans le disque entourant TW Hydrae. Elle a déposé sur arXiv un article avec les conclusions auxquelles elle est arrivée.

    En utilisant les caractéristiques de l'anneau, il est possible d'estimer la massemasse de matière qui se trouve sous la forme d'une exoplanète. En fonction de sa distance à son étoile centrale, au-delà de la fameuse ligne des glaces, on peut alors en conclure qu'il doit s'agir d'une planète géanteplanète géante ressemblant à Neptune, avec donc un important manteaumanteau constitué de plusieurs types de glaces (pas seulement de l'eau) entourant un noyau rocheux et une atmosphèreatmosphère épaisse.

    Si tel est bien le cas, on dispose donc d'un laboratoire pour mieux étudier la naissance non seulement de Neptune mais aussi d'UranusUranus. Cela devrait aussi nous aider à mieux comprendre indirectement la naissance de JupiterJupiter et de SaturneSaturne qui, elles, ne contiennent pas un manteau de glaces aussi important.