A l’aide du puissant superordinateur Blue Gene/P, les chercheurs de l’Université de Chicago explorent la physique de l’explosion des naines blanches et produisent des simulations 3D de plus en plus précises des supernovae SN Ia. L’un de leurs buts est de comprendre la nature de l’énergie noire.

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    Les étapes de la propagation du front de combustion lié à la déflagration dans la naine blanche. Crédit : Center for Astrophysical Thermonuclear Flashes

    Les étapes de la propagation du front de combustion lié à la déflagration dans la naine blanche. Crédit : Center for Astrophysical Thermonuclear Flashes

    Subrahmanyan Chandrasekhar a été professeur pendant presque toute sa vie à l'Université de Chicago. Il s'est fait un nom à 20 ans en découvrant la limite au-delà de laquelle la masse d'une naine blanche entraînait son effondrementeffondrement inévitable en trou noir. Pionnier de la structure stellaire et ayant lui-même abondamment utilisé l'une des calculatrices mécaniques des années 1930, alors qu'il était en thèse à Cambridge, il serait sans doute émerveillé par les prouesses réalisées aujourd'hui par ses collègues de l'Université de Chicago travaillant au ASC / Alliances Center for Astrophysical Thermonuclear Flashes.

    Alors que l'on sait depuis longtemps que les supernovaesupernovae de type SNSN I a naissent de l'explosion d'une naine blanche dans un système binairesystème binaire, il a fallu attendre l'année dernière pour qu'une simulation numériquesimulation numérique 3D reproduise cette explosion. Rappelons qu'une naine blanche est un astre incroyablement dense ne dépassant pas 1,44 fois la masse du Soleil. Elle est le résidu d'une étoileétoile modeste, ne dépassant pas 8 masses solaires, qui a épuisé son carburant nucléaire et éjecté sous forme de nébuleuse planétairenébuleuse planétaire ses couches supérieures. Une naine blanche de la masse du Soleil possède un rayon de 7.000 km et un cm3 de sa matièrematière, dégénérée et dominée par des effets quantiques et relativistes, pèse alors une tonne !

    Se refroidissant extrêmement lentement, cet astre est plutôt inerte mais, lorsqu'il fait partie d'un système binaire, vient un moment où il arrache du gazgaz à son étoile compagne et un disque d'accrétiondisque d'accrétion se forme. Du gaz tombe sur la naine blanche et fait augmenter sa masse. Au bout de quelques centaines de millions d'années, une explosion se produit, soufflant la naine blanche.

    Pendant longtemps, les simulations numériques étaient incapables de restituer cette explosion spontanée et un petit coup de pouce devait être ajouté. Puis, on finit par reproduire le phénomène avec des approximations en deux dimensions, jusqu'à la percée en 3D de l'année dernière.

    Le secret de l'énergie noire dans les naines blanches ?

    Les naines blanches sont capitales pour les cosmologistes lorsqu'elles se transforment en supernovae SN Ia. En effet, en partie en raison de l'existence de la masse limite de Chandrasekharlimite de Chandrasekhar, on a de bonnes raisons de penser que lorsqu'elles explosent, elles libèrent à peu près toutes la même quantité d'énergieénergie, en tout cas avec des variations bien moindres que celles des supernovae SN II, causées par des étoiles géantesétoiles géantes et jeunes. Elles constituent de bons indicateurs de distances dans le monde des galaxiesgalaxies, même si elles ne sont pas d'excellentes chandelles standardschandelles standards. En mesurant leur luminositéluminosité apparente, on peut en effet en déduire leur éloignement de notre Galaxie (plus elles sont loin, moins elles apparaissent lumineuses). Surtout, elles ont permis en 1998 de découvrir l'accélération de l'expansion de l'Univers et donc l'existence de la mystérieuse énergie noireénergie noire.

    Comme on le sait, cette énergie noire apparaît dans les équationséquations d'EinsteinEinstein comme une constante cosmologiqueconstante cosmologique. Or, celle-ci pourrait ne pas l'être et varier très lentement dans le temps. Pour le savoir, il faudrait connaître plus précisément qu'actuellement la quantité d'énergie que libère en moyenne une SN Ia, c'est là que l'importance des simulations numériques 3D effectuées avec le superordinateursuperordinateur Blue Gene/P par Robert Fisher, Cal Jordan et leurs collègues prennent toute leur importance. Si l'on arrivait à prouver que la constante cosmologique ne l'est en fait pas, on pourrait peut-être tester des théories comme la théorie des cordes.

    Avec plus de 160.000 microprocesseursmicroprocesseurs, Blue Gene/P réalise en trois jour des calculs qui prendraient plus d'un millier d'années à un PCPC. Grâce à lui, les chercheurs voient clairement que l'explosion d'une naine blanche se fait en gros en deux étapes, d'abord une déflagration puis ensuite une détonation. La déflagration est le phénomène qui se produit lorsque l'on jette par exemple une allumetteallumette dans un récipient largement ouvert emplie d'essence, alors que la détonation est le processus beaucoup plus violent à l'origine des explosions.

    Vidéo 1. Crédit : Alliance Center for Astrophysical Thermonuclear Flashes at the University of Chicago

    Comme le montre la vidéo 1, au-delà d'une certaine densité, il se produit une déflagration dans le cœur de la naine blanche. Des réactions thermonucléaires s'enclenchent à nouveau, alors qu'elles étaient impossibles auparavant. Une bulle, formée par les résidus de combustionscombustions à plusieurs milliards de degrés, large de quelques dizaines de kilomètres initialement, apparaît et monte vers la surface de l'étoile en moins de trois secondes. En l'atteignant, elle s'étale et se concentre de l'autre coté de l'étoile (vidéo 2), où elle provoque une compression déclenchant la détonation de la naine blanche exactement selon le même principe que pour un moteur dieselmoteur diesel !

    Vidéos 2. Crédit : Alliance Center for Astrophysical Thermonuclear Flashes at the University of Chicago

    Il existe plusieurs variantes de ce scénario et les chercheurs enchaînent les simulations des différents cas possibles en faisant varier certains paramètres. Aujourd'hui, l'incertitude sur la luminosité moyenne des SN Ia est de 15%, ce genre de simulation pourrait contribuer à la faire chuter à 1% et peut-être ainsi à ouvrir une fenêtrefenêtre sur une nouvelle physiquephysique et le destin ultime de l'UniversUnivers observable.